Suisse: Lettre ouverte d’une victime aux conseillers fédéraux et au ministre de la santé (Brigitha Balet, 18 Octobre 2012)

Transmis par courriel à Madame Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale, à Madame Eveline Widmer-Schlumpf, conseillère fédérale, à Monsieur Alain Berset, ministre de la santé,

La triste vérité d’un enfant née dans le beau canton du Valais

Enfant violée par un voisin, abusée par mon père, rejetée par ma mère et trahie par les instances de l’époque des années 1960 qui étaient sensées me protéger et me défendre…

Seule, si désespérément seule que face à tant de cruauté la mort ne me faisait pas peur, elle était considérée comme une douce délivrance qui aurait pu mettre un terme au supplice enduré…

Toute ma vie je traine cet abandon, ce poids, cette injustice que mon corps ne cesse de rejeter en manifestant sa désapprobation par maintes maladies indéfinissables qui surgissent de manière continue. Douleurs « indiagnosticables », douleurs d’un corps mutilé dans son intégrité, souffrance d’un esprit manipulé par les agresseurs qui voulaient s’affranchir de leur culpabilité en la rejetant sur l’innocente victime sans défense.
Il suffit d’un mot, d’un geste, d’une odeur, d’une vision pour que mon esprit sans cesse en éveil se retrouve face à face avec ce passé impossible à oublier, parce que je n’ai reçu aucune aide de quiconque, aucun soin approprié qui aurait permis de me relever et de comprendre que je n’étais pas responsable.

Parce que personne ne m’a tendu la main, personne ne m’a prodigué le moindre geste d’affection, personne n’a reconnu ma souffrance et qu’au contraire on m’a répété inlassablement « oublie et tais- toi » ….

Personne n’a pu évaluer l’impact de cette enfance brisée sur ma vie actuelle, même pas les membres de la famille, jusqu’au jour où à bout de résistance physique et psychique à force de vouloir tout cacher pour donner le change, tout a basculé en moi et n’en pouvant plus de feindre j’ai tenté à deux reprises de mettre fin à mes jours.

C’est alors que mes proches ont pris conscience de ma profonde détresse et depuis ils ont fait bloc autour de moi pour me soutenir, mais complètement démunis et désorientés devant l’ampleur du désastre. N’ayant aucun endroit où recourir pour trouver de l’aide, pour savoir quelle attitude adopter pour soutenir l’épouse, la maman dans une situation tellement douloureuse et inconfortable, pour pouvoir faire face au jugement des personnes mal intentionnées de notre entourage… pour apprendre que de tels comportements existent dans certaines familles et combien cela peut être destructif pour les membres qui en font partie.

Puis ce fut la consultation de divers psychiatres et psychologues tous plus empruntés les uns que les autres car le reconnaissant eux-mêmes n’avoir pas eu de formation suffisamment étayée pour traiter ce genre de traumatisme. Pour eux la solution fut au premier abord l’internement dans un asile psychiatrique où l’effet fut pire que le mal car non approprié au besoin d’écoute de la victime ni à sa quête de recherche de dignité de la personne.
Se retrouver au contact des personnes qui ont perdu la raison fut une épreuve supplémentaire qui pousse au dénigrement de la personnalité et la souffrance en fut encore plus profonde.
Ensuite ce fut l’administration de divers psychotropes de plus en plus puissants et tous aussi néfastes en effets secondaires à long terme sans traiter véritablement le fond du problème.

Puis il fallut toujours augmenter les doses qui ne suffisaient plus à calmer la souffrance à cause de l’effet d’accoutumance jusqu’au jour fatidique où surviennent les méfaits des abus causés par ces médicaments lors d’usage prolongé. Les reins qui se bloquent, les intestins qui ne fonctionnent qu’à coup de laxatif, l’estomac qui n’arrive plus à accomplir sa fonction digestive, le cerveau qui agit dans un état second… en un mot l’overdose médicamenteuse. Alors le couperet tombe, il faut tout arrêter faute de quoi les reins se bloquent définitivement et il faudra recourir à la dialyse à vie…
Alors commence la difficile période du sevrage brutal, étape obligatoire qui plonge dans la lourde difficulté d’affronter la montagne sans rappel ni corde de secours. Les jours sans fin où on a l’impression de tomber dans un précipice. Les appels au secours où aucune compagnie de sauvetage ne répond présent. Personne pour me recevoir, renvoyée d’un hôpital à un autre… aucun psychiatre où psychologue voulant me prendre en charge de façon suivie, être considérée comme une balle de ping-pong que l’on se renvoie de façon délibérée sans état d’âme…
Seuls mon médecin généraliste et mon pharmacien ont accepté de m’aider pour faire face à tous les symptômes qui se déclenchent durant la longue période de sevrage.
Voilà la triste réalité qui est la mienne en ce moment. Grâce au soutien de ma famille j’ai la ferme volonté de m’en sortir par mes propres moyens. Mais combien d’autres victimes n’ont même pas ce support, elles n’ont personne à qui s’adresser dans ces périodes de grandes faiblesses, elles sont dans un état d’extrême détresse et elles s’adressent à moi dans une ultime tentative d’appel à l’aide par le biais de mon site  » www.Luciole.ch ».
Que leur répondre…? Que leur dire quand rien de concret ne se réalise pour les victimes de ces sévices, quant à chacune de mes interventions on me répond par de vagues promesses en me renvoyant d’un responsable à un autre sans une réelle volonté de vouloir faire avancer ni de suivre le problème jusqu’au bout.

Pendant ce temps combien de victimes ont déjà porté l’arme à gauche, combien d’autres le feront encore avant qu’une prise en charge efficace et réelle ne leur soit offerte…?
Seules les plus fortes s’en sortent tant bien que mal et essaient de faire quelques actions en solitaire pour réveiller les consciences mais elles sont rares car la plupart on déjà déposé les armes car elles ne croient plus à la solidarité des bien pensants pour les pauvres victimes qu’elles sont devenues.

Les criminels, les pédophiles ont droit à tous les soins gratuits, ils ont des psychiatres formés spécifiquement pour traiter leurs déviances. EUX sont pris en considération… pour eux on s’inquiète de leur réinsertion dans la société… On ne peut surtout pas les condamner à perpétuité même s’il y a un risque de récidive, on doit toujours leur donner une seconde chance alors que les victimes croupissent dans le silence et l’indifférence générale. Lorsqu’un détenu se suicide, on s’inquiète des mesures de sa détention. Lorsqu’une victime innocente se suicide, on s’en lave les mains tel que Ponce-Pilate.

Ma demande est d’intégrer dans les réseaux de soins de chaque canton une unité d’accueil d’urgence distincte des soins psychiatriques ordinaires avec un suivi à long terme par une équipe compétente formée spécifiquement pour la prise en charge des traitements traumatiques inhérents aux victimes d’inceste et de viol.
En parallèle, je voudrais souligner le manque évident de psychologues et de psychiatres que j’ai pu constater à la suite de ma triste expérience dans ce domaine.

Le projet d’Alain Berset visant la réintroduction du moratoire pour trois ans permettant aux cantons de refuser l’installation de spécialistes serait catastrophique dans ce secteur en particulier pour les patients victimes de traumatismes psychiques graves qui actuellement ne savent déja pas où s’adresser ou qui ne peuvent pas être reçus dans un cabinet existant à cause de la surcharge.
Voilà mon cri de détresse, mon cri du cœur pour tous les nouveaux enfants sacrifiés à qui on n’offre aucune planche de salut.
Se trouvera-t-il enfin une oreille attentive qui aura à cœur de prendre les choses en main et de les suivre jusqu’au bout de la chaine pour qu’une solution concrète se réalise urgemment en faveur des innombrables victimes qui meurent faute de soin et d’un manque de considération….?

Merci de votre attention.

Brigitha

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Source: http://brigitha48.wordpress.com/2012/10/18/la-triste-verite-dun-enfant-nee-dans-le-beau-canton-du-valais/

 

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