Affaire Alègre à Toulouse – AFFAIRE ALÈGRE – LE MAGISTRAT MIS EN CAUSE PAR LES EX-PROSTITUÉES ENTENDU, HIER, COMME TÉMOIN ASSISTÉ
Pour la première fois depuis que son nom est apparu dans le volet « mœurs » de l’affaire Alègre, Marc Bourragué, procureur adjoint de Montauban et ex-substitut du procureur de Toulouse, a été interrogé, hier matin, par l’un des juges d’instruction en charge de l’information judiciaire ouverte le 15 avril contre « Patrice Alègre et tous autres » pour « proxénétisme en bande organisée, viols, tortures et actes de barbarie et viols sur mineurs par personne dépositaire d’une autorité publique ».
Mis en cause par d’anciennes prostituées à l’origine notamment des révélations sur le meurtre de Line Galbardi en janvier 1992, Marc Bourragué est arrivé vers 8 heures dans le bureau du juge Thierry Perriquet, qui l’avait convoqué comme « témoin assisté », pour en ressortir discrètement quatre heures plus tard, un peu après midi, avec son avocat Me Laurent de Caunes.
Ironie de la situation, Marc Bourragué avait déjà été reçu par le même juge il y a deux mois… mais en qualité de « victime » dans le cadre de l’affaire de faux témoignage du travesti Djamel, dans laquelle il s’est constitué partie civile. À l’époque, le magistrat en avait profité pour clamer son innocence.
Hier, plus discrètement, Me Laurent de Caunes, sollicité par La Dépêche du Midi, s’est refusé à tout commentaire sur la teneur de l’audition de son client. Mais il s’est félicité d’avoir enfin accès aux pièces du dossier. Marc Bourragué est notamment visé par les témoignages, de Fanny, l’une des six anciennes prostituées à s’être porté partie civile à ce jour. La jeune femme, aujourd’hui âgée de 30 ans, a expliqué qu’elle avait eu une relation de plusieurs années avec le magistrat au début des années quatre-vingt-dix.
Elle a décrit un homme pouvant « lui faire très mal » qui l’aurait contrainte à participer à des séances sadomasochistes avec des notables. Certaines se seraient passées à l’intérieur même du palais de justice de Toulouse.
Si une expertise bucco-dentaire de Fanny a confirmé « des épisodes traumatiques » remontant à une dizaine d’années, accréditant ainsi les violences qu’elle aurait subies, la jeune femme jugée « crédible » par les experts psychiatres a aussi beaucoup varié dans ses déclarations : affirmant d’abord que Marc Bourragué pouvait être le père de son premier enfant ou encore qu’il lui avait acheté une voiture. Le premier point n’a pas encore été vérifié alors que le second s’est révélé faux.
Fanny a aussi parlé d’un tatouage, mais le procureur, expertise privée à l’appui, a démontré qu’il n’en avait pas. Pour justifier ses contradictions, Fanny, toujours fragile, a fait état de pression d’un policier qui l’aurait agressée en mars. Là encore la fracture d’une incisive relevée par l’examen dentaire est considérée compatible avec cet épisode.
Marc Bourragué est aussi mis en cause par Nadia, une autre ex-prostituée qui affirme avoir eu le magistrat comme client, un soir, à la demande du proxénète Lakhdar Messaoudène, complice présumé d’Alègre, actuellement écroué.
Mais ce sont les relations entre le magistrat et le tueur en série qui font le plus question. Tous deux ont avoué avoir pris l’apéritif ensemble en 1992 au domicile de Marc Bourragué, à Launaguet, par le biais d’un « ami » commun, Gilles Bivi.
Baudis entendu aujourd’hui
Autre question, celle de la présence présumée du magistrat sur la scène du crime de Line Galbardi. Tous les magistrats susceptibles d’assurer les permanences ont nié avoir été présents sur les lieux du drame. Les policiers chargés de l’enquête ont perdu la mémoire à ce sujet et les registres de permanence ont disparu…
Des mystères sur lesquels Marc Bourragué, alors procureur adjoint à Toulouse, aura à s’expliquer. Des mystères qui devraient lui valoir d’autres auditions, cette fois devant le juge Lemoine. Il sera en outre confronté le 17 à l’ex-prostituée Fanny. Quant à l’ancien maire de Toulouse Dominique Baudis, il doit être entendu aujourd’hui par le juge Perriquet.
Gilles-R. SOUILLES.
Les secrets d’un procureur
Substitut du procureur de la République chargé des affaires financières, Marc Bourragué, 47 ans, est resté en poste au palais de justice de Toulouse de 1989 à 1992, date à laquelle il a été nommé vice-procureur à Montauban. Représentant du ministère public auprès du tribunal de commerce de Toulouse, il a côtoyé beaucoup de monde dans les milieux d’affaires de la ville et géré de très gros dossiers de redressements judiciaires dont certains ont pris une dimension pénale. En 1998, engluée dans les mises en cause successives de ses responsables, la justice commerciale toulousaine est dans la tourmente. C’est à cette époque qu’Élisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux, déclenche une inspection générale des services au tribunal de grande instance. Marc Bourragué, en conflit avec le juge Laurent Nion, chargé des instructions financières est particulièrement visé. Soupçonné sur son train de vie, le rapport des inspecteurs concluera à une absence de preuve. En janvier 2001, une lettre anonyme arrivée au cabinet du juge Nion le dénonce comme étant au centre d’un pacte de corruption impliquant Jean-Marcel Lavergne, un administrateur judiciaire de premier plan mis en examen et incarcéré en novembre 2000. Il s’agissait du redressement judiciaire de la société Escoulan, basée à Tournefeuille, près de Toulouse, une grosse entreprise de distribution régionale qui a déposé son bilan en 1992. Des accusations graves qui n’ont jamais été vérifiées.
Source: http://www.ladepeche.fr/article/2003/09/11/203683-marc-bourrague-devant-le-juge.html