Les députés UMP sont montés au créneau pour défendre ce délai obligatoire de sept jours avant un avortement, que la gauche a retiré, le jugeant «culpabilisant».
Parmi la vingtaine de députés de l’opposition qui se sont relayés pour défendre le délai de réflexion obligatoire avant une interruption volontaire de grossesse, il n’y avait que des hommes, à l’exception de la députée (UMP) Isabelle Le Callennec. Les députés de gauche qui leur faisaient face dans l’hémicycle pour débattre de la loi santé n’ont pas manqué d’ironiser sur cette surreprésentation masculine. «Protection de la vie à naître», «banalisation de l’avortement», «détricotage de la loi Veil»,… Dans la nuit de mercredi à jeudi, les députés UMP n’ont pas ménagé leurs efforts pour tenter, sans succès, de réintégrer l’obligation d’un délai de réflexion de sept jours prévu entre les deux consultations qui précèdent une IVG.
Lors de l’examen de la loi en commission, fin mars, la présidente socialiste de la délégation de l’Assemblée aux droits des femmes, Catherine Coutelle, avait fait voter la suppression de cette contrainte. L’opposition avait donc déposé pas moins de cinq amendements pour rétablir le délai en séance.
Quarante ans après la loi Veil, la droite a rendu à la ministre de la Santé de VGE, un hommage appuyé… Pour mieux faire valoir qu’il est exclu d’aller plus loin. Simone Veil avait, lors des débats parlementaires en 1974, jugé ce laps de temps imposé «indispensable pour faire prendre conscience à la femme qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal» ? Donc pas question d’y revenir pour la droite. «Il y a des lois qui sont inscrites dans le marbre», affirme Elie Aboud (UMP), tandis que le très droitier Yannick Moreau accuse le gouvernement d’avoir «complètement détricoté l’équilibre de la loi Veil» qui considérait l’avortement comme «une dérogation ou une exception». Les députés UMP présents en séance, qui n’ont pas digéré la suppression par la gauche en 2014 de la notion de «détresse» pour une femme voulant interrompre sa grossesse, y ont vu un accroc de plus au texte Veil.
«Cessez de comparer les femmes à des voitures !»
Mais pour la majorité, comme pour Marisol Touraine, la loi de 1975 peut évoluer. «La loi représentait un équilibre dans un contexte donné mais n’a pas vocation à être figée pour l’éternité. La relation à l’IVG ne s’est pas banalisée, elle s’est normalisée», invoque la ministre de la Santé. Celle-ci s’était d’abord prononcée pour la réduction du délai à 48 heures mais a reconnu ne pas savoir «à quoi il pourrait servir. Qu’est-ce que cela change au-delà de vos arguments rhétoriques, sans doute pour cacher que vous voudriez que des femmes culpabilisent ?», renvoie-t-elle à la droite. Selon les partisans de son maintien, ce délai de réflexion est au contraire nécessaire pour «peser le pour et le contre», «mesurer les conséquences», éventuellement «se retourner». Certains ont tenté une comparaison douteuse avec le délai de rétractation prévu pour un achat ou un prêt bancaire. «Mais pour une IVG, vous considérez qu’il n’y a pas nécessité de prendre la réflexion. C’est un acte plus important qu’un achat de véhicule», s’est hasardé François de Mazières. «Messieurs les députés, cessez de comparer les femmes à des voitures !», lui a répondu Marisol Touraine.
Les députés PS, EE-LV et PCF, eux, ont dénoncé un délai «infantilisant», susceptible de «créer encore plus d’angoisses» et rappelé que les associations féministes ou le Planning familial prônait aussi sa suppression. «La loi n’est pas faite pour faire la morale ou culpabiliser», argumente l’écologiste Brigitte Allain. «Lorsqu’une femme veut avorter, sa décision a été mûrie», complète Catherine Coutelle qui souligne qu’un délai demeurera de fait entre le premier entretien et l’avortement en tant que tel.
Les députés ont rejeté par 40 voix contre 22 les amendements (UMP, UDI et FN) prévoyant le rétablissement de ce délai de sept jours (qui pouvait déjà être réduit à 48 heures en cas d’urgence, à l’approche du délai légal de 12 semaines de grossesse). Les amendements de Jacques Bompard prévoyant carrément de le rallonger à deux semaines et imposant à la mère «faire écouter le cœur de l’enfant» n’ont même pas été examinés, le député d’extrême droite n’étant pas en séance. Ce jeudi, les députés poursuivront le débat sur la loi santé, avec le tiers payant généralisé, pièce maîtresse du texte.
Photo: Marisol Touraine à l’Assemblée nationale, le 8 avril. (Photo Loic Venance. AFP)