(Tv5 Monde) En Argentine, les mafieux de la traite des blanches vont passer un joyeux Noël

Dix ans après la disparition de Marita Verón, le procès intenté par sa mère Susana Trimarco à un réseau de prostitution a tourné au fiasco. Le 12 décembre 2012, les treize accusés ont injustement été acquittés. Plongeon dans l’enfer de la corruption et de la traite des blanches en Argentine.

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A la Une du quotidien de gauche Pagina 12, scandalisé : “Le deuxième enlèvement de Marita Veron“

L’Argentine toute entière est scandalisée. Comment est-il possible que les treize personnes accusées du kidnapping de Marita Verón pour la prostituer aient été tous relaxées ? Marita avait 23 ans quand on l’a forcée à monter dans une Fiat rouge le 3 avril 2002 à San Miguel de Tucuman, au nord du pays. Vendue et prostituée Marita est toujours disparue et est activement recherchée par sa mère Susana Trimarco. Malgré la succession de témoignages accablants d’ex prostituées accusant les treize inculpés, les bourreaux de Marita ont été remis en liberté « fautes de preuves tangibles ».

Le cri de Susana Trimarco contre la justice

Selon les trois juges, responsables du verdict, l’absence du corps de Marita ou encore l’incapacité de prouver son enlèvement physique empêchent d’inculper les accusés. « C’est un acte de corruption, une escroquerie et une honte pour tout le pays » crie Susana Trimarco la mère de Marita lors d’une conférence de presse au siège de la Fondation María de los Angeles. Une fondation créée par Susana en 2007 et qui a sauvé des centaines de jeunes filles de l’enfer de l’esclavage sexuel en Argentine. Un verdict qui a surpris et qui a provoqué effroi et stupeur sur le banc de Susana Trimarco. Un camp constitué par les membres de sa Fondation, des militants et fonctionnaires des droits de l’homme. Passée l’indignation, les premiers cris, pleurs et insultes ont résonné dans la suffocante salle du Tribunal Pénal de Tucuman. « Fils de putes ! » pour les uns ou encore « les juges sont les clients, les juges sont les clients » comme hymne scandé par des jeunes militants politiques, en dehors du palais de justice. Au même moment, le banc des treize accusés et leurs familles étaient en fête. Leurs cris de joie et les fortes embrassades ont profondément choqué l’Argentine. Ce verdict du 12 décembre 2012 annonce pour cette année, la fin d’un procès emblématique en Argentine dans la lutte contre la traite des blanches. Un bilan noir digne d’un véritable scénario de films de mafia, où la différence entre juges et malfrats n’existe plus dans ce procès marathon qui a duré dix mois.

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Le quotidien Clarin, du plus gros groupe de presse argentin (libéral et très indépendant) n’en revient pas non plus : “Scandale: acquittement des 13 accusés dans l’affaire Marita Veron“

Des soutiens politiques

Et ce ne sont ni les soutiens de Michelle Obama, l’épouse du président américain, ni de la présidente argentine Cristina Fernández de Kirchner qui se sont entretenues avec Susana Trimarco, après le résultat du procès, qui changeront quoi que se soit. D’ailleurs, dimanche dernier, le 9 décembre 2012, Susana avait reçu des mains de la présidente d’Argentine le prix des droits humains « Azucena Villaflor » pour son engagement dans la lutte contre les réseaux de prostitutions. Dans le creux de son oreille, la présidente lui avait souhaité que justice soit faite pour Marita en lui assurant qu’elle pouvait compter sur son aide. On attend de voir ce qu’elle pourra faire contre une prostitution terriblement ancrée dans les mœurs du pays. On se souvient de sa loi interdisant la diffusion de petites annonces « d’offres » sexuelles dans la rubrique 59 de la presse locale. Une loi qui a été facilement détournée par les médias. Maintenant les offres sexuelles sont piteusement camouflées dans des rubriques dites de « massages. » Il y a encore du boulot à faire dans un pays, gangréné par les mafias de la prostitution, qui selon la députée Fernanda Gil Lozano compterait « plus de maisons closes que d’écoles publiques.»
Nouvel acte de corruption dans ce procès ?
Dans cette affaire, Susana Trimarco va plus qu’avoir besoin de soutiens face à la corruption généralisée des juges et des policiers. Comment oublier cette jeune fille sauvée de l’esclavage sexuel par Susana qui avait refusé de témoigner face à un juge ? « A quoi cela sert-il que je témoigne si cette personne a couché avec moi il y a quelques semaines de cela quand j’étais encore dans le bordel » déclara-t-elle apeurée. Et ce n’est pas non plus la carte anonyme que Susana Trimarco a reçu avant le verdict révélant que Ruben Ale La chancha (la cochonne) avait donné de l’argent aux trois juges pour les corrompre qui permettra de les destituer et de continuer le procès. Ruben Ale est accusé d’être le commanditaire de l’enlèvement, mais il ne faisait pas partie des inculpés lors du jugement. Susana Trimarco a montré la carte au tribunal mais en vain, il n’en a pas été tenu compte.

 

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Véritable institution à Buenos Aires, La Nacion, l’un des plus anciens quotidiens d’Argentine, est aussi sous le choc : « Commotion : non coupables au procès Marita Veron »
Face à cette nouvelle injustice qui paraissait impossible dans ce procès historique (première fois qu’un réseau de prostitution se retrouve sur le banc des accusés en Argentine), Susana Trimarco continue d’impressionner par son charisme et courage. Celle qui a dû essuyer plusieurs revers dans son combat pour retrouver sa fille, et deux tentatives de meurtres ainsi que plusieurs menaces de kidnapping de sa petite fille Micaela (la fille de Marita) est encore là. Malgré l’émotion, Susana devant tous les médias du pays a juré sans larmes qu’elle se sentait encore plus forte et qu’elle ne s’arrêtera pas tant que les accusés ne seront pas derrière les barreaux.
Procès politique
L’heure est à la réflexion pour le camp de Susana Trimarco qui doit maintenant trouver une nouvelle stratégie judiciaire. Le peuple argentin profondément ému s’est mobilisé sur les réseaux sociaux pour protester dans la rue face à cette nouvelle injustice. Les avocats de Susana Trimarco, quant à eux, n’ont pas tardé à annoncer qu’ils réclamaient l’ouverture d’un procès politique pour les trois membres du tribunal : Alberto Piedrabuena, Emilio Herrera Molina et Eduardo Romero Lascano. Les trois juges qui permettent aux réseaux mafieux de continuer leur business en toute impunité. Trois juges comme symbole de la trinité de la corruption.
Jean-Jérôme Destouches

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