(Le monde) Aux Pays-Bas, la police débordée par les « chasseurs de pédophiles »

A Arnhem, un homme est mort après avoir été piégé par des « pedojagers », qui créent des faux profils de mineurs sur Internet pour attirer leurs cibles. Le phénomène est apparu après la diffusion d’une émission de télévision, il y a quelques mois.

LETTRE DU BENELUX

Fin octobre, à Arnhem, dans l’est des Pays-Bas. Un homme de 73 ans est agressé par plusieurs jeunes – dont un mineur. Il chute de son vélo et meurt quelques heures plus tard. L’instruction est toujours en cours mais il semble bien que cet enseignant retraité ait été la première victime recensée des « pedojagers », les « chasseurs de pédophiles ».

Le phénomène est apparu il y a quelques mois dans plusieurs régions du pays. Après une émission de télévision consacrée à la pédophilie, des hommes vêtus de blousons siglés, généralement masqués, sont apparus dans les médias. Certains, témoignant à visage découvert, ont expliqué qu’ils voulaient pousser le monde politique, la police et la justice à agir contre des individus bénéficiant, selon eux, de l’impunité.

Le retraité d’Arnhem a été pris, semble-t-il, au piège que tendent habituellement les membres de ces groupes à l’allure de milices : utilisant un faux profil, celui d’une jeune fille ou d’un jeune garçon proposant un rapport sexuel avec un adulte, ils appâtent des hommes auxquels ils vont ensuite proposer un rendez-vous. La forme moderne d’une technique utilisée naguère aux Etats-Unis pour une célèbre émission, « To Catch a Predator » (2004-2007).

Même si l’avocat de ceux qui ont agressé le vieux professeur affirme que ces jeunes n’avaient rien à voir avec des « chasseurs » et ne voulaient aucunement le tuer, il concède qu’ils ont sans doute été influencés par une actualité qui faisait largement écho aux actions des « pedojagers ».

« Nous les détruisons mentalement »

En octobre, à Arnhem toujours, un homme qui attendait un rendez-vous avec une prétendue adolescente avait été roué de coups par cinq personnes recrutées par WhatsApp. Sur Facebook et Instagram aussi, des comptes « antipédophilie » regroupent des milliers de suiveurs (15 000 pour l’un d’eux, 40 000 pour un autre) qui louent l’action de ces « combattants ». Souvent filmées, les interventions de ces groupes sont rapidement mises en ligne pour détruire les réputations. La cible se voit d’ailleurs généralement promettre de devenir un « Néerlandais célèbre ».

A Deventer, un homme censé attendre un rendez-vous avec une jeune fille est parvenu à s’échapper avant d’être cerné. En quelques secondes, tous les renseignements le concernant – signalement, adresse, marque de sa voiture – ont été diffusés sur Facebook. Une foule s’est rapidement massée devant son domicile. Arrêté et relâché le lendemain, il n’a pas réintégré son logement et, entre-temps, sa femme s’est vue promettre de ne plus pouvoir sortir dans la rue, tandis que sa maison serait réduite en cendres.

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Source :
https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/30/aux-pays-bas-la-police-debordee-par-les-chasseurs-de-pedophiles_6064774_3210.html, Photo : Hommage à un homme de 73 ans mort de ses blessures après avoir été agressé par plusieurs jeunes, le 7 novembre, à Arnhem (Pays-Bas).

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