Robert Hue vient d’interpeller Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux, en lui demandant le chiffre » des disparitions annuelles de mineurs de moins de quinze ans en France métropolitaine, mais aussi dans les départements et les territoires d’outre-mer, pour les dix dernières années, en évoquant non pas les fugues mais les seuls cas d’enfants dont on n’a plus aucune nouvelle « . L’initiative du député du Val-d’Oise peut sembler étonnante, mais elle pointe une étonnante carence dans le domaine des statistiques : si le nombre de ces disparitions de mineurs existe, il n’est pas rendu public. Pourquoi cette opacité que l’on retrouve dans la plupart des pays de l’Union européenne ? Les seules données chiffrées que nous avons pu exhumer remontent à 1982 et font frémir : 2 232 mineurs de treize à seize ans et 78 enfants de moins de treize ans auraient disparu, en France, cette année-là, sans laisser de traces ! Quelles enquêtes ont été menées pour les retrouver ? On reste sidéré par le contraste qui existe entre la surmédiatisation de quelques cas de disparitions de mineur(e)s et la chape de plomb qui pèse sur ce phénomène massif, s’il est confirmé. Sans doute est-on loin des chiffres rendus publics au Mexique, en juillet dernier. Selon Jose Luis Santiago Vasconcelos, procureur général en charge du crime organisé à Mexico, 130 000 petits Mexicains ont disparu au cours des cinq dernières années. Il parle de réseaux de prostitution, d’industrie pédopornographique et de trafics d’organes. Jusqu’à quel point la France échappe-t-elle à ces trafics ? Peu après avoir révélé l’affaire du cédérom pédocriminel de Zandvoort (Hollande) en février 2000, par dizaines des parents ont contacté l’Humanité pour visionner le fichier établi à partir de ce cédérom. Un document conçu par la police néerlandaise, transmis à Interpol et pourtant inexploité par la police française. Parmi ces parents, une mère lyonnaise à la recherche de son fils, six ans, disparu à la sortie de l’école. Aucune enquête sérieuse n’avait été lancée car les policiers avaient décrété qu’il s’agissait d’une fugue. Avant de passer à l’Humanité pour visionner le fichier, cette mère avait fait un détour par la Brigade des mineurs pour d’éventuelles nouvelles. » C’est une fugue ! « , lui a-t-on répété. Au bord des larmes, elle nous a confié : » Mon fils a disparu il y a vingt-six ans et ils me répètent toujours la même chose. « Robert Hue justifie sa demande en ces termes : » Plusieurs affaires en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie, en Russie et ailleurs ont mis en évidence l’existence de réseaux pédocriminels nationaux et transnationaux. Il est cependant difficile d’apprécier aujourd’hui l’ampleur du phénomène car nous ne disposons pas de chiffres et de données statistiques officiels dont la connaissance paraît pourtant indispensable à la recherche de solutions adaptées à cette criminalité d’une nature particulièrement abjecte. «
Serge Garde