Le député PS Dominique Raimbourg, qui présentait lundi devant la presse les cas d’application de la nouvelle «contrainte pénale», a expliqué que des attouchements dans le cadre familial ne justifieraient pas la prison. Le syndicat de police Synergie-Officiers dénonce une dérive inquiétante.
Le député PS Dominique Raimbourg, rapporteur de la loi pénale voulue par Christiane Taubira, a-t-il dérapé? Sa présentation, lundi, à l’Assemblée, devant la presse, des cas d’application de la nouvelle «contrainte pénale», censée fournir une alternative à l’incarcération, font, en tout cas, bondir le secrétaire général de Synergie-Officiers, Patrice Ribeiro, syndicat réputé proche de l’opposition, qui dénonce des «propos hallucinants».
Interrogé sur le fait que les auteurs d’agressions sexuelles, punies de cinq ans d’emprisonnement, peuvent faire l’objet d’une contrainte pénale, Dominique Raimbourg, a répondu lundi à la presse (Le Figaro était présent): «Il y a des infractions sexuelles qui ne signalent pas un ancrage dans une délinquance particulière». La contrainte pénale pourra donc concerner, par exemple, «un oncle qui, à la fin d’un repas de famille un peu alcoolisé, a un geste déplacé envers sa nièce». Mais, dit-il, «des personnes qui agressent sexuellement des femmes la nuit, c’est grave et cela peut justifier l’incarcération».
L’ensemble des délits visés
Un amendement déposé par les députées Élizabeth Pochon (PS, Seine-Saint-Denis) et Colette Capdevielle (PS, Pyrénées-Atlantiques) doit étendre la contrainte pénale «à l’ensemble des délits» a indiqué lundi le rapporteur du texte, Dominique Raimbourg, qui dit soutenir cette initiative. Parmi les infractions qui pourraient entrer dans le champ de la contrainte pénale si l’amendement est adopté, Dominique Raimbourg prend l’exemple d’un «petit trafiquant» qui fume du cannabis dans une soirée avec ses amis, une infraction punie de dix ans de prison. De quoi ulcérer Synergie-Officiers, dont le patron déclare: «Quand le rapporteur d’une loi de cette nature donne des exemples aussi ahurissants, on peut être inquiet des motivations et des conséquences prévisibles de ce texte.» «Manifestement, nous n’avons pas la même notion de la gravité de certains actes», ajoute le policier.
Patrice Ribeiro estime que «le message d’indulgence qui va être envoyé sera reçu cinq sur cinq par les délinquants». «On peut ainsi tripoter sa petite nièce, ironise-t-il, ce n’est pas bien grave pour M. Raimbourg, et cela ne mérite au fond, selon lui, qu’une petite contrainte pénale. Mais on nage en plein délire!»
«En aucun cas cette loi n’entend instaurer l’impunité»
«La mise en exergue d’un exemple donné lors de la conférence de presse est à relire à l’aune de la technique habituelle des détracteurs de ce projet qui consiste à susciter l’émotion, a réagi Dominique Raimbourg. En aucun cas, cette loi n’entend instaurer l’impunité. Elle peut être au contraire l’occasion de proposer des peines plus sévères», précise le rapporteur de la réforme pénale actuellement discutée devant la la Commission des lois. «Aujourd’hui, le cas que j’ai cité n’aurait sans doute été puni que d’une peine d’emprisonnement avec sursis simple. Avec la contrainte pénale, le contrôle et les obligations auraient été bien plus drastiques. Il faut arrêter de répéter que ce texte est un modèle de laxisme. Je rappelle qu’il prévoit des dispositions qui renforcent les pouvoirs de polices pour le contrôle des sortants de prison».
La réforme Taubira, qui devrait donc désormais s’étendre à tous les délits, alors que la gauche affirmait au départ que seules les peines encourues, jusqu’à cinq ans de prison, étaient concernées, mérite une sérieuse explication de texte. On était surpris, lundi, du ton badin employé par le rapporteur de loi, au sujet d’une loi aussi ambitieuse, dont les répercussions attendues sont considérables. Questionné sur la faiblesse des moyens dégagés pour le suivi des délinquants hors de la prison – les agents de probation notamment passeront seulement de 4000 à 5000 -, Dominique Raimbourg a reconnu que les moyens étaient «un peu dérisoires». Il faut, selon lui, «des moyens supplémentaires», car «statistiquement, on est un peu juste», disait-il.
Les policiers, qui mesurent à quel point la réforme Taubira repose sur le travail qui leur sera demandé pour contrôler et contraindre les délinquants condamnés qui ne respecteront pas leurs obligations, vont se montrer très vigilants sur ce texte.
Source: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/05/27/01016-20140527ARTFIG00098-le-rapporteur-de-la-loi-taubira-accuse-de-derapage-sur-la-pedophilie.php