RTL info.be Dissociation lors des viols : le témoignage de Aurore Van Opstal

Dans l’émission C’est pas tous les jours dimanche, nos invités et chroniqueurs sont revenus sur la sortie du ministre de la Justice Koen Geens cette semaine. Suite à la suspension du prononcé dont a bénéficié la semaine dernière un animateur radio gantois reconnu coupable de viol, il a proposé de supprimer cette mesure de faveur pour les violeurs. Pour rappel, s’ils bénéficient de cette suspension du prononcé, ils sont reconnus coupables, doivent indemniser leur victime, mais n’ont pas de peine de prison à effectuer et surtout, leur casier judiciaire reste vierge.

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Vendue à des hommes dès l’âge de 6 ans

Sur le plateau était invitée Aurore Van Opstal, aujourd’hui journaliste au Monde Diplomatique. Cette jeune femme originaire de Charleroi est 100% d’accord avec le ministre. Le fait que certains violeurs bénéficient aujourd’hui de ce type de mesure de clémence, « ça me scandalise en tant que victime », explique-t-elle.

Car elle-même a été victime de viols, durant son enfance à Charleroi. Sa mère l’a vendue à des hommes pour gagner de l’argent. « Ça a duré de 6 à 12 ans. Elle me disait ‘vas dire bonjour au monsieur’ et ça voulait dire aller dans les toilettes dans des bars glauques de la Ville-Basse. J’ai été violée pendant près de 6 ans. J’avais un peu moins de 12 ans quand j’ai fait une fugue », qui a marqué la fin de son calvaire, du moins physique. Car dans la tête, une victime de viol ne sera jamais plus la même.

Ce que ressent une victime de viol:

« Je voudrais dire qu’on est en état de mort psychique quand on a été violée. On est dissociée. Au moment du viol on est tellement tétanisée qu’on ne sait plus quoi faire. On reste sans voix. Et alors il faut que les policiers, les professionnels de la justice et de la santé comprennent que quand ils voient une femme violée en face d’eux qui n’a pas d’émotions, ou qui ne se rappelle plus du lieu ou de comment ça s’est passé, c’est parce qu’il y a des mécanismes neurobiologiques et le cerveau fonctionne de manière telle qu’effectivement, on est là, mais on ne sait plus quoi dire. C’est comme si on assistait à la scène. On se dissocie de notre corps pour survivre. Le docteur Muriel Salmona a écrit un livre qui s’appelle Le livre noir des violences sexuelles, où elle explique ça très bien. »

« Qu’on arrête de faire passer les viols entre une fraude fiscale et un accident de voiture ! »

Voilà pourquoi elle milite aujourd’hui pour que le viol, qui est considéré comme un crime en Belgique, soit toujours jugé devant une cour d’assises. Aujourd’hui, sans même parler de la suspension du prononcé qui est possible, certains cas de viol sont rétrogradés et ne sont donc pas jugés devant une cour d’assises. Et la réforme de la Justice dite « pot-pourri II » va faire en sorte que ça soit encore beaucoup plus souvent le cas. « Il faut savoir que c’est souvent dans la famille, souvent un ami, et on se bat pour que ce ne soit plus correctionnalisé, que ça passe en cour d’assises parce que c’est un crime. Qu’on arrête de faire passer les viols entre une fraude fiscale et un accident de voiture ! »

« Depuis que j’ai été interrogée par Le Soir, j’ai reçu plein de témoignages sur Facebook. Une femme qui s’appelle Séverine. Elle m’a écrit un truc, j’étais scandalisée, elle est tombée dans la drogue, elle a fait des tentatives de suicide. Moi-même j’en ai fait. On nous enlève une partie de notre âme, c’est horrible. Après on est obligées, pour se dissocier de notre corps, d’aller vers des conduites dangereuses, vers des hommes qui nous réduisent à des objets sexuels. On est marqués à vie, au fer rouge. Donc c’est un crime et ça doit être condamné à hauteur des crimes. »

Elle est rejointe dans son combat par la députée bruxelloise MR Viviane Teitelbaum : « Il n’y a pas de suspension du prononcé pour meurtre, pourquoi est-ce qu’il y en aurait pour le viol qui est un crime aussi ? »

A savoir

Des chiffres et des conseils

En Belgique, 30% des femmes ont subi des violences sexuelles dans leur vie. Huit viols sont répertoriés par jour, mais « selon les chiffres de la police ou du parquet, c’est entre 7 et 10% de ces viols seulement pour lesquels on dépose plainte. Ça veut dire qu’il y a à peu près 100 viols par jour en Belgique », explique la députée bruxelloise Viviane Teitelbaum. C’est pour cette raison, pour que plus aucun viol ne passe sous le radar des statistiques et soit punit, que la journaliste Emmanuelle Praet engageait les victimes à toujours porter plainte. « Il faut appeler systématiquement la police, ne pas se laver et de ne pas laver ses vêtements. Ca permettra de pouvoir confondre son violeur. »

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