En marge de l’affaire Dutroux, un colloque sur la pédocriminalité s’est tenu dans l’enceinte du Parlement européen à Bruxelles, le 28 janvier 2004, à l’initiative du groupe des Gauches unitaire européenne-Gauche Verte nordique. Eurodéputée communiste et coorganisatrice, Sylviane Ainardi dénonce une véritable forme de négationnisme : » La pédocriminalité est niée par beaucoup de personnes honnêtes, parce c’est quelque chose qui dérange, qui dépasse l’entendement. Ça m’a renvoyé à mon histoire familiale. Mes parents ont été déportés, mais la réalité des camps de concentration a été niée jusqu’au retour des rescapés. Parce que cela touche à l’indicible. »
Bouleversée par les révélations de l’Humanité en février 2000 sur le cédérom de Zandvoort, cette élue n’a cessé de se battre pour sensibiliser le Parlement, aider les associations de victimes, protéger les parents protecteurs et les citoyens qui refusent le silence : » Les gens se sentent seuls face au problème. Il manque un cadre législatif adéquat. Trop de médecins, d’enseignants, de travailleurs sociaux ont été victimes de sanctions, de représailles pour avoir signalé la situation d’enfants en danger. En fait il manque une véritable volonté politique. » Rescapé du pool antimafia, président honoraire de la Cour de cassation italienne, le juge Ferdinando Imposimato confirme. Il regrette de n’avoir jamais pu collaborer correctement avec ses collègues français sur ces dossiers : » Selon moi, il existe en France une tolérance, une culture de la pédophilie qui tend à banaliser et donc à renforcer a pédocriminalité. » À la tribune, ce même juge annonce le chiffre d’affaires de cette activité inséparable du crime organisé : 1,2 milliard d’euros par an ! » C’est un phénomène transnational grave, en augmentation exponentielle. » L’eurodéputée portugaise Hilda Figuereido, interrogée sur le viol d’enfants confiés à l’institution Casa Pia à Lisbonne dénonce les complicités qui ont permis au scandale de se perpétuer pendant trente ans. L’élue suédoise Marianne Eriksson spécialiste de la prostitution des femmes, reconnaît qu’elle devait désormais intégrer à son combat la défense des enfants vendus comme objets sexuels. Le psychiatre belge Marc Reisinger avance une explication pour comprendre l’omerta qui protège les réseaux : » La pédocriminalité est un phénomène déviant qui se reproduit dans toutes les couches sociales. Les abuseurs qui sont dans les classes élevées protègent ceux qui sont socialement inférieurs et les utilisent pour se fournir en mineurs. Ainsi se constituent des solidarités verticales. Quant aux victimes elles sont intimidées, menacées. L’abus sexuel organisé n’est pas vraiment reconnu et ceux qui les dénoncent passent souvent pour des fous. »
Présent dans la salle, le père Don Fortunato, un prêtre sicilien à l’origine du démantèlement d’un réseau Russo-Européen sur Internet : » La pédopornographie, c’est un business qui rapporte des milliards de dollars. Une nouvelle criminalité se forme actuellement. » Une pédocriminalité organisée par des gens qui ne sont pas pédosexuels et qui » font de l’enfant comme ils trafiquent les armes ou les drogues « . Moment fort du colloque, la révélation par un expert en sécurité informatique, Alexandre de Fonseca, (ACPO : Anti Child Porn organisation) de l’existence d’un réseau basé en Russie qui propose le tournage de films sur commande et même la vente d’enfants, payables avec sa carte bancaire : » Le responsable de la sécurité d’une grande banque française n’a pas nié le problème. Il m’a dit : tant que cela ne ternira pas notre image de marque, nous n’apporterons pas de réponse. » Homayra Sellier, présidente d’Innocence en danger, un mouvement associatif international, insiste : » Des gens prétendent, sous prétexte que cela passe par l’Internet, qu’il s’agit de viols virtuels. Mais derrière chaque image, il y a un enfant réel. » Pendant ce temps, la cour d’appel confirmait le non-lieu dans l’affaire du cédérom de Zandvoort. Aucune incrimination pénale n’a été retenue. Il y a sur ce bout de plastique les photos de viols de nourrissons. Vous avez dit virtuel ?
S. G.