La journée commence avec l’audition de celui qui était le capitaine de la police de Boulogne, Didier Wallet. Celle de Jonathan Delay suivra.
Il affirme que des planches photographiques sur lesquelles Legrand figurait ont été montrées aux enfants, qui ne l’ont pas reconnu. Il dit qu’au départ, aucun enfant n’a parlé de Legrand.
Me Reviron, avocat de Jonathan, souligne que les seules photos montrées étaient celles des mis en cause, d’ailleurs les auditions des enfants Delay par Didier Wallet ont toutes été menées avant l’arrestation des Legrand, et que les enfants ont parlé immédiatement de plusieurs hommes présents lors des viols.
En fin de matinée, le président est revenu sur ces albums qu’ila qualifiés d’ « assez surprenants » en raison de photos ajoutées au fur et à mesure, et de la seule présence des photos de mis en cause.
Me Reviron, a également demandé à ce que la cour puisse voir les vidéos des (rares) auditions filmées des enfants. Rares car peu voulaient bien être enregistrés, et le matériel était en panne.
L’ex capitaine Wallet explique que les dossiers de pédophilie « c’était 80% de nos affaires dans le secteur. »
Quand Me Reviron lui demande quel est son sentiment au sujet de cette enquête, Didier Wallet répond: « on manquait de matériel, on avait une voiture pour 15, on était que quatre pour traiter l’affaire »
Vers 10h 30, Daniel Legrand étant en passe de s’endormir, l’audience est suspendue.
Après la suspension d’audience, Me Hubert Delarue évoque la présence de tracts diffusés dans le tribunal par des membres de Wanted Pedo. Le président du tribunal a pointé du doigt l’équipe de Wanted Pedo, qui a collé des affiches dans le tribunal et invectivé avocats et journalistes, et dénonce une « pression inadmissible ». Le risque est que les débats continuent à huis clos.
Les journalistes évoquent le collectif, trouvent qu’il est trop proche des victimes. Evidemment, la moindre occasion sera un prétexte pour Moretti et consorts afin de demander le huis clos et de dire que les victimes sont manipulées.
L’audience reprend, les avocats de Legrand tentent de démontrer des incohérences dans les déclarations des enfants. Me Dupond Moretti pointe l’accusation contre Jean-Marc, un handicapé qui a été considéré comme incapable de monter seul els escaliers. Pourtant, les enfants Delay ne sont pas les seuls à avoir accusé Jean-Marc, et ont précisé qu’il fallait l’aider pour qu’il monte jusqu’à l’appartement des Delay.
Les avocats des parties civiles ont réagi, l’empoignade a commencé. Le but de la défense est de prouver, comme les autres fois, qu’en se trompant sur des détails, c’est tout le témoignage des enfants qu’il faut invalider.
La défense sort aussi une liste des adultes dénoncés par les enfants, sans mentionner Daniel Legrand. Alors qu’il a bien été accusé directement, et que c’est bien dans le dossier.
Le fait que Jean-Marc Couvelard ait été écarté immédiatement de l’enquête au motif que sa mère et un médecin ont dit qu’il ne pouvait pas monter seul les escaliers a été utilisé de manière abusive par la défense pour dire que les enfants accusaient à tort et à travers. C’est encore cet argument qui est développé ce mercredi. Et selon me Reviron, couvelard était « parfaitement capable » de monter les trois étages.
En fin de matinée, le tribunal a aussi entendu un policier, Daniel Deledalle, qui a d’abord dit « Je n’ai aucun élément à apporter, je n’ai pas fait d’acte concernant Daniel Legrand », avant de préciser au bout d’une heure que « Daniel Legrand, ça me dit rien, j’étais en congé longue maladie à l’époque ».
Nos comptes-rendus d’audience
Parce qu’on ne va pas laisser le terrain au fan club de Daniel Legrand, on va relater ici les audiences du procès de Rennes.
L’audience reprend un peu avant 15 heures, avec l’audition de Jonathan Delay.
Le jeune homme explique que c’est en 2000, quand il a été enfin placé dans une famille d’accueil, qu’il a commencé à parler. En fait « ma famille d’accueil a commencé à avoir des doutes quand j’ai demandé si il y avait des cassettes porno », dit-il.
De fait, on sait bien que les enfants en parlent que quand ils se sentent en sécurité.
On l’interroge sur la présence de l’accusé, Daniel legrand, lors de faits qui se seraient produits chez les parents Delay: « Je sais qu’il était là. », dit-il, « j’ai certaines images où je le vois chez mes parents ».
Evidemment, les détails sont flous, c’était il y a 15 ans! Et si même Daniel Legrand ne se rappelle pas le nom de son codétenu, comment en vouloir à un enfant de 5 ou 6 ans à l’époque s’ils ne se rappelle pas clairement les faits, ou quels gestes a commis Legrand précisément.
Jonathan Delay explique qu’il a « le souvenir d’avoir été violé », le prédisent lui demande « par qui »?. Réponse: « ils ont été acquittés ».
Pourtant, il suffit de se replonger dans le dossier, dans les auditions faites à l’époque, pour avoir des éléments précis. « J’avais du sang dans la bouche tellement le zizi de papa était gros », a par exemple dit Jonathan à un policier.
On lui demande si ses souvenirs des abus sont liés à l’appartement de ses parents, et Jonathan répond « pas seulement ». On lui demande s’il a été avec des adultes en Belgique, il répond que oui. Pour lui, ça se passait en Belgique parce qu’ils roulaient longtemps.
Puis, le président se met à poser des questions sur les acquittés, sur des souvenirs précis qu’il n’a pas.
Jonathan rappelle qu’il n’est là « que pour une personne » et demande à parler à ses avocats, ce qui lui est refusé, mais il a quand-même droit à une pause. Jonathan a parfaitement raison: il n’est pas là pour « refaire le match », comme le lui a reproché mensongèrement Me Julien Delarue. Il n’est pas là pour parler des acquittés, mais seulement de Daniel Legrand.
Reprise de l’audience, le président attaque directement sur Emeleine, la demi soeur aînée des Delay, fille de Thierry Delay. Elle a toujours nié avoir subi quoi que ce soit, même si ses frères disent le contraire.
« Vous vous souvenez avoir évoqué le sort de votre sœur Emeline dont vous avez dit avoir subi la même chose que vous ? », demande le président. Jonathan répond « elle dit le contraire, mais j’en suis sûr et certain qu’elle a subi quelque chose ».
On en vient ensuite au meurtre de la petite fille. Jonathan maintient, comme il l’a toujours dit, qu’on a caché le corps sous son lit. Cette petite fille au meurtre de laquelle Daniel Legrand a dit avoir assisté.
Amenée par un monsieur venu de Belgique, et tuée parce qu’elle criait trop fort pendant qu’elle était violée. Mais, on en va parler très longtemps de ce meurtre.
Le président du tribunal tente d’amener Jonathan sur le terrain des faux souvenirs, une théorie bidon répercutée par les pro pédophiles dans les années 80: « au fur et à mesure des auditions vous aviez de + en + d’éléments dans votre tête, de souvenirs alimentés ? ». Mais, une théorie que la défense va nous sortir grâce à ses experts, n’en doutons pas.
On lui parle de la suite, après le procès, il raconte un peu son parcours. Tous les journalistes présents vont se fixer sur une petite phrase, quand Jonathan dit que les indemnités monstrueuses des acquittés, c’était « malhonnête ». Après cela, ils pourront tous dire que Jonathan va à ce procès pour l’argent.
Le président du tribunal va même lire un vieil article dans lequel les trois frères Delay disaient qu’ils n’iraient pas à ce procès. Ils n’ont pas le droit de changer d’avis? Ou veut-on faire croire qu’ils ont été manipulés pour se porter parties civiles?
Les souvenirs de Jonathan, qui avait 4, 5 ans au moment des faits, sont très flous. Il doit répéter qu’il ne ment pas, qu’il n’a « rien à gagner à être ici ». Mais il n’invente pas.
Quand Legrand ne se souvient pas du nom de son codétenu, personne ne tique, mais si Jonathan, la victime, ne se rappelle pas bien de ce qu’a fait Legrand précisément, c’est grave.
Puis l’avocat général met les pieds dans le plat avec une théorie des plus fumeuses, la fameuse théorie des faux souvenirs, inventée par Ralph Underwager, grand défenseur des pédophiles. Une théorie qui n’a toujours aucune validité scientifique. « Sauf que vous êtes victime et par des mécanismes que l’on connaît, il y a des souvenirs que vous construisez », assène-t-il à Jonathan, et il sort ses « hypothèses » comme: « c’est faux et vous mentez. Pour obtenir la condamnation du seul acquitté qui peut l’être ».
L’avocat général va même jusqu’à demander à Jonathan s’il a été « instrumentalisé » (Dupont Moretti n’aurait pas dit mieux) pour aller à ce procès.
Nous y voilà: le procès des victimes commence.
Me Berton passe à son tour à l’attaque et demande à Jonathan de parler des acquittés, ce qu’il refuse de faire. Il faut dire que le piège est grossier. Jonathan laisse donc Me Berton tenter de « refaire le match » tout seul.
Il insiste pour savoir si Legrand l’a violé, mais Jonathan ne peut que répondre sa seule certitude: « il était là », présent lors des abus. Jonathan ne se souvient plus si Legrand l’a violé lui ou pas, mais quand on voit le nombre de personnes que lui et les autres enfants ont désignées comme agresseurs ou participants aux partouzes, on peut le comprendre.
Puis c’est Delarue qui le passe à la question et tente à son tour de refaire le match: « Me Delarue à Jonathan Delay: »qui vous a fait du mal et qui a été acquitté à tort dans cette affaire »? Quelle que soit la réponde de Jonathan, il aura toujours tort: s’il parle il risque de passer pour un mythomane, et on ne sera plus au procès de Daniel Legrand, s’il se tait il passe pour un mythomane aussi.
Il le redit: « je parle d’images que j’ai dans la tête, je ne parle pas de souvenirs ».