Le dédoublement de la personnalité – ou trouble dissociatif de l’identité – est souvent mal diagnostiqué : de 25 à 50 % des personnes qui en sont atteintes ont d’abord reçu un diagnostic erroné de schizophrénie.
Il faut dire que ces deux maladies mentales distinctes se manifestent souvent par des symptômes quasi identiques. Ainsi, 73 % des schizophrènes et 87 % des personnes atteintes d’un trouble dissociatif de l’identité (TDI) ont des hallucinations auditives. Or, dans la très grande majorité des cas de TDI, les voix viennent de l’intérieur de l’individu, tandis que, chez les schizophrènes, les voix qu’ils entendent viennent de l’extérieur.
« Les distinctions peuvent être difficiles à établir, mais il importe de mieux définir les symptômes du TDI afin d’orienter le traitement de façon optimale », soutient la psychologue Marie-Christine Laferrière-Simard, qui a récemment prononcé une conférence organisée par le Groupe d’intérêt en psychiatrie de l’Université de Montréal.
Devant plusieurs dizaines d’étudiants et de chercheurs, Mme Laferrière-Simard a d’entrée de jeu tenu à préciser que la dissociation est un phénomène adaptatif commun et inoffensif, auquel tout un chacun peut être confronté dans la vie quotidienne.
« La dissociation se produit, par exemple, lorsqu’on est dans la lune, qu’on rate une sortie sur la route ou encore quand on ne se souvient plus de rien après avoir parlé en public comme je le fais actuellement », a lancé avec une touche d’humour celle qui dirige aussi la Clinique universitaire de psychologie de l’UdeM.
Un trouble lié à un traumatisme
Mais le dédoublement de la personnalité, qui touche jusqu’à trois pour cent de la population, est un problème pathologique qui tire son origine presque exclusivement de traumatismes, généralement survenus sur une période prolongée durant l’enfance.
Selon les données citées par Mme Laferrière-Simard, 95 % des personnes atteintes d’un TDI rapportent avoir été abusées soit sexuellement, soit physiquement. Et, dans 90 % des cas, ce sont des femmes.
La souffrance liée à ces traumatismes serait telle que, chez des individus ayant une capacité innée à la dissociation, la seule façon d’y faire face serait de se détacher de soi, parfois jusqu’à se créer des identités parallèles.
« Lorsque la dissociation persiste tandis que les évènements traumatiques ont pris fin, il ne s’agit plus d’un état adaptatif, mais plutôt d’un fonctionnement pathologique et envahissant », dit-elle. Contrairement à la dissociation normale, qui est de courte durée, légère et transitoire, la dissociation pathologique est chronique, grave et débilitante.
De plus, la dissociation pathologique peut être complète ou partielle : dans le premier cas, chaque « personnalité » agit de façon distincte avec des caractéristiques particulières (âge, image corporelle et comportements différents), tandis que, dans le second cas, les différentes « personnalités » peuvent être conscientes les unes des autres.
Et l’ampleur des symptômes est en général fonction de la gravité du traumatisme. « Plus un individu a été abusé, plus les symptômes dissociatifs seront importants », ajoute Mme Laferrière-Simard.
Enfin, la dissociation peut aussi être présente dans « les troubles anxieux, les troubles de l’humeur, le trouble de stress post-traumatique, les troubles de la personnalité, les troubles des conduites alimentaires et les troubles psychotiques », précise la spécialiste du TDI.
Vouloir être traité : la clé du succès
En raison de sa nature traumatique, le dédoublement de la personnalité se traite principalement par la psychothérapie, contrairement à la schizophrénie, qui se soigne habituellement par une médication.
« Il est essentiel que les patients qui souffrent de TDI viennent d’eux-mêmes en traitement, puisque l’une des premières étapes de la thérapie est l’acceptation, indique Mme Laferrière-Simard. Mais ils vivent parfois des luttes intérieures où une personnalité qui prend le contrôle refuse d’être traitée ou décide de rester à part. »
Les chances de guérison dépendent de nombreux facteurs, mais un traitement réussi d’un dédoublement de la personnalité est d’habitude long. « Il est fréquent que les patients abandonnent, mais, lorsqu’ils persistent, ils parviennent à mieux fonctionner au quotidien », conclut la psychologue.