Ils se font appeler les «zorros blancs» et ont comme spécialité la lutte contre les réseaux pédophiles. Plusieurs membres de cette organisation ont pourtant été incarcérés, soupçonnés d’avoir enlevé des enfants prétendument en danger.
C’est une étrange organisation qui appelle à manifester ce samedi après-midi, place du Chatelet à Paris. Le ralliement des résistants pour la révolution (RRR), c’est son nom, appelle à une marche des «zorros blancs». Des zorros qui disent lutter contre les réseaux pédophiles. Une cause louable s’il en est. Sauf qu’à l’automne, plusieurs membres de ce RRR ont été incarcérés, soupçonnés d’avoir voulu enlever des enfants prétendument abusés et livrés à des réseaux, dont aucune enquête judiciaire n’a attesté la réalité.
«Un véritable commando était prêt à s’emparer des enfants»
L’égérie du RRR, Janett Seeman, d’origine allemande, est toujours écrouée à Saintes (Charente-Maritime), «en otage» préfèrent dire ses proches. Avec au moins quatre autres personnes, elle est suspectée d’avoir voulu enlever trois enfant à Montendre, soi-disant violentés par leur père qui en a la garde. «Ils avaient mis en place un schéma à l’organisation toute militaire, décrit Philippe Coindeau, le procureur de Saintes. Un véritable commando était prêt à s’emparer des enfants.» Une opération en accord avec la mère de la fratrie, un temps internée en psychiatrie et déjà incarcérée pour la «soustraction» de ses enfants. Lors de son interpellation, cette femme sans emploi avait sur elle plusieurs milliers d’euros, dont la justice pense qu’ils auraient pu financer l’enlèvement.
Une version que réfute le RRR. «J’ai participé à une enquête qui visait à vérifier les accusations d’abus sexuels dénoncés par la maman, défend Janett Seeman. Il n’a jamais été question des les enlever. Si ça avais été le cas, cela aurait été fait, parce que c’était possible». A plusieurs reprises, le RRR a publié sur Internet des témoignages d’enfants mineurs se disant victimes d’abus. Des vidéos jetées sur la toile sans aucune précaution.
Des noms jetés en pâture sur le Web
Déjà, en 2009, le groupe s’était illustré avec la condamnation pour «soustraction de mineur» de son «chef»,Christian Maillaud, le compagnon de Janett Seeman. Cette fois, c’est le petit Vincent qui avait été enlevé près de Perpignan, sa mère accusant là encore son ex-mari d’agresser sexuellement l’enfant, et de le livrer en pâture à un réseau. Face à la caméra de Maillaud, sollicité par la mère de l’enfant, le garçon décrivait par exemple des pièces cachées dans la maison de son père, où ce dernier se serait livré à ses exactions. Des affirmations contredites par les expertises minutieuses des policiers chargés de l’enquête, qui s’est soldée par la mise hors de cause du père. Aujourd’hui, la famille de Vincent reste profondément traumatisée par cette affaire. «Sur le Net, il y a encore des centaines de pages nous décrivant comme pédophiles, et on ne peut pas lutter contre», souffle un proche du père de famille.
«Ces sites sont hébergés à l’étranger. Tous les jours, des noms sont jetés en pâture, déplore Me Daniel Picotin, avocat du papa des trois enfants de Montendre. Il faut interdire cette organisation séditieuse.» «Ces personnes croient à ce qu’elles disent, décrypte Philippe Coindeau, le procureur de Saintes. Il y a tout un réseau informel, de gens qui ne se connaissent pas forcément, socialement peu insérés, qui existent à travers ce combat.» Pourtant, «il y a de vraies affaires, reconnait Me Picotin. Mais là, on est dans le délire.»
Maillaud toujours en cavale
«Nous constituons une sorte de front de la foi», rétorque Alfred, l’un des fondateurs du très fréquenté site Pedopolis, qui partage et relaie les thèses de Maillaud. Au-delà de véritables affaires pédophiles d’envergure – dossier Dutroux, torturés d’Appoigny, CD roms de Zandvoort -, l’intéressé estime avoir connaissance de multiples autres atteintes sexuelles envers les enfants, non traitées par les autorités «en qui nous n’avons pas confiance». La justification des nombreuses enquêtes que le RRR mène à travers la France.
Christian Maillaud, lui, est toujours en cavale. Visé par deux mandats d’arrêt européens, il avait échappé aux gendarmes en septembre dernier, lors d’un contrôle routier à Bolandoz, dans le Doubs. L’activiste était alors présent dans le secteur pour «sauver» une adolescente qui aurait, une fois encore, été victime d’un réseau sataniste. «La personne en question a été identifiée, et entendue, précise une source judiciaire locale. Elle a bien été victime d’agression sexuelle. En revanche, aucun élément n’accrédite la piste d’un tel réseau sataniste.»
Christian Maillaud était parvenu à s’enfuir, mais ses proches expliquaient alors ne plus avoir aucune nouvelle. D’aucun le disaient disparu dans un des nombreux gouffres de la région. D’autres accusaient les militaires de l’avoir enlevé, voire, à demi-mots, liquidé. Le tribunal de Besançon avait même été tagué par ses partisans. Il y a deux semaines pourtant, l’un de ses soutiens a publié un message sur le web, attestant finalement que Maillaud se portait très bien, et s’était «mis au vert.» Le retour de Zorro semble pour bientôt.
Source: http://www.leparisien.fr/faits-divers/les-dangereuses-methodes-des-militants-antipedophiles-22-12-2012-2428531.php