Le juge N´Guyen devrait prochainement se dessaisir d´une partie de son enquête sur le réseau de prostitution dont les clients étaient des célébrités. Le magistrat, qui n´avait pas hésité à faire interpeller Robert De Niro, laissera à un autre …
L´AFFAIRE Bourgeois-Brumark, du nom de ce réseau de prostitution de luxe impliquant une kyrielle de personnalités, est terminée. Le juge N´Guyen vient de rendre son ordonnance de soit-communiqué au parquet de Paris. Le second volet du dossier, qui porte sur des faits de violences sexuelles, est toujours en cours, mais il pourrait lui être retiré.
Hier, au cours d´une entrevue orageuse, le premier président de la cour d´appel, Guy Canivet, s´est durement expliqué avec le juge. Le président de la cour d´appel, saisi d´une demande de récusation du magistrat par l´avocat de Wojtek Fibak, mis en examen pour « agression sexuelle et tentative de viol », n´y aurait pas donné suite, estimant la requête non recevable sur la forme. En revanche, sur le fond, le défenseur de Fibak, Me Sur, semble avoir obtenu gain de cause. Guy Canivet, qui s´est auparavant entretenu du « cas N´Guyen » avec le président du tribunal de grande instance de Paris, aurait convaincu le juge de se dessaisir très rapidement du dossier au profit de Marie-Paule Moracchini. Joint hier à son cabinet, le juge N´Guyen a refusé de confirmer ou de démentir nos informations.
Vision complètement différente du dossier Marie-Paule Morrachini, qui « épaule » depuis mars son collègue, devrait ainsi clôturer seule l´instruction. Depuis plusieurs semaines, le palais de justice glosait sur le conflit larvé opposant les deux juges dont la vision du dossier diffère complètement. Un seul exemple, résumé par un avocat : « M. N´Guyen avait l´intention de mettre en examen le patron d´une grande marque de cosmétiques, accusé sur plusieurs PV d´attouchements sexuels. Or, Mme Morrachini s´y est opposée, estimant les charges homologues trop faibles. »
Décidément, l´instruction du juge N´Guyen aura été marquée jusqu´au bout par des rebondissements. Ouverte en octobre 1996 pour des faits de proxénétisme aggravé, elle se centre d´abord sur Anika Brumark, un ancien mannequin à la tête d´un réseau de call-girls. Plusieurs intermédiaires, chargés de recruter des filles pour « Mme Anika », sont ensuite mis en cause. Parmi eux, Jean-Pierre Bourgeois, un photographe très connu dans le monde de la photo de charme. Mises sur écoutes durant plusieurs mois, les call-girls livrent aux policiers leurs secrets d´alcôve. Les PV de ces écoutes sont tellement explosifs qu´entre octobre 1996 et janvier 1997, ils atterriront plus d´une fois sur le bureau du ministre de l´Intérieur avant même d´être communiqués au juge ! Les PV mentionnaient les noms mais aussi les manies sexuelles d´une galerie de stars parmi lesquelles un célèbre chanteur français, un important élu UDF du Sud-Ouest, un protagoniste de l´affaire Péchiney… Autant d´habitués du réseau que le juge N´Guyen avait l´intention d´entendre à titre de témoin, comme il l´a fait avec Robert De Niro. « Le juge a été tellement critiqué à cette occasion qu´il a renoncé depuis à convoquer d´autres personnalités », estime un avocat.
L´épisode De Niro aura aussi marqué une nouvelle étape dans le bras de fer opposant depuis le début le magistrat au parquet, qui a régulièrement refusé au juge les réquisitoires supplétifs que ce dernier réclamait afin d´enquêter dans d´autres directions, notamment sur des filières moyen-orientales.
Au cours de son enquête, classée « sensible » à la chancellerie, le magistrat a mis en cause d´éminentes personnalités du golfe Persique. Certains émirs auraient d´ailleurs gelé de juteux contrats avec la France pour manifester leur mauvaise humeur. Le juge s´est également mis à dos le showbiz français en mettant en examen le producteur Alain Sarde. Car en marge du réseau de proxénétisme, Frédéric N´Guyen a établi des faits de « viols et d´agressions sexuelles », objets d´une instruction distincte.
Au total, une quarantaine de jeunes femmes, actrices de X mais surtout simples mannequins, étudiantes, sans emploi ou apprenties comédiennes ont témoigné devant le juge des violences sexuelles qu´elles ont subies. Principal accusé, Christian Bourgeois. Ce dernier, chargé de recruter des filles pour les intégrer au réseau dirigé par « Mme Anika », aurait abusé d´un certain nombre d´entre elles.