Le Figaro Etats-Unis : un siècle d’horreur dans une maison de redressement

Dans l’état de Floride, une enquête lève progressivement le voile sur les traitements inhumains imposés à des enfants dans une maison de correction. Les premiers résultats font froid dans le dos.

Dans ce qui fut un temps le plus grand établissement de redressement aux Etats-Unis, plusieurs dizaines d’enfants ont subi des actes de maltraitance un siècle durant. Une enquête a été ouverte et révèle aujourd’hui les pires sévices dont ont été victimes les pensionnaires de l’école.

Fermée en 2011, officiellement pour des raisons économiques, la Arthur G. Dozier School for Boys (école de garçons Arthur G. Dozier), fondée en 1900 à Marianna, fait l’objet d’une enquête ordonnée dès 2008 par le gouverneur de Floride. Au coeur des investigations, se trouvent des déclarations d’anciens membres de l’école qui dénonçent les traitements inhumains infligés aux enfants pendant des années, notamment dans une annexe à l’établissement, surnommée la «Maison blanche».

Des morts qui ne figurent sur aucun registre

A l’époque, un rapport du Département de la justice américain détaille les dérives autoritaires des éducateurs. Ceux-ci employaient systématiquement la force et mettaient régulièrement au confinement des jeunes punis pour des désobéissances mineures. Confirmant la dangerosité des patriques disciplinaires au sein de l’établissement, le document pointe aussi du doigt les mauvaises conditions de logement et l’inexistence de travaux d’assainissement au sein de l’établissement.

L’enquête aboutit alors en 2013 au lancement d’une campagne de fouille et de collecte de témoignages, confiée à une équipe d’anthropologues de l’université Sud-Floride (USF), qui vient d’établir les premiers résultats de sa recherche. Jusqu’à aujourd’hui, les chercheurs ont découvert trente et une tombes situées dans les dépendances du pensionnat, ainsi que 24 autres sépultures datant de la première moitié du XXe siècle. Les recherches révèlent, par ailleurs, que si certains enfants ont été enterrés après un décès «officiel», d’autres corps, en revanche, ne figurent sur aucun registre.

Depuis, l’association «The White House Boys» (les garçons de la maison blanche), créée par d’anciens pensionnaires de l’école afin de recueillir des témoignages, a permis d’attester et de rendre crédible ces violences, en poitant du doigt l’existence d’un véritable «cachot du viol» où les pensionnaires étaient régulièrement battus et violés, parfois jusqu’à la mort. En 2013, Bill, un ancien pensionnaire était l’un des premiers à avouer avoir été «violé, comme d’autres garçons» et confiait qu’aucun d’entre eux n’avaient été assez fort jusqu’à présent pour s’exprimer.

Premier identifié parmi les corps retrouvés en août 2014, George Owen Smith, avait, selon la version officielle, succombé à 14 ans d’une pneumonie. Une thèse toujours démentie par sa soeur, aujourd’hui âgée de 85 ans. qui témoignait l’été dernier de son soulagement d’avoir pu réenterrer son frère sous son propre nom et à côté des membres de sa famille. A l’époque, le petit George avait été placé dans la maison de correction, après avoir fugué et volé une voiture avec un ami. Dès lors, ses parents n’avaient plus eu de nouvelles de lui jusqu’en 1941, où depuis, des thèses se contredisent sur les raisons de sa mort.

Un crime impuni

Selon plusieurs témoins, il existerait également dans les alentours de l’école plusieurs zones, autres que celles qui font déjà l’objet de fouilles, où des enfants auraient été inhumés. Pour Robert Straley, porte-parole des White House Boys, cela ne fait aucun doute, «il y a au moins une centaine de corps au total».

Dorénavant, s’il ne fait aucun doute que ces divers abus ont perduré dans le temps au sein de la Dozier School, il semblerait, toutefois, qu’aucun coupable ne fasse l’objet d’une action en justice. Dans une lettre adressée à l’Attorney general (l’équivalent du ministre de la Justice) Eric Holder, le sénateur démocrate Bill Nelson déplorait en avril 2014 le manque d’avancée de l’enquête. «Pour le bien de ceux qui sont morts et leurs familles encore en vie, nous devons savoir ce qui s’est passé dans cette école […] La première chose, c’est de découvrir la vérité. La seconde, traduire en justice les coupables si des crimes ont été commis», écrivait-il.

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