Doit-on imposer aux magistrats de l’ordre judiciaire et du ministère public du canton du Valais l’obligation d’annoncer leur éventuelle appartenance à une société secrète, comme le suggère une motion UDC adoptée au Grand Conseil valaisan. La réponse de Jean-Luc Addor, conseiller national UDC de Savièse
Cette question a agité le monde politique valaisan cet automne. En septembre, le Grand Conseil, traitant alors des liens d’intérêts que les députés doivent indiquer, a refusé à une majorité de deux voix (et cinq abstentions…) une proposition pourtant soutenue par son Bureau d’étendre l’obligation d’annonce à l’appartenance à un club service ou une loge maçonnique. En novembre, malgré l’opposition d’une alliance du PLR et de la gauche, une majorité UDC/PDC a en revanche accepté clairement une motion UDC pour une transparence complète dans l’indication des liens d’intérêts. Ce débat a suscité nombre d’interventions de «frères» maçons, qui ont espéré que l’apparition d’une poignée d’entre eux à visage découvert convaincrait les députés valaisans du caractère ouvert et inoffensif d’une franc-maçonnerie qui, pourtant, à diverses occasion, n’a pas fait mystère de ses ambitions d’influence.
L’UDC ne méconnaît pas l’enseignement de l’Eglise catholique, qui considère l’appartenance à une loge comme incompatible avec l’enseignement chrétien. Elle dont les statuts se réfèrent expressément au droit naturel et chrétien, n’ignore pas que l’ésotérisme de l’idéologie maçonnique, avec les rites initiatiques qui l’accompagnent, le primat et l’autonomie proclamés de la raison par rapport à toute vérité révélée, entre autres, ne correspondent pas à cet enseignement. Toutefois, la motion UDC, loin de faire la fixation que d’aucuns lui prêtent sur la franc-maçonnerie, a voulu appréhender des problématiques qui vont au-delà et qui touchent au fonctionnement de l’Etat et particulièrement de cette institution essentielle qu’est la Justice: celle de la transparence et des sociétés secrètes, ce que les loges sont incontestablement (essayez simplement de demander à un maçon la liste de ses «frères» ou l’accès au rituel d’initiation…).
La transparence est dans tous les discours, à commencer par ceux de la gauche. Elle est également consacrée par la loi, qui en fait un principe fondamental de l’activité de l’Etat. Elle en garantit en effet la crédibilité. Il ne s’agit pas de mettre tout le monde à nu, mais simplement de faire en sorte que les élus et les magistrats agissent en pleine lumière; dans ce sens, il est bon que les citoyens connaissent les intérêts et – c’est le sujet – les fidélités qui lient leurs représentants. Or, en Valais, l’obligation d’indiquer les liens d’intérêts n’incombe en l’état qu’aux députés et aux conseillers d’Etat. Et dans un contexte où la Justice valaisanne fait face à certaines critiques, à l’heure où le Valais se dirige sans doute vers la création d’un conseil de la magistrature, l’UDC, suivie par le Conseil d’Etat et par le PDC, estime normal que cette obligation d’annonce soit étendue aux magistrats de l’Ordre judiciaire et du Ministère public.
Pour les juges et les procureurs, cette obligation prend un sens tout particulier. En effet, l’absence de toute indication de liens d’intérêts empêche une mise en œuvre efficace des dispositions légales relatives à la récusation. Comment, en effet, être en mesure de demander la récusation d’un magistrat dont on ignore et qui tient cachés ses liens avec une partie au procès? Sous cet angle, c’est donc rien moins que la garantie constitutionnelle d’impartialité qui est en jeu.
Quant au champ d’application de l’obligation d’annonce, est-il suffisant de le limiter à tout ce qui est public comme les conseils d’administration? L’UDC estime que non. Car le fait, pour un magistrat, d’appartenir à une société secrète, d’être lié par un serment obscur, c’est la quintessence de l’opacité, une opacité que le procureur français Eric de Mongolfier a dû affronter lorsqu’il a été envoyé au Parquet de Nice, alors réputé pour ses collusions maçonniques. C’est cela que l’UDC veut éviter, dans l’intérêt des citoyens, des justiciables qui ont droit à une Justice réellement indépendante et crédible.
Car enfin, qui a peur de la lumière? Ou peut-être, qui a intérêt à travailler dans l’ombre?