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(Livre de Michèle Brocard) Lumières sur la sorcellerie et le satanisme

livre-lumieres-sur-la-sorcellerie        Extrait de l’introduction :

La nuit tombait en ce jour de juillet 1985. De brume fragmentaire, les vapeurs s’étaient faites plus denses et le brouillard recouvrait peu à peu toute la vallée de la Tarentaise, en Savoie. Un brouillard à vous tordre l’âme d’angoisse. Deux maisons, pas même un de ces hameaux piqués dans la pente comme des écailles de pommes de pin. Juste deux maisons sur un replat, à vol d’oiseau des stations de ski les plus réputées.
– Et ton voisin, le sorcier ?
– On s’en accommode, me répondit-on dans l’étable restaurée par ces estivants dont les murs étaient mitoyens d’une famille de sorciers réputée de père en fils depuis la nuit des temps. Une des trois familles du pays qui possédait encore Le Petit Albert, selon le commun bruit. C’était tout dire.
Nous redescendîmes en bavardant. La sorcellerie ? Non, vieilles lunes… Cependant, une telle charmait le feu, celle-ci avait été arrêtée sur place par une force inconnue, les vaches du père s’étaient retrouvées attachées deux à deux dans la même chaîne, on avait eu bien du mal à les en dépêtrer. A la fromagerie Machin, depuis certaine visite, il y a trois ans, leur fromage, ce n’était plus tout à fait ça. Ils avaient sans arrêt des problèmes. Les reblochons de Mme Untel gonflaient comme des soufflés, elle devait les crever avec son pique-feu chauffé au rouge. La sorcière ne pouvait pas mieux frapper dans ce pays producteur de lait et de produits fromagers. C’était d’ailleurs une voisine.
Je me retrouvais ainsi soudain plongée au coeur même des récits qui se déroulaient tout au long des interrogatoires des déposants ou témoins des quarante procès de sorcellerie anciens que je venais de dépouiller durant de longs mois aux Archives départementales de Savoie. Si les maléfices paraissaient plus bénins, car tout s’affadit, c’étaient les mêmes.
On n’y croyait pas vraiment, mais on ne s’expliquait pas. Alors pourquoi pas ?
La Savoie et ses habitants positifs, réalistes n’échappent cependant pas à un petit côté irrationnel. Dans les temps anciens, la sorcellerie s’y portait bien. Savoie et Haute-Savoie eurent dès le XVe siècle leur épidémie de chasse aux sorcières avec un paroxysme aux XVIIe et XVIIIe siècles, correspondant sensiblement à la réforme catholique post-tridentine, qui considéra la sorcellerie comme l’hérésie majeure, et à l’explosion du style que l’on nomme baroque.

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