Débats et coups bas
La Cinquième n’a pas diffusé son émission-débat Ripostes, le 4 juin. Enregistré le 26 mai et intitulé : « Peut-on tout dire dans un journal intime ?« , le magazine, présenté par Serge Moati et Dorothée Woilliez, devait opposer Michel Polac (Journal, PUF), Marc-Edouard Nabe (Kamikaze, Rocher) et Renaud Camus, dont le dernier ouvrage (La Campagne de France, Fayard), piqué de réflexions antisémites, a provoqué une polémique à sa sortie.
L’émission s’annonçait explosive. Premier couac avant même l’enregistrement : Renaud Camus, déjà maquillé, quitte le plateau, prétextant le retard pris par les équipes techniques. Moati doit se contenter d’arbitrer le débat Polac/Nabe. Mais l’ex-animateur de Droit de réponse refuse de discuter avec Nabe, « un auteur qui s’inspire de journaux d’Occupation comme Pilori ou La Gerbe ! ‘ Le duel tourne au pugilat verbal, à l’échange d’injures. Polac traite de Nabe d’antisémite et cite à l’appui un extrait de son livre sur la profanation de Carpentras qu’il faut bien reprendre ici : « On vient de révéler à la vieille marrante Madeleine que son mari, en fait, n’a pas été empalé : il n’y a pas eu pénétration du trou du cul de Félix par le pieu, mais simplement simulation de sodomie en plaçant l’objet entre les jambes du macchabée exhibé. » Cette citation sera coupée au montage. En l’apprenant, Polac menace de mener une action en référé. La chaîne opère alors un savant repli stratégique et annule la diffusion. « La crudité des propos repris par Polac pose un problème sur une chaîne à vocation éducative, à une heure de grande écoute, explique Benoît Charpentier, le rédacteur en chef de l’émission. Je peux comprendre son agacement, mais je pense que l’escamotage de ce passage n’affadissait pas l’échange ni ne diluait la responsabilité d’un écrivain comme Nabe. » La direction de la chaîne invoque quant à elle des « problèmes juridiques » pour justifier la suppression de l’émission.
Michel Polac estime au contraire que la censure de la citation a réduit l’altercation à une querelle de salon, « manière de faire la promotion d’un livre. » Il estime que les jeunes téléspectateurs de La Cinquième doivent entendre ce type de passage pour bien comprendre à quel genre d’écrivains ils ont affaire. Polac met aussi en cause les grandes maisons d’édition (Fayard et Rocher) qui publient les ouvrages de Camus et de Nabe : « Il ne s’agit pas de quelque obscure officine d’extrême droite, mais d’éditeurs qui ont pignon sur rue ! »
Nabe, dans un communiqué envoyé à la presse, présente une autre version de l’affaire : « Si Polac a tout fait pour censurer Ripostes, c’est parce que la co-animatrice de Serge Moati a trouvé légitime de lire un peu de son journal intime à lui. » Un extrait dans lequel Michel Polac raconte avoir éprouvé un émoi sexuel pour un jeune garçon assis sur ses genoux. « Ce vaniteux susceptible, poursuit Nabe, m’en veut parce que j’ai révélé à quel point les éditeurs qui le publiaient méprisaient sa prose et se foutaient de sa gueule en tant qu »écrivain »… »
Reste qu’on peut se poser la question : est-il pertinent pour une émission de télé d’inviter des auteurs sur son plateau quand on considère que leurs écrits sont indiffusables ?