C’est en visioconférence depuis le centre pénitentiaire où il est incarcéré que Wilfrid Guillaume s’est présenté devant le tribunal de Chartres pour répondre de propositions sexuelles faites à un mineur, diffusion de messages pornographiques à un mineur et diffusion de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique en utilisant un réseau de communication électronique.
Le réseau en question peut aussi bien être Facebook que Snapchat, dont le prévenu use et abuse entre juillet et novembre 2020, puis en avril et mai 2021.
Des échanges « du matin au soir »
D’après le dossier, il envoie une centaine de messages à au moins deux destinataires, qui se présentent explicitement comme des mineures de 13 et 14 ans. Dans ces échanges, précise la présidente, le prévenu évoque des actes sexuels et fait des propositions dans un langage très cru et sans équivoque, dont la juge fait lecture à l’audience. Il leur envoie aussi des photos de son sexe, ainsi que de jeunes femmes dénudées.
En réalité, ces jeunes filles n’existent pas. Ce sont des profils virtuels, créés par des activistes qui traquent les pédocriminels sur internet. Un membre de la Team Moore (voir encadré) a dénoncé les agissements présumés de Wilfrid Guillaume au procureur de la République de Chartres, déclenchant l’ouverture d’une enquête.
Quelques semaines plus tard, une femme, appartenant à un autre groupe d’activistes, la Team Eunomie, a transmis un dossier sur le prévenu au commissariat d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Pour le procureur, le prévenu « a mordu à l’hameçon de deux associations, en quelques jours. Quelle est la probabilité pour que cela arrive ? ». À l’audience devant le tribunal de Chartres, les deux dossiers ont été joints.
L’alcool comme axe de défense
Lors de ses auditions en garde à vue, le prévenu a reconnu. À l’audience, il nuance : « J’ai dit ce qu’il fallait dire pour sortir de garde à vue. Je n’arrive pas à expliquer comment j’ai pu faire ça. C’est un trou noir. »
Un trou noir que la défense explique par une dépendance à l’alcool : « En 2020, le Covid l’empêche de travailler. Il reste seul chez lui à boire. Il entre dans un monde virtuel, dont l’alcool est la clé. » Son avocat poursuit avec un dramatique épisode de l’adolescence du prévenu : « Il a ses vieux démons, mais il est soutenu par sa famille. Elle atteste que sobre, il n’aurait jamais pu faire ça. »
Depuis le centre de détention, Wilfrid Guillaume ajoute : « J’ai beaucoup de choses dans ma tête et je n’arrive pas à évacuer. » La rupture intervient lorsque l’une des assesseurs lui demande : « Quel âge ont vos filles, Monsieur ? » Le prévenu éclate en sanglots, avant de répondre, en hoquetant.
La juge poursuit : « Derrière ces profils, il pourrait y avoir vos filles, des gamines. Vous parlez de vous, mais avez-vous conscience de l’effet que cela peut avoir sur les victimes ? » Le prévenu assure : « Je n’irai plus sur les réseaux sociaux. Je vais arrêter l’alcool et recommencer à travailler. »
Au fichier des auteurs d’infractions sexuelles
Le procureur pointe un détail du dossier : « Sa compagne avait vu qu’il se passait quelque chose et lui avait proposé de se faire suivre. Si on ne veut pas soi-même s’en sortir, personne ne le peut. » Il réclame 36 mois de prison, dont 18 avec sursis probatoire.
Wilfrid Guillaume est finalement condamné à 36 mois de prison, dont 24 avec sursis probatoire, avec une obligation de soins et de travail. Le tribunal a ordonné son maintien en détention. Il est inscrit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (Fijais) pour une durée de vingt ans.
Qui sont les activistes qui traquent les pédocriminels ?
La Team Moore se présente comme « un collectif citoyen international qui lutte contre la pédocriminalité sur internet […] afin de compromettre numériquement des pédocriminels pour les remettre à la justice ». Ces activistes créent de faux profils de mineurs afin de les piéger et les dénoncer. La Team Moore revendique une quinzaine de condamnations et réclame de pouvoir collaborer avec les autorités.
La Team Eunomie est une association fondée en 2019, par des citoyens bénévoles, « suite à l’appel du mouvement (R)Évolution de la Team Moore ». Elle revendique une centaine de dossiers envoyés « dont au moins la moitié est entre les mains des forces de l’ordre ».