La ministre confirme ce que nous avions déjà dénoncé : il n’existe aucun chiffre des disparitions de mineurs. Étrange constat pour un pays qui dispose d’importants moyens statistiques. On sait, à l’unité près, combien de saumons (375) ont remonté des eaux de la Loire en l’an 2000, mais on est incapable de savoir à une centaine près le nombre de mineurs qui disparaissent. La seule approche chiffrée est celle des fugues, c’est-à-dire de départs volontaires. Mais rien ne permet d’affirmer que les 800 mineurs volatilisés cette année-là sont des fugueurs. En fait, toutes les disparitions de mineurs sont, a priori, comptabilisées comme des escapades. Ce dogme permet de justifier l’absence d’enquêtes poussées dans la quasi-totalité des cas. Il est conseillé aux parents concernés, morts d’inquiétude, d’attendre le retour au bercail de leur enfant. C’est d’autant plus aberrant qu’en cas d’enlèvement les premières heures sont capitales si l’on veut retrouver vivante la victime.
Ainsi cette mère lyonnaise que nous avons reçue au journal et à qui la police continue de répéter que son fils a fugué. ¶gé de six ans, il a disparu à la sortie de l’école. Mais c’était il y a vingt-six ans ! Dans de rares cas, le parquet lance de vastes recherches, comme on vient de le voir dans le Bordelais. Parfois, comme à Agen, après la disparition de la petite Marion il y a cinq ans, c’est l’action d’une association (en l’occurrence La Mouette) qui alerte les médias et contraint les autorités à des actions d’envergure. Les chiffres révélés par la garde des Sceaux démontrent que cela reste l’exception, alors que le phénomène se révèle massif. On peut s’étonner que la ministre puisse utiliser le verbe » recueillir » à propos des enfants réduits en esclavage par des réseaux. Mais c’est la première fois que ces réseaux pédocriminels sont dénoncés par la chancellerie, alors que de nombreux parquets, à Paris notamment, continuent à agir comme s’ils n’existaient pas.
Dans sa réponse aux députés communistes, Marylise Lebanchu annonce la création d' » un groupe d’observation plus fin, pour voir ce qu’on peut faire afin d’éviter de telles situations « . Au niveau européen, la garde des Sceaux précise qu' » un mouvement fort a été lancé, qui a maintenant presque fait l’unanimité des ministres de la Justice et de l’Intérieur, pour que soient prises rapidement des décisions sur la définition de la pédocriminalité, qu’il s’agisse de prostitution enfantine, d’images de spectacles, bref de tout ce qui permet à des adultes de gagner de l’argent grâce à cette abominable exploitation des enfants « . C’est important, mais très en deçà de ce qu’on attend de pays signataires de la Déclaration universelle des droits de l’enfant.
D’autant que le chiffre de 800 avancé par la ministre ne prend pas en compte les mineurs arrivés irrégulièrement sur le territoire national et qui disparaissent après les contrôles de police. Sur les 1 000 enfants étrangers qui débarquent sans papiers en règle annuellement à Roissy-Charles de Gaulle, seuls 200 restent sous un contrôle social. Les autres, 800 de plus, disparaissent mystérieusement dans l’indifférence, pour ne pas dire le soulagement général, car personne ne sait quoi faire de ces mineurs inexpulsables selon les ordonnances de 1945. Dans le même temps, la prostitution de mineur(e)s s’est installée sur les trottoirs parisiens. Nous l’avons constatée sur les boulevards des Maréchaux, au vu et au su de tous, y compris des policiers qui observent le phénomène sans intervenir. 800 plus 800 égalent 1 600. Les deux parlementaires à l’origine de ces révélations ont réagi à la réponse de la garde des Sceaux. Robert Hue interpelle, outre la chancellerie, le ministre de la Défense, dont dépend la gendarmerie, et le ministre de l’intérieur en leur demandant de » déployer des moyens exceptionnels » pour retrouver les mineurs disparus et » lutter contre le fléau particulièrement abject de la pédocriminalité « . Bernard Birsinger demande à nouveau le nombre des enfants disparus depuis dix ans, exige que le problème des enfants étrangers isolés de Roissy soit pris en considération. Il demande enfin à Marylise Lebranchu une réunion de travail avec » les associations qui travaillent de façon opiniâtre et sérieuse sur les disparitions d’enfants « .
Serge Garde
Source: http://www.humanite.fr/node/390344