Un Français de 71 ans est soupçonné d’avoir commandé sur Internet puis acheté et visionné en direct des vidéos de viols d’enfants philippins. En tout, la France serait concernée à ce stade par 6 à 7 cas. Un phénomène émergent jugé inquiétant.
Derrière son ordinateur, à Grenoble, Alain M., 71 ans, est soupçonné d’avoir commandé contre rémunération le viol de jeunes enfants à des milliers de kilomètres de chez lui, aux Philippines. Le septuagénaire a été mis en examen en octobre pour « complicité de viols sur mineurs avec actes de torture et de barbarie, association de malfaiteurs et détention d’images pédopornographiques ». L’homme nie les faits qui sont pourtant accablants. Le retraité, actuellement en prison, avait déjà été condamné par le tribunal correctionnel de Valence, pour « détention d’images pédopornographiques« .
Ces réseaux qui organisent localement des agressions sexuelles et viols d’enfants visionnés à distance par des Occidentaux inquiètent les services de police. Interview de Philippe Guichard, patron de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), à l’origine de cette arrestation.
Est-on face à un cas isolé ou à un nouveau phénomène?
Philippe Guichard: En tout, nous avons eu à traiter 6 à 7 cas de cette nature. Nous sommes confrontés à relativement peu de faits similaires en France mais c’est un phénomène émergent et inquiétant. En Europe, ce sont essentiellement le Royaume-Uni ou les Pays-Bas qui sont touchés.
En quoi consiste ce phénomène qui repose sur le « live streaming »?
Les individus concernés achètent depuis la France des agressions sexuelles ou des viols de mineurs étrangers en bas âge, que ce soit des garçons ou des filles, qu’ils regardent ensuite en direct. Ils dictent même des scénarios abominables. Les victimes habitent dans les pays émergents, notamment aux Philippines comme dans l’affaire d’Alain M.
Quel est le profil des agresseurs que vous avez interpellés?
Certains ont 20-25 ans, d’autres sont septuagénaires. Il n’y a pas de profil type, ils sont de tous milieux et origines. La première affaire que nous avons traitée concernait par exemple un pilote d’avion. Souvent, ce sont des pédophiles avérés ou récidivistes qui ont une attirance pour les enfants, notamment pré-pubères.
La plupart du temps, quand ils sont interpellés, un certain nombre d’éléments probants sont découverts à leur domicile qui ne laissent aucun doute sur leurs penchants pédophiles. Leurs ordinateurs et disques-durs contiennent de nombreux films et photos pédophiles. Beaucoup sont collectionneurs, ils aiment ensuite échanger leurs fichiers avec d’autres.
Comment êtes-vous remontés jusqu’à eux?
Ces affaires sont liées à des informations provenant d’agences étrangères, comme les Etats-Unis. En démantelant un réseau, nos partenaires tombent sur des listings de clients parmi lesquels figurent parfois des Français. La pédophilie n’a pas de frontières. La coopération internationale sur ces dossiers non plus. Nous travaillons étroitement avec les pays européens comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les Pays-Bas mais aussi les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie.
Quelles difficultés vous posent ces nouveaux cas?
L’infraction n’est pas toujours évidente à caractériser car les faits se passent en direct. Toutefois, certains conservent quand même des traces des séquences qu’ils enregistrent totalement ou en partie. Dans le cas de vidéos visionnées en live, par exemple sur Skype, sans trace conservée, il est quand même possible de remonter jusqu’à des échanges financiers.
Les « demandeurs » paient entre 25 et 50 dollars en moyenne. Ils envoient l’argent, souvent via Western Union, avec qui nous avons établi un partenariat pour réussir à les débusquer. L’évolution des nouvelles technologies permet aux pédophiles d’avoir plus facilement accès à de nombreux contenus via le net ou le dark net. En face, on doit donc constamment évoluer, imaginer par quels moyens ils peuvent agir et essayer de palier toutes les nouvelles formes de communauté.