Cette semaine, on a appris que Franck Lavier, célèbre acquitté d’Outreau, avait été placé en garde-à-vue suite à un signalement transmis au parquet par l’Education nationale. Comme d’habitude, Lavier bénéficie d’un traitement de faveur: bien qu’il soit mis en examen pour des viols sur sa fille C., il a été laissé libre. Retour sur les faits, minimisés avec force par la quasi totalité des médias.
Mercredi, on a appris que Lavier avait été mis en garde-à-vue, à Boulogne-sur-Mer, dans le cadre d’une enquête préliminaire pour «viol sur mineure de 15 ans par ascendant», et sa femme, Sandrine Lavier, mère de 7 enfants dont la jeune C., a été entendue également, en tant que témoin.
C’est parce que C., 16 ans, a parlé à l’école de viols commis par son père que l’Education nationale a fait un signalement au parquet. On peut déjà considérer que c’est un miracle que la justice ait réagi, entendu C. à plusieurs reprises, et considéré que l’accusation était suffisamment solide pour priver Lavier de liberté durant 48h, le délai maximal prévu pour ce type de faits.
La propagande a déjà commencé
Selon certains médias, les faits reprochés à Lavier se seraient produits au début de mois de juin 2016, d’autres parlent de faits commis en juin 2015, c’est-à-dire juste après le procès de Daniel legrand à Rennes, lors duquel Lavier est venu défendre son » co-acquitté », dire que lui aussi est innocent et que tout le monde s’est injustement acharné contre eux. Sa femme Sandrine a témoigné en visio en pleurant sur le fait que sa deuxième fille refuse toujours d’entrer en contact avec eux.
Il semble (la plupart des médias font preuve d’une imprécision alarmante) que c’est bien pour des faits de viols « sur mineur de 15 ans » que Lavier a été mis en examen. Il s’agirait donc d’actes commis il y a plus d’un an.
On parle aussi de plusieurs viols, mais beaucoup de médias comme L’Express ne parlent que d’un seul. Il y a aussi quelques médias qui ont qualifié Lavier de « relaxé d’Outreau », mais c’est bien aux assises qu’il a été jugé, pour des faits de nature criminelle. Aux assises on parle d’acquittement et pas de relaxe, qui ne vaut que pour les procédures correctionnelles.
Lavier a finalement été libéré vendredi matin, ce qui a valu des articles d’une rare complaisance, notamment dans Le Figaro, qui a titré: « Franck Lavier, acquitté d’Outreau, laissé libre après sa garde à vue« . L’article de notre ami Dufland ne mentionnait même pas le fait qu’il avait été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire! Puis, l’article a été modifié, et le titre est devenu « Mis en examen, Franck Lavier ressort libre de sa garde à vue ». Oui il ressort libre, ce qui est hallucinant car dans ce genre de cas le type est envoyé, le plus souvent, en détention préventive. Mais il a quand-même fait 48h de garde-à-vue, et a été entendu à plusieurs reprises sur des faits qu’il nie, comme toujours.
C., a été placée dans un foyer et refuse de rentrer chez ses parents, quant à Lavier il a interdiction de rentrer au domicile familial.
Il a été mis en examen pour viols et agressions sexuelles et non, comme l’a écrit Dufland, pour « viol et attouchements sexuels », selon l’expression qu’aurait eue le parquet de Boulogne en répondant à l’AFP. C »est l’avocate de Lavier, Me Roy-Nansion, qui a parlé seulement d’attouchements, ce qui n’est pas exact, mais qui a pourtant été repris par le fan club des acquittés. Le juge a suivi les réquisitions du parquet, qui avait recommandé cette mise en examen à l’issue des 48H de garde-à-vue.
Me Roy Nansion a été l’avocate d’un des acquittés, David Delplanque[1], et elle avait ensuite défendu Sandrine Lavier en 2011 quand elle et Lavier avaient été poursuivis pour violences et corruption de mineurs, ce dernier chef d’accusation ayant été abandonné suite à un vice de procédure.
Il faut dire que le couple était bien défendu, notamment par Mes Berton et Dupond, à qui les acquittés d’Outreau semblent être abonnés[2]. Le procès a eu lieu en 2012, et le couple a ramassé quelques mois de sursis pour avoir fait subir un véritable calvaire à ses enfants, à tel point que C. et son frère L., âgés d’une dizaine d’années, s’étaient enfuis de chez eux en pleine nuit au mois de février, pour retourner chez la nounou où on les avait placés durant la procédure d’Outreau.
Condamnation pour « violences habituelles »
Le couple avait été placé en garde-à-vue suite à la fugue de deux de leurs enfants de 10 et 11 ans en plein mois de février. Deux frères de Lavier étaient également arrêtés et poursuivis. Les deux gamins avaient parcouru plusieurs kilomètres en pleine nuit et en hiver pour regagner le domicile de leur assistante maternelle, où ils avaient été placés durant l’incarcération de leurs parents.
Ils ont dénoncé diverses maltraitances, et une enquête est lancée, qui aboutit à la perquisition chez les Lavier, au cours de laquelle plusieurs vidéos de soirée arrosées montrent des gestes sexuellement explicites en présence de mineurs. Dans les extraits des vidéos projetés lors de l’audience, on y voit les Lavier, en compagnie d’amis et de membres de la famille, adopter des positions obscènes auxquels assistent des enfants, parfois pris à partie.
« C’est venu dans l’amusement« , souligne Sandrine Lavier. « Et vous trouvez normal d’embrasser votre fille mineure à pleine bouche ?« , tonne la juge. Des photos des maltraitances ont été diffusées aussi, montrant la fille des Lavier couverte de bleus.
Finalement, au tribunal, on laisse tomber la corruption de mineurs et on ne retient que les maltraitances. Déjà extrêmement graves en elles-mêmes, mais largement minimisées : « Il pourrait s’agir de « punition désagréable », selon le parquet, bien loin des très graves accusations de maltraitance et encore moins de maltraitance sexuelle, portées lors de l’affaire d’Outreau. L’enquête de police a écarté les accusations de maltraitance, comme celles de violences sexuelles ».
« Quelques jours après l’énoncé du verdict, Bernadette Lavier, mère de Franck, se dit extrêmement « déçue »» de la sanction prononcée par le tribunal de Boulogne-sur-Mer, à l’encontre de son fils et de sa belle-fille Sandrine. « Ils ont respectivement écopé de huit et de dix mois de prison avec sursis, pour les faits de violences sur leurs enfants, commente la mère de famille. Je trouve la peine bien légère au regard des preuves et du résultat des examens médicaux. Depuis l’affaire d’Outreau, Sandrine et Franck sont de toutes façons protégés. Ce ne sont plus des citoyens lambda« , écrivait le quotidien local La Semaine dans le Boulonnais.
A l’époque, des reportages d’une complaisance indécente avaient été diffusés, avec de longues interviews des Lavier, niant les faits et se positionnant comme des victimes du système. Le couple aime beaucoup, en effet, se dire victime des médias et de la justice, qui se sont pourtant montrés particulièrement conciliants avec eux malgré des accusations graves et répétées de la part de leurs enfants.
Ici, par exemple, Lavier tente d’expliquer les faits de corruption de mineurs tout en se victimisant, ça vaut son pesant de cacahuètes. On notera d’ailleurs qu’il ne parle que d’une vidéo alors qu’il y en avait plusieurs.
Franck et Sandrine Lavier : «C’est des… par lavoixdunord
Les Lavier, blancs comme neige?
Il ne faut pas oublier non plus que A., la deuxième fille de Sandrine Lavier, a été reconnue comme victime à l’issue du procès d’Outreau en appel. Elle fait partie des 12 enfants reconnus victimes de viol. Aujourd’hui, elle n’a plus de contact avec sa mère et son beau-père, et on lui souhaite de mener sa vie en paix.
Par ailleurs, un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) a parlé de quatre enfants qui présentaient des signes de violences sexuelles chez les Lavier. Mais ce rapport n’a jamais été utilisé pour protéger les enfants, les Lavier étant manifestement acquittés à vie pour ce genre de faits. En 2007, un an après le procès en appel, ce rapport de l’IGAS retraçait le passé médical de 14 des 17 enfants victimes. Selon Le Point, » pour cinq d’entre eux, dont les parents ont été reconnus innocents, l’Igas relève des indices évocateurs d’abus sexuels. Il ne s’agit pas de preuves mais seulement de signaux d’alerte qui justifient selon l’Inspection d’être pris en compte au nom de la protection de l’enfance « .
En 2001, quand l’affaire d’Outreau a éclaté et que certains suspects, dont les Lavier, ont envoyés en préventive, Franck Lavier avait reconnu les faits, graves, qui lui étaient reprochés. Dans le dossier, on retrouve une lettre d’aveu envoyée au juge en charge du dossier. En 2004, il avait d’ailleurs été condamné à 6 ans de prison à l’issue du procès en première instance, avant d’être acquitté en 2006.
Et puis, il y a aussi des pages d’auditions des enfants victimes, essentiellement les deux filles ainées de Sandrine Lavier, dans lesquelles les fillettes ont raconté comment ça se passait à la maison. Elles ont décrit des fellations, des violences sexuelles et des maltraitances, déjà lors de l’instruction entre 2001 et 2004, puis lors des procès.
L’espoir d’une enquête complète
La procédure, dans le cas des viols dénoncés par C., ira-t-elle jusqu’au bout? Il est impossible de le dire. En tout cas, les Lavier recommencent avec leur refrain habituel: ils sont des victimes, sont innocents et ne demandent qu’à avoir la paix. Sandrine Lavier s’est fendue samedi 11 juin d’une sorte de « communiqué » sur sa page Facebook:
En clair, Sandrine Lavier ne cherche même pas à savoir si ce que sa fille dénonce est vrai ou pas. Elle défend directement son conjoint, contre sa fille, donc.
La justice marche sur des oeufs, semble-t-il: pas moins de trois juges ont été nommés pour travailler sur ce dossier.
« Des précautions ont aussi été prises concernant les experts désignés pour évaluer Carla et son père. « Ils seront tous extérieurs à la cour d’appel »« , explique Le Parisien.
Ceux qui connaissent bien le dossier ont toujours su que l’affaire d’Outreau n’était pas close, qu’on entendrait à nouveau parler des acquittés, des victimes, celles qui ont été reconnues par la justice comme celles qui sont passées à la trappe. Aujourd’hui encore, on découvre de nouvelles victimes qui ont fréquenté certains protagonistes de l’affaire, et peuvent être toujours sous la coupe du réseau ou d’une de ses branches.
On sait que les protections, pour certains de ces protagonistes, étaient déjà en place avant l’affaire d’Outreau en elle-même, on sait que les déclarations détaillées des enfants décrivaient en fait un fonctionnement en réseau, avec de l’argent et des vidéos échangés, des viols contre rémunération des parents. D’ailleurs, c’est bien pour des faits de proxénétisme sur leurs enfants que le couple Badaoui-Delay a été condamné. Il ne reste plus qu’à trouver les clients, ceux qui payaient, et qu’on n’a jamais retrouvés.
Dans le cas de la jeune C., on ne peut qu’espérer une enquête complète, des auditions des frères et soeurs, notamment A., qui a toujours dénoncé le comportement de ses parents. Des auditions des voisins aussi, comme celles qui avaient évoqué devant la police le jour où Lavier a baissé son pantalon devant A. en lui disant « suce moi la bite » ou déclarant « vivement qu’elle ait du poil, que je l’encule ».
Cette charmante vie de famille est à l’opposé de ce qu’a décrit le couple Lavier dans les médias complaisants. Un récit quasi idyllique qui n’est qu’une mascarade pour journalistes crédules ou de partis pris, une mise en scène qui n’a rien à voir avec ce qui a été dit lors de l’affaire des maltraitances, ou par les enfants lors de leurs auditions.
Devrons nous encore une fois se satisfaire de la version des Lavier, faute de preuves matérielles, ces preuves qui n’existent généralement pas dans ces affaires de violences sexuelles?
[1] Devant la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, Me Roy-Nansion avait précisé qu’elle avait cherché à savoir où était la vérité dans les propos de son client, qui avait tendance à se rétracter après avoir dénoncé certains des accusés: « Je ne suis pas restée les bras croisés à écouter David Delplanque revenir sur ses explications. Je vous demande de me croire : une fois, j’ai pris David Delplanque entre quatre z’yeux et je lui ai dit : « Mais enfin, qu’est-ce que vous faites ? Je ne comprends plus ! S’ils sont coupables, dites-le, mais s’ils sont innocents, je vous en supplie, dites-le aussi ! » (…) Les yeux sur ses chaussures, il me disait : « Je vous l’ai dit, il y était ». Quand je me fâchais, il m’envoyait balader : « Puisque je vous le dis, qu’il y était, enfin, foutez-moi la paix ». »
[2] Cette fois, ni Berton ni Dupond ne se sont manifestés pour défendre Lavier, qui a probablement du dépenser tout l’argent de sa cagnotte d’acquitté dans la rémunération de ses avocats.