Extraits du livre "30 témoins morts" Quelques morts très suspectes de témoins dans l’affaire Dutroux

« Des morts opportunes. »
Guy Poncelet, Procureur du roi honoraire de Tournai

« Les témoins, une espèce en voie de disparition. »
Douglas De Coninck

« Il y a deux espèces de témoins : ceux qui meurent d’une manière ou d’une autre, et ceux qui sont déclarés fous. »
Regina Louf

 

Ce qui suit est tiré de l’ouvrage de Douglas De Coninck, « Trente témoins morts… Ils ne parleront pas au procès Dutroux » (Rosières, Mols, 2004). [1]

Le scénario est presque toujours le même : un individu déclare qu’il a des révélations importantes, voire explosives, à faire dans le cadre de l’affaire « Dutroux et consorts », et le jour même où il s’apprête à témoigner, ou la veille, il a un accident mortel, ou il se suicide dans des circonstances énigmatiques. Aucun de ces décès n’a semblé intéresser le juge Langlois en quoi que ce soit, en dépit des incessantes tentatives du procureur Michel Bourlet d’attirer son attention sur ces affaires.(p.265) Nous avons sélectionné, ci-dessous, quelques-uns de ces cas de morts dans d’étranges circonstances.

François Reyskens. Mort le 26 juillet 1995.

Début juillet 1995, les parents de Julie Lejeune et Mélissa Russo, disparues depuis deux semaines, recoivent un appel téléphonique d’un courtier en assurances , sorte de père adoptif d’un jeune cocaïnomane répondant au nom de François Reyskens. Ce jeune homme, explique le courtier, déclare avoir rencontré les petites Julie et Mélissa. Aussitôt, Carine Russo alerte la gendarmerie de Seraing et rendez-vous est pris avec le jeune François Reyskens pour le 26 juillet. François Reyskens meurt, écrasé par un train, 2 heures avant ce rendez-vous. L’enquête conclut au suicide.

Son père Jean Reyskens commente : C’est plutôt étrange que juste à ce moment-là il finisse sous un train. Est-ce vraiment une coïncidence ? Guy Geubels.

Le 25 août 1995, Guy Geubels, adjudant à la brigade de gendarmerie de Grâce-Hollogne, va rencontrer la presse. Il a obtenu l’autorisation de ses supérieurs d’être interviewé par une équipe de la RTBF. Il faut dire qu’il est l’un des premiers gendarmes à avoir été en contact avec les familles des petites Julie et Mélissa. Il est aussi, selon le témoignage des familles Lejeune et Russo, l’un des seuls à ne pas parler de pistes mafieuses mais bien de pédophilie. L’interview n’aura pas lieu… Guy Geubels est retrouvé mort le 25 août 1995. Une balle dans la tête. Son arme dans une main, le cornet du téléphone dans l’autre. Coïncidence : le 25 août 1995 est le jour où débute officiellement l’Opération Othello, cette opération funeste de « surveillance » de Dutroux, durant une période où celui-ci détenait, en principe, Julie et Mélissa, dans sa cache An et Eefje dans la même maison, où il a pu encore commettre plusieurs actions délictueuses sans que les « surveillants » ne s’aperçoivent de rien. Il est vrai que pour réussir leur coup d’éclat, les gendarmes n’ont rien trouvé de mieux que de mettre à la tête de l’opération Othello René Michaux: « un peu le Gaston Lagaffe de son service. Il avait des problèmes familiaux et professionnels, et ses supérieurs ne l’appréciaient pas en raison de ses bourdes répétées » (p.58).
Bruno Tagliaferro. Mort le 5 novembre 1995.

Ferrailleur, sans doute magouilleur, Bruno Tagliaferro et son épouse Fabienne Jaupart paraissent heureux en ménage. Parmi les relations de Bruno Tagliaferro, on retrouve Marc Dutroux, Bernard Weinstein, Michaël Diakostavrianos… Dans le dossier, on pourra encore lire le nom de Thierry De Haan, de Michel Lelièvre… Fabienne Jaupart déclare que son mari possède des armes, pour les défendre, elle et les enfants. Elle pense que Bruno est détenteur d’un secret qui met leur vie en péril. Fabienne Jaupart croit que son époux s’est rendu compte qu’il avait, à son insu, été chargé, du démontage et de la revente des pièces de la Citroën AX qui aurait servi à l’enlèvement de Julie et Mélissa. Bruno Tagliaferro meurt la veille du jour, le 4 novembre 1995, où Dutroux et Weinstein séquestraient trois personnes : Rochow, Divers et Jadot pour une histoire de camion volé. L’un des premiers hommes de la Police Judiciaire sur les lieux du décès est l’inspecteur Georges Zicot. Le légiste conclut à un arrêt cardiaque. Un laboratoire du FBI (consulté par le juge Connerotte) conclut à un empoisonnementmais un expert liégeois (désigné ultérieurement par le juge Langlois) estimera que la production de cyanure par un cadavre en décomposition peut être un phénomène naturel. Malgré les taux de cyanure retrouvés dans le corps de Tagliaferro (au-delà des doses pouvant être « auto-produites »), le juge Langlois privilégiera la « mort naturelle » comme explication du décès du ferrailleur de Keumiée.

Fabienne Jaupart. Décédée le 18 décembre 1998.

Le juge Connerotte semble ajouter foi aux déclarations de Fabienne Jaupart lorsqu’elle proclame que son mari, Bruno tagliaferro, a été assassiné, il semble aussi prêter attention aux déclarations de Claude Thirault [2]. Claude Thirault qui affirme que Marc Dutroux parlait, fin 1995, d’un certain Tagliaferro à liquider contre un paiement de 50000 francs. « Lui et sa femme » disait Claude Thirault. Le juge Connerotte considère qu’il a suffisamment d’informations pour accorder une protection policière à la veuve de Bruno Tagliaferro. Après la nomination du juge Langlois, la protection policière fut levée. Le 18 décembre 1998, Fabienne Jaupart est retrouvée morte, l’enquête conclut au suicide. Fabienne Jaupart se serait aspergée de méthanol, aurait remis la bouteille sur le meuble à côté de son lit et se serait ensuite immolée, non sans avoir pris soin de mattre les pommes de terre à cuire sur le réchaud et de faire tourner le lave-vaisselle

Michel Piro. Mort le 5 décembre 1996.

Novembre 1996. Michel Piro, exploitant de bars-restaurants dans la clientèle desquels on retrouve Marc Dutroux, Bernard Weinstein, Michel Lelièvre, Michel Nihoul, Michel Diakostavrianos… (il est, aux dires de certains un véritable « guide Michelin » des quartiers chauds de Charleroi) contacte, à trois reprises, la famille de Jean-Denis Lejeune et lui demande une entrevue à laquelle il souhaite que soit convié le procureur Michel Bourlet. Son intention est, également, d’organiser un souper avec les parents de Julie et de Mélissa, repas au cours duquel il s’apprête à faire des révélations sur le sort des deux petites liégeoises. Plusieurs témoins le diront ; parmi ceux-ci, un indicateur de la BSR de Charleroi affirme que « Piro aurait dit quelques jours avant son décès qu’il allait « balancer » tout ce qu’il savait sur le dossier Julie et Mélissa lors du repas qu’il organisait » (p.103). Selon son fils, il aurait dit que « des têtes allaient sauter ». On ne saura jamais quelles étaient ces révélations : le 5 décembre 1996, il estexécuté, à bout portant, sur un parking d’autoroute, tandis que son épouse est sortie pendant quelques instants du véhicule pour se rendre aux toilettes. Il en savait long sur le milieu de la prostitution enfantine de la région de Charleroi.

Quand on feuillette le dossier Dutroux, on a parfois le sentiment qu’il n’y a que deux policiers à Charleroi, Mrs Zicot et Laitem. C’est à ce dernier que l’enquête sur l’assassinat de Michel Piro est confiée et elle conclut au meurtre passionnel. Sa femme, Véronique Laurent, sera condamnée à 15 années de réclusion en tant que commanditaire du meurtre alors que les deux exécutants seront blanchis par un tribunal français qui considèrera que ce dossier n’a aucune consistance. La rumeur dira que Michel Piro voulait révéler que Julie et Mélissa avaient été « prêtées » à un bar fin 1995. Une de ces pistes sérieuses que le juge Langlois écartera, non sans avoir veillé auparavant à la baptiser « piste périphérique ». Pendant quatre ans, le dossier Piro fait l’objet à Neufchâteau d’une correspondance envenimée entre le procureur Bourlet qui demande que soit poursuivie l’enquête sur l’entourage de M. Piro, et le juge d’instruction Langlois qui refuse d’enquêter.

Jean-Marc Houdmont. Décédé le 25 février 1997.

25 février 1997. L’inspecteur Tinant décroche le téléphone dans une annexe du Palais de Justice de Namur. L’homme est chargé du dossier de la disparition d’Elizabeth Brichet, le 20 décembre 1989, à Saint-Servais. Depuis l’éclatement de l’affaire Dutroux, il s’est, avec ses collègues, remis au travail sur ce dossier. A l’autre bout du fil, Jean-Marc Houdmont, qui vivait, en 1989, à quelques centaines de mètres de la maison d’Elizabeth. « J’ai fait une bêtise » déclare Jean-Marc Houdmont, « je veux faire une déclaration ». Ils conviennent d’un rendez-vous, le jour même, à 11 heures 30, juste le temps pour Jean-Marc Houdmont de faire, en voiture, le chemin qui le sépare des bureaux de la cellule Brichet. Une heure plus tard, la Toyota Starlet de Jean-Marc Houdmont s’encastre dans une façade sur le bord de la Nationale 76. L’enquête conclut au suicide puisqu’on n’a relevé aucune trace de freinage. Mais, ici encore, les mêmes noms sont retrouvés : Michel Lelièvre a fréquenté une école de Saint-Servais. Le beau-père de Jean-Marc Houdmont à vécu au Congo, dans le même village et à la même époque que Victor Dutroux, le père de Marc. Marc Dutroux qui vivait de l’assurance-maladie et était inscrit à la mutuelle au bureau de Saint-Servais. Dans une escroquerie à l’assurance, Dutroux et Weinstein provoquent, entre eux, un accident, et c’est un parent de la femme de Jean-Marc Houdmont, qui, en tant qu’assureur, traite le dossier. D’autres noms de co-inculpés de Dutroux apparaissent dans le dossier Elizabeth Brichet, dont celui de Diakostavrianos et celui de Nihoul.

Joseph Toussaint. Mort le 5 mars 1997.

Huit jours exactement après la mort de Jean-Marc Houdmont, le père Joseph Toussaint décède à Marbay-la-Tour, petit village où se rendaient, régulièrement selon les uns, une ou deux fois disent les autres, Monique Cherton, compagne de Jean-Marc Houdmont, et Michelle Martin, épouse de Marc Dutroux. Le père Joseph Toussaint était leur confesseur. Il était aussi l’aumônier de la prison de Jamioulx, prison où fut incarcéré Marc Dutroux. Le directeur de la prison déclare que les relations entre le père Toussaint et Marc Dutroux auraient pu laisser penser que Dutroux était un fervent catholique. Le père Toussaint se prononcera en faveur de la libération conditionnelle de Dutroux. Parmi les photographies épinglées au mur de la cellule de Marc Dutroux, et publiées par la Libre-Match, on peut reconnaître une photo du père Joseph Toussaint, victime d’une crise cardiaque, le 5 mars 1997.

José Steppe. Décédé le 25 avril 1997.

Au début des années 80, José Steppe habite le quartier de Marc Dutroux à Goutroux. Ancien jeune communiste, Steppe vire à l’extrême-droite En avril 1997, José Steppe contacte un journaliste, il affirme détenir des informations sur l’affaire Dutroux et parle de remettre au journaliste des copies de cassettes vidéo sur lesquelles on peut voir Dutroux et d’autres en train de violer des enfants. « Il était inquiet », dit un témoin anonyme au journaliste français Eric Bellahouel ; « Un jour, tu me trouveras avec une balle dans la tête », lui aurait dit J. Steppe ; il lui aurait encore dit que ces cassettes vidéo c’était de la dynamite ; qu’on pouvait y reconnaître des notables de Charleroi, des politiciens connus. Steppe « ne voulait pas donner la cassette à la police. Parce qu’il y avait là, disait-il, trop de gens corrompus qui les feraient certainement disparaître ». José Steppe souffre d’asthme, et pour soulager les crises qui l’accablent, il se sert d’un respirateur. Le 25 avril 1997, quelques jours avant sa rencontre avec le journaliste avec qui il a pris contact, une femme d’ouvrage de l’hôtel dans lequel il réside découvre son corps dans un couloir, son masque à oxygène recouvre toujours son visage. Au fond de la bouteille de l’inhalateur, on découvre du Rohypnol … trois jours après l’enterrement.

Gina Pardaens-Bernaer. Décédée le 15 novembre 1998.

Voici sans doute une femme qui n’a pas froid aux yeux ! Elle collabore avec le Morkhoven Groep, une association qui pourchasse les pédophiles sur Internet et dans le « monde réel ». Elle a affirmé à plusieurs personnes qu’elle détenait, entre autres choses, un « snuff movie » [3] tourné en Belgique. Dans ce film, on pouvait reconnaître un ancien associé de Michel Nihoul. Gina Pardaens se sait menacée, elle surveille ses arrières, fait des portraits-robots des personnes qui semblent traîner trop souvent autour d’elle, note les plaques minéralogiques des véhicules qui paraissent la prendre en filature. Parmi ceux-ci, l’immatriculation d’une Mercédès grise qui, plus tard, s’avérera être celle de l’ancien chauffeur du Dolo, le bar à filles favori de Michel Nihoul. Gina Pardaens devait faire une déposition le 16 novembre 1998… Le 15 novembre, sa voiture s’écrase contre le pilier d’un pont, pas de trace de freinage, pas d’autopsie.

Hubert Massa. Mort le 13 juillet 1999.

Ce chapitre sur le suicide de Massa mérite une attention toute particulière, car il fait apparaître de la manière la plus éclairante des liens multiples entre différents aspects et personnages des dossiers « Cools » et « Dutroux et consorts ».

Selon les magistrats du Parquet de Liège, « rien n’est plus pareil depuis la nomination d’Anne Thily ». « Elle n’incarne que l’autorité » entend-on dans les couloirs du palais. Anne Thily semble ne pas apprécier Hubert Massa. L’épouse de celui-ci déclare : « Il était sur les affaires Cools et Dutroux, tout le monde le savait. Je voyais bien que quelque chose n’allait pas, mais il ne se plaignait jamais ». Hubert Massa participe à une réunion avec quatre procureurs généraux et le tout nouveau ministre de la justice, Marc Verwilghen. Réunion au cours de laquelle l’ancien président de la Commission parlementaire annonce qu’il fera en sorte que toute la lumière soit faite. Au lendemain de cette réunion, le 13 juillet 1999, après le repas, pris en compagnie de sa femme et de ses enfants, Hubert Massa s’isole dans son bureau. Sa femme entend un coup de feu. Hubert Massa s’est tiré une balle dans la bouche. « Généralement, lorsqu’on obtient un poste au parquet général, on est indéboulonnable et on reste à cet échelon supérieur jusqu’à la retraite. Mais pas à Liège, où les avocats généraux J.-Ph. De la Croix et A. Zaplicki se font dégrader à leur propre demande début 1999 : l’un devient juge de la jeunesse et l’autre passe juge de paix. Hubert Massa (…) avait également des projets en ce sens » (p.184) [4]. Massa aurait dit à un ancien collègue et ami qu’il se sentait coincé. « Après sa mort, des rumeurs circulent parmi les avocats de Liège, selon lesquelles Thily lui aurait déclaré quelque chose dans ce sens quelques heures avant sa mort. Il aurait été question d’un « petit dossier », et du fait « qu’il lui arriverait quelque chose comme à Marc de la Brassine ». (p.185) « Anne Thily est considérée comme intouchable. Sa candidature au poste de procureure générale a été appuyée très fermement par José Happart ; celui-ci faisait partie du clan radical de Jean-Maurice Dehousse qui devait également accueillir plus tard le ministre Alain Van der Biest et Guy Mathot, qualifié un jour de « mafieux » par quelqu’un de son propre parti (…) Au sein du P.S., Cools passait pour le grand adversaire de Dehousse, Mathot, Happart et consorts. Le dossier pénal contenait d’ailleurs des indices qui tendent à faire croire à leur implication dans l’organisation de cet assassinat » (pp.186-87). « Van der Biest devait comparaître devant les assises avec ses amis mafieux. Thily n’était pas de cet avis, et elle mettait ses collaborateurs sous pression pour faire rayer son nom de la liste des accusés. Une fois de plus, l’ambiance était aux menaces et aux « petits dossiers ». Thily avait des dossiers sur tout le monde, y compris sur Julien Pierre. La sœur de ce dernier avait déclaré que l’avocat avait hébergé par le passé Patrick Haemers. (…) Tant dans l’affaire Cools que dans l’affaire Dutroux, Pierre a joué avec brio le rôle de l’allié objectif de Thily : notamment en précipitant la chute de ce juge d’instruction indépendant et donc tellement encombrant (pp.188-89). »

Jean-Jacques Feront. Mort le 1er mars 2001.

« On ne veut pas aller jusqu’au bout dans cette enquête » (l’inspecteur de la P.J. Ronald Speltens)

Le 4 mai 1995, la section Jeunesse de la PJ de Bruxelles reçoit une lettre anonyme proposant des infos sur un pédophile qui vend des photos et des vidéos à caractère sexuel de sa fille de 10 ans. Ces informations s’avèreront fondées. Le 11 juillet de la même année, le même informateur déclare avoir vu des photos de Mélissa Russo, proposée avec d’autres enfants à la vente ou à la location par un germanophone dont les initiales figurent sur une chevalière qu’il porte : K.B. Les inspecteurs Speltens et Colson déclarent que cet informateur est fiable, il a déjà fait ses preuves. Ils réquisitionnent des spécialistes de la filature, envoient une note au commissariat général dans laquelle ils exposent leur projet, ils demandent, pour le 23 septembre 1995, deux sémaphones et deux voitures de service… Et le temps passe… Les parquets de Louvain et de Liège se renvoient la responsabilité dans ce dossier comme une patate chaude. Le commissaire Lamoque dit aux parents de Julie et de Mélissa qu’il n’a jamais compris pourquoi on avait décidé en haut lieu que cela ne pouvait se faire. On retrouve dans ce volet de l’affaire la substitute Somers, une intervention, ici comme dans le volet sur les témoins X, pour ne pas dire la vérité. Pour les enquêteurs, K.B. évoque tout de suite Klaus Bahr, qui contrôle une grande partie du marché belge du porno dans les années quatre-vingt-dix. Klaus Bahr est également décédé depuis lors. Quand Marc Dutroux est arrêté, onze mois plus tard, et que deux enfants sont libérées de sa cave à Marcinelle (localité que Jean-Jacques Feront avait désignée), les enquêteurs s’arrachent les cheveux, ils expriment leur incompréhension à leur supérieur. Le 1er mars 2001, Jean-Jacques Feront décède à la suite de deux crises cardiaques consécutives. Le commissaire Speltens dira devant la Commission parlementaire d’enquête : « si la magistrature (…) avait laissé la PJ monter un guet-apens autour de Feront, les gamines auraient peut-être été retrouvées. On ne veut pas aller jusqu’au bout dans cette enquête ».

Brigitte Jenart. Décédée le 5 avril 1998.

Ce chapitre qui se trouve dans la version néerlandaise de l’ouvrage de D.De Coninck, a disparu, à la suite de défaillances techniques, de la traduction française. Nous l’ajoutons donc, car il nous paraît important.  (Lire le chapitre complet)

Cette dentiste de Nihoul a son cabinet au 35 rue du Conseil à Ixelles, là même où habite Roland Corvillain, un pédophile notoire, qui recevait régulièrement la visite d’Achille Haemers, le père de Patrick, et qui a été suspecté dans le cadre de la disparition de la petite Loubna. L’ex-épouse de Corvillain, qui est convaincue que Dutroux est aussi passé par là, déclare que son mari, Nihoul et les autres « utilisaient un langage codé, (…) parlaient de « chevaux blancs, bruns, jeunes, chers mais bons et jeunes ». Comme ces chevaux étaient censés arriver par avion de ligne en provenance de pays d’Europe de l’est et que les hommes semblaient craindre les douanes, elle pouvait logiquement supposer qu’ils ne parlaient pas de quadrupèdes ». « Il est clair pour moi qu’ils ne parlaient pas de chevaux, mais de jeunes enfants. » [5]. Brigitte Jenart a été la maîtresse du truand Juan Borges, qui a également eu une liaison avec Annie Bouty. C’est B. Jenart qui informe la commission parlementaire d’enquête que Borges a échappé à la justice belge grâce à Nihoul. Ce dernier aurait convaincu le commandant Guido Torrez de bloquer l’action policière visant à arrêter le truand. Au milieu des années 80, Torrez travaille avec un parrain mafieux italien. Dans une lettre manuscrite datant du 7 mai 1997, Jenart fait état de la naissance d’un bébé guinéen de l’adoption duquel Bouty se serait occupée. Elle déclare que Bouty lui avait fait signer un jour quarante attestations qui lui conféraient la garde de quarante Zaïrois et Nigérians en séjour illégal en Belgique. Dans les gribouillis de sa petite lettre d’adieu, on peut reconnaître le mot « pédophile ». « Un trafic de nouveaux-nés ? Il semblerait bien que oui » ; « sur la base des maigres pièces du dossier qui ressurgissent dix ans après les faits, on a l’impression que Bouty et Nihoul s’occupaient de trafic d’êtres humains – des adultes aux tout-petits ». Le parquet de Bruxelles n’a pas fait pratiquer d’autopsie sur le corps de Brigitte Jenart.

Toutes ces morts ne sont peut-être pas directement liées à l’affaire jugée à Arlon depuis le 1er mars ; certains disparus étaient des individus aux comportements et aux jugements très problématiques. C’est, en particulier, le cas de José Steppe, fasciste notoire ; de même on peut s’interroger, comme certains l’ont fait, sur la fiabilité du témoignage de Rita Verstuypen, qui avait tout avantage à « collaborer » avec la justice, étant elle-même suspecte dans l’affaire de son mari. Mais certaines coïncidences restent fort troublantes, certaines familles, certains proches de victimes restent sceptiques quant aux versions officielles qui ont été retenues, des versions souvent confuses et contradictoires. Pour les autres témoins qui ne seront jamais entendus à Arlon, et pour plus d’informations sur les accidents et suicides relatés ci-dessus, nous vous recommandons fortement la lecture de l’ ouvrage de Douglas De Coninck.

[1] La 3e chaîne allemande, la ZDF, a également consacré une très bonne émission à cette question : Piet Eeckman, La mort subite de l’affaire Dutroux, 30/01/2001).

[2] Thirault est l’informateur qui, dès 93, alertait la gendarmerie du projet de Marc Dutroux de faire des caches dans ses caves, en aménageant des citernes que la gendarmeire avait déjà perquisitionnées pour des vols, la même année ; la gendarmerie connaissait donc l’existnece de ces citernes en 1995, ainsi que l’endroit de la cave où l’une d’elle aboutissait.

[3] Snuff-movie : film ou vidéo où l’on assiste à des viols et tortures suivis de la mise à mort des victimes.

[4] Cet étrange phénomène des candidatures à des « promotions négatives » semble s’être propagé jusqu’au parquet de Charleroi, où le Procureur du Roi Thierry Marchandise a également demandé, tout récemment, à être nommé à une fonction de juge de paix dans la région carolorégienne (tout comme son prédécesseur, le Procureur du Roi Defourny, l’avait fait avant lui).

[5] Audition de Rita Verstuypen, police d’Ixelles, le 28 aoùt 1996, pv 1639/BJ/96.

 

Anne-Marie ROVIELLO

Observatoire Citoyen

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