Avant même que s’ouvre à Rennes le procès de Daniel Legrand pour la période où il était mineur, les médias ont réactivé l’effervescence médiatique qui avait tant servi la défense lors des procès de Saint-Omer et de Paris. Les rédactions qui ont ouvert grand leurs portes aux acquittés et à leurs avocats martèlent à nouveau une version officieuse et simpliste de l’affaire d’Outreau qui discrédite la parole des enfants et présentent les 13 accusés acquittés comme les victimes d’un fiasco judiciaire.
Ce faisant, ils partent sans doute du principe que le public est acquis à cette version officielle, et qu’il serait vain de prendre un peu de recul.
Ont-ils conscience du malaise que cette affaire a laissé dans les têtes ? De fait, ils ne semblent pas tenir compte que le récit qui circule est loin de convaincre tout le monde et qu’une saine curiosité pousse une partie de leurs lecteurs, de leurs auditeurs, de leurs téléspectateurs, a tenter d’en savoir un peu plus ? Certains – dont je suis – ont étudié le fond de l’affaire et n’ont pas été déçus, au point de conclure à la nécessité de parler, de dénoncer la désinformation massive, de témoigner du fait que s’il y a bien fiasco, ce n’est certes pas celui qu’on prétend.
Les avocats de la défense qui tentent à nouveau de susciter les réflexes pavloviens en reprenant les accents outranciers qui avaient cours en 2004 tentent de minimiser le phénomène et de le décrédibiliser en parlant d’une clique de « révisionnistes » comme si la doxa qu’ils avaient créée devait définitivement s’imposer comme un texte sacré. Ils répètent que ces gens « n’étaient pas aux procès » comme si le fait de n’avoir pas assisté au consternant spectacle de ce procès « foire d’empoigne » et aux prestations théâtrales de la défense pouvait les disqualifier.
Ce qui est commode face à ces invectives, c’est qu’il n’est pas nécessaire de beaucoup chercher les preuves de la partialité du débat qui ouvre à nouveau une sorte de procès à l’extérieur du tribunal. Toute personne dotée d’un minimum de perspicacité peut se rendre compte :
– du fait que le contradictoire est absent de pratiquement toutes les émissions sur l’affaire. Si les avocats de la défense s’expriment en direct, l’expression la partie civile est parcimonieuse et contrôlée. A titre d’exemple : le 4 mai sur RTL avec Jacques Pradel, près d’une heure d’émission (aux intermèdes près), une grande attention et une déférence remarquable envers les DEUX (symptomatique) invités : Me Delarue et E. Dupond-Moretti, trente secondes pour Jonathan Delay, cinq minutes et demie par téléphone pour Me Reviron dont la parole a été coupée au moins à deux reprises.
– Du fait que la vérité judiciaire des enfants – dont douze ont été reconnus victimes de viols, agressions sexuelles et proxénétisme – ne soit jamais mentionnée (par contre on évoque perfidement « les enfants menteurs » ).
– Du fait que les anomalies pourtant stupéfiantes des procès soient tombées aux oubliettes : enfants victimes dans le box des accusés, malmenés à la barre, experts pris à partie et mis dans l’impossibilité de déposer sereinement, procès en appel terminé en dépit de bon sens : pas de plaidoiries, les excuses aux accusés avant même la délibération des jurés.
– Du fait que le film de fiction « Présumé coupable » fondé sur le livre qu’un ancien accusé avait écrit pour sa défense est passé plusieurs fois sur les écrans et a même été présenté comme une « histoire vraie » par France 3 (le comble) alors que le seul documentaire sérieux portant sur l’affaire : Outreau, l’Autre vérité n’a jamais été programmé en France, alors qu’il aurait pu venir à l’appui d’un intéressant débat contradictoire.
– Du fait que l’on n’entende du dossier – pourtant très lourd – et des faits reprochés qui s’y trouvent, que quelques gags , toujours les mêmes, exhibés par la défense pour tenter de ridiculiser les plaignants. On se plaît par exemple à évoquer l’enfant « violé avec une baguette de pain » en se gardant de dire qu’il s’agissait de petits objets de dinette en plastique.
– etc…
Les contenus et l’influence d’Internet et des réseaux sociaux est souvent décriée. Pourtant dans le cas présent, il faut reconnaître que c’est là la seule source d’information disponible puisque les grands médias s’auto-censurent et se cantonnent essentiellement dans les idées reçues et l’émotif.
Quelques sites pour s’informer :
http://demystifier-outreau.nerim.net/
http://la-verite-abusee.pagesperso-orange.fr/