Huit condamnations, 30 ans déjà passés en prison : l’homme comparaît lundi pour le viol du jeune Enis.
Lundi, au premier jour du procès, Francis Evrard a reconnu l’ensemble des faits, invoquant des «pulsions» et des agressions sexuelles subies dans son enfance. «Il est temps de dire que c’est vrai. J’ai toujours un doute, mais je pense qui si on dit que je l’ai fait, c’est que je l’ai fait», a déclaré l’accusé, 63 ans. Evrard avait reconnu le viol en garde à vue, avant de se rétracter. Jusqu’ici, un doute persistait quant à la qualification de viol.
«Il représente une impasse tant pour la psychiatrie que pour la répression pénale.» Telle avait été la terrible conclusion rendue en 1974 par l’un des nombreux experts qui se sont penchés sur le cas de Francis Evrard. Son parcours est synonyme d’échec judiciaire et carcéral : huit fois condamné, Francis Evrard a récidivé après chaque sortie de prison. Son procès pour le viol du jeune Enis en 2007 s’ouvre aujourd’hui devant la cour d’assises du Nord.
Son casier judiciaire ne constitue d’ailleurs qu’une biographie incomplète de la vie de cet homme de 63 ans, né le 7 juillet 1946, qui a passé plus de trente ans derrière les barreaux. Entre des peines anciennes depuis effacées, des affaires qui n’ont pas donné lieu à des poursuites ou qui se sont déroulées en Belgique, Francis Evrard aurait fait plus de victimes que celles pour lesquelles il a été jugé. Certainement pas deux cents, comme il l’avait prétendu à un expert psychiatre en 1987. Ni même quarante, comme il l’avait avoué en 2007.
Ce fils unique, qui a vécu à Roubaix dans un milieu modeste d’ouvriers, a très tôt présenté une personnalité inquiétante. Des tendances pédophiles perverses sur fond d’incapacité à refréner ses pulsions. Parcours terrifiant : adolescent, adulte ou vieillissant, Francis Evrard a passé sa vie à reproduire le même scénario obsédant et à l’infliger à des enfants. Des actes qui, au regard du Code pénal, constituent des viols.
C’est tout d’abord par des vols que Francis Evrard, à 12 ans, attire l’attention en même temps qu’il cesse l’école. Il est placé dans un foyer près de Lille. De retour chez ses parents, il commet d’autres larcins. Mais à 16 ans, en 1962, il fait une première victime et est envoyé dans un centre de redressement dans les Vosges. Puis, Francis Evrard passe la frontière et se retrouve en Belgique. Il s’y fait remarquer en portant un revolver à plomb, en dissimulant du matériel de cambriolage ou encore en vidant les troncs des églises. Plus grave, en 1969 et alors qu’il a 23 ans, il agresse un autre jeune garçon à Mouscron. L’expert qui l’examine estime qu’il «présente des anomalies graves» et qu’il est «socialement dangereux». Francis Evrard rejoint durant quatre ans une structure spécialisée belge de type «prison-hôpital». Expulsé ensuite du pays, il y retourne et peut même s’y installer car on lui reconnaît entre-temps la double nationalité franco-belge.
En 1975, le couperet tombe. Devant les assises du Nord à Douai, où il comparaît pour attentat à la pudeur sur un mineur, il est condamné à quinze ans de réclusion criminelle. Après d’autres affaires de vols et d’agressions, il est à nouveau jugé en 1989 devant les mêmes jurés du Nord pour viol et se voit infliger une peine de vingt-sept ans de réclusion criminelle.
D’année en année, les peines se sont donc alourdies mais depuis le début de ce parcours criminel, les expertises psychiatriques dépeignent le même homme. Toutes évoquent «la personnalité perverse» de Francis Evrard qui «conscient de ses actes n’éprouve aucun sentiment de culpabilité». Toutes encore insistent sur «sa dangerosité criminologique» et sur «le risque de récidive». Enfin, Francis Evrard, qui dit avoir été lui-même violé à l’âge de 10 ans et qui évoque des «pulsions», n’est guère disposé à se soigner. «S’il accepte aujourd’hui un traitement hormonal, c’est uniquement dans un but utilitaire afin de sortir de détention», souligne un médecin en 2000.
Les dysfonctionnements du système carcéral
Une seule expertise en 1987 a jugé qu’il n’était pas pénalement responsable. «Il est bien évident que la prison ne sert strictement à rien dans le cas de M. Evrard», souligne son auteur. Fait certain, le profil du détenu n’a pas évolué au long de son parcours carcéral. Le suivi des délinquants sexuels, en prison mais aussi une fois libérés, devrait être au cœur des débats qui commencent aujourd’hui. Les dysfonctionnements du système carcéral devraient d’ailleurs constituer le point de convergence entre les parties civiles et la défense. «Cette affaire illustre l’insuffisance des moyens humains et financiers pour lutter contre la récidive», selon Me Olivier Morice, avocat d’Innocence en danger.
Libéré en juillet 2007, Francis Evrard, n’avait guère eu de rendez-vous avec le service de probation, selon Me Emmanuel Riglaire, l’avocat de la famille du jeune Enis. C’est de lui-même que l’ancien détenu avait alors poussé la porte du service de Rouen. «Mais on lui a répondu de revenir plus tard car son dossier n’était pas prêt», déplore l’avocat. Quelques jours plus tard, Francis Evrard s’en prenait au petit Enis.
Source: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/10/26/01016-20091026ARTFIG00299-francis-evrard-ou-l-impasse-du-pedophile-recidiviste-.php