L'Humanité Zandvoort: L’association Morkhoven parle d’inertie criminelle

De notre envoyé spécial.

Morkhoven. Le nom d’une bourgade près d’Anvers, en Belgique. Le nom d’une association qui défraie la chronique. Les Morkhoven traquent les réseaux internationaux de pédophilie avec des méthodes peu orthodoxes. Ils ont dénoncé le réseau Zandvoort après s’être appropriés le cédérom du pédophile néerlandais Gerrit Ulrich, dans des conditions controversées. Après une perquisition de la police qui, dit-on, n’avait rien trouvé. C’est peu dire que les Morkhoven dérangent les institutions belges bousculées par les contrecoups de l’affaire Dutroux. Le président de l’association, Marcel Vervloessem, a fait l’objet de perquisitions, de plaintes, y compris pour pédophilie. Lui hausse les épaules.  » Seuls les résultats comptent « , dit-il. Le fait est que l’Italie, le Portugal et la Hollande ont donné des suites judiciaires aux révélations de cette association, à l’origine du démantèlement du réseau Temse en Belgique aux nombreuses ramifications internationales. Rencontre à Gand avec plusieurs responsables de l’association.

Comment définissez-vous l’association Morkhoven ?

Les Morkhoven. Nous sommes un groupe de chercheurs privés. Nous intervenons comme défenseurs des enfants abusés et maltraités. Nous avons débuté en 1989. Nous nous étions intéressés aux mauvais traitements infligés à des mineurs dans un hôpital psychiatrique, à Anvers. Nous sommes tombés sur la piste d’une organisation structurée. Certains jeunes dans cet institut subissaient des abus sexuels et étaient photographiés. Nous avons aussi constaté plusieurs disparitions d’enfants.

Quelle a été la réaction de la police belge ?

Les Morkhoven. L’homme le plus impliqué dans ces disparitions n’a été arrêté que neuf ans plus tard, en 1998.

Comment expliquez-vous ce laxisme ?

Les Morkhoven. Pas seulement par la naïveté, l’incompétence ou la bêtise. Cette inertie peut aussi traduire une volonté délibérée d’effacer des affaires dans lesquelles sont impliquées des gens haut placés.

Vous arrivez à travailler avec des policiers et des magistrats, en Europe ?

Les Morkhoven. Oui, mais cela dépend toujours d’initiatives individuelles. Ainsi au Portugal, dans l’affaire du réseau Temse. Notre président, Marcel Vervloessem a été invité à témoigner au procès, à Funchal. La justice portugaise a eu le courage d’instruire ce dossier, bien qu’une personne proche de l’évêché de Madère paraissait impliquée.

Quelles sont vos relations avec les autorités françaises ?

Les Morkhoven. Nous n’en avons pas. Pourtant, la situation en France ne me paraît pas moins grave que celle que nous connaissons en Belgique. Votre pays sous-estime le problème, comme d’ailleurs la plupart des nations de l’Union européenne. Soit elles ne sont pas capables de voir, soit elles ne le veulent pas. À l’époque d’Internet, elles continuent à nier l’existence de réseaux internationaux. L’affaire Dutroux illustre bien notre propos. Il est désormais présenté comme un pervers solitaire, alors que des dizaines de témoins le décrivent comme un petit pourvoyeur, dans un système mafieux fonctionnant dans une totale impunité. Par contre notre président et plusieurs membres de notre association sont harcelés par la police. C’est le monde à l’envers.

L’Humanité s’est procuré une copie du cédérom de Gerrit Ulrich et le répertoire photographique établi à partir de ce CD par la police hollandaise. Comment expliquez-vous que ces documents restent inexploités en Europe ?

Les Morkhoven. En traquant la pédophilie, nous mettons en cause des personnalités au-dessus de tout soupçon. La loi du silence qui prévaut actuellement, vise d’abord à les protéger. Il faut la briser. Sauver ces enfants devrait être une priorité qui s’impose à tous. Comment les retrouver si la police ne publie pas ces photos ? La diffusion d’une seule de ces images à la TV allemande a permis de retrouver un abuseur et de saisir à son domicile des milliers d’autres images pédophiles. L’enfant a été reconnu par une puéricultrice qui a informé la police. L’efficacité, pensons-nous, passe par la publication de ces photos.

En décembre 1999, Interpol s’est déclarée impuissante devant la montée exponentielle de la pédophilie, notamment sur Internet…

Les Morkhoven. Nous, association, nous obtenons des résultats avec les faibles moyens que nous avons et Interpol voudrait nous faire croire que les polices ne peuvent faire face ? Comment y croire ? Actuellement la lutte contre les réseaux repose essentiellement sur l’action des associations. Est-ce acceptable ? De toute l’Europe, des parents nous confient les photos de leurs enfants disparus, afin que nous fiassions la comparaison avec les portraits du cédérom de Gerrit Ulrich. Est-ce normal ? Quand ce combat deviendra-t-il une priorité permanente pour les justices et les polices nationales ?

S.G.

Source: http://www.humanite.fr/node/222920

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