Un rapport sur les droits de l’enfant de l’organisation internationale relève les » carences » de la justice française concernant les violences sexuelles sur mineurs.Urgence, carences de la justice. En des termes certes diplomatiques mais cinglants, l’ONU invite la France à changer d’attitude vis-à-vis de la pédocriminalité. » Le rapporteur tient à recommander à nouveau qu’un organe indépendant mène de toute urgence une enquête sur les carences de la justice (française – NDLR) à l’égard des enfants victimes de sévices sexuels et des personnes essayant de les protéger. » Ce point 89 du rapport définitif de l’ONU sur les droits de l’enfant (1) résume parfaitement l’opinion de Juan Miguel Petit, rapporteur spécial sur la vente, la prostitution des enfants et la pédopornographie, après la visite qu’il a effectuée en France en novembre 2002.Au moment où le procès Dutroux nous rappelle que l’inimaginable n’est pas forcément imaginaire, le rapport stigmatise la négation qui prévaut dans les milieux de la justice dès qu’on parle de réseaux pédocriminels : » De nombreuses personnes ayant une responsabilité dans la protection des droits de l’enfant, en particulier dans le système judiciaire, continuent de nier l’existence et l’ampleur » des sévices sexuels sur des enfants, et notamment ceux commis » aux fins de production de matériel pornographique » (point 81). En clair, il s’agit de viols d’enfants, photographiés, filmés et diffusés via Internet. On découvre, au cours de la lecture des 23 pages du rapport, que la brigade des mineurs de Paris » émet des doutes sur l’existence de réseaux pornographiques « , tout en reconnaissant que » nombre d’adultes sur lesquels elle avait enquêté pour possession et distribution d’images pornographiques avaient des relations sociales très influentes « . Dans ce contexte, la décision du parquet de Paris de classer sans suite l’affaire du cédérom de Zandvoort (2) choque le rapporteur de l’ONU : » Les autorités françaises ont conclu que (les images du cédérom) dataient des années soixante-dix. Toutefois, certains parents contestent cette conclusion, faisant valoir que certaines des photos contiennent des preuves montrant clairement qu’elles ont été prises récemment. » Le rapporteur spécial demande (point 88) » que le gouvernement français. transmette officiellement le cédérom Zandvoort à Interpol aux fins d’examen « .
Dans de nombreux dossiers dans lesquels des enfants sont victimes de violences sexuelles, » la plupart des juges ne sont guère enclins à entendre les enfants » (point 85), et la France se voit rappeler l’article 12 de la convention des droits de l’enfant, qui assure à tout mineur » la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant « . Le constat est tel que l’ONU préconise l’affectation » des ressources adéquates à l’appareil judiciaire aux fins de la formation relative aux droits de l’enfant « . De même, le Conseil de l’ordre des médecins est invité à revoir » de toute urgence ses procédures de façon à soutenir au lieu de condamner les médecins qui font part de leurs soupçons de sévices à enfant » (point 59). Il n’a pas échappé au rapporteur de l’ONU que ledit Conseil ordinal a poursuivi une centaine de médecins » coupables » d’avoir effectué un signalement assimilé à une » dénonciation calomnieuse « . La grande discrétion accordée à la publication de ce rapport en France en dit long sur les réticences à remettre en question le dogme qui prévaut dans la majorité des prétoires : l’enfant est, a priori, présumé menteur. Ce sont les catastrophes judiciaires et humaines qui en découlent qui avait motivé la visite du rapporteur spécial de l’ONU en France, fin 2002.
Serge Garde
(1) Nations unies, Conseil économique et social, commission des Droits de l’homme, soixantième session, rapport E/CN.4/2004/9/Add.1 ; GE.03-16329 (F) 281103 041203.
(2) Le 24 février 2000, l’Humanité avait révélé l’existence d’un cédérom trouvé à Zandvoort (Pays-Bas) contenant 8 000 documents pédocriminels à partir duquel la police hollandaise avait tiré un fichier de 470 portraits d’enfants en danger. Parmi eux, une vingtaine de jeunes Français(es), dont l’identification avait été niée par le parquet de Paris.
Source: http://www.humanite.fr/node/301181