Que s’est-il passé dans les orphelinats du Pays de Galles, et ailleurs en Angleterre? Depuis que le scandale Jimmy Savile a explosé, on dirait que la parole se libère. Des hommes politiques anciens et encore en vue sont cités, on parle de protections, et on revient sur certaines affaires un peu trop vite enterrées.
Comme celle des orphelinats du pays de Galles, qui a défrayé les chroniques dans les années 90. Les choses sont graves, et en Angleterre comme en France, on commence à parler de « pédophilie institutionnelle » [1].
Reprenons.
Il a fallu trois ans d’investigations et 13 millions de livres de dépensées pour finir par conclure que tout compte fait, il ne s’est rien passé ou presque dans les orphelinats.
Les recherches portaient sur de nombreuses allégations d’abus sexuels et de violences commis dans deux comtés du nord du Pays de Galles, presque toujours sur des garçons. L’orphelinat de Bryn Estyn à Wrexham, figurait parmi les hauts lieux de sévices entre 1974 et sa fermeture en 1984. D’ailleurs, Jimmy Savile y avait ses petites habitudes, selon plusieurs victimes.
Pendant toutes ces années, les dénonciations n’ont jamais cessé, presque toujours [2] enterrées par les personnes impliquée et leurs amis
Au milieu des années 80, une certaine Alison Taylor, éducatrice dans un de ces orphelinats, commence à entendre un certains nombre de témoignages, tous similaires, évoquant des abus sexuels dans différents foyers. Elle se rend compte que plusieurs rapports ont été rédigés par des travailleurs sociaux, mais qu’aucune procédure disciplinaire n’a jamais suivi.
Taylor saisit donc sa hiérarchie au sujet de six enfants dont les cas sont bien documentés, mais ô surprise ! C’est elle qui a des ennuis. Et rien ne se passe, faut-il encore le préciser ?
En 1986, Alison Taylor raconte donc tout aux flics. Mais rien ne se passe, et Taylor est suspendue en 1987 au motif que la « communication est rompue » entre elle et ses collègues. En réalité, dès qu’elle signalait des maltraitances, cela se retournait contre elle [3].
Cependant, l’administration tente de lui faire signer plusieurs accords afin d’acheter son silence. Elle refuse et se fait aider par son syndicat pour obtenir des dédommagements, et un accord est finalement signé en 1989, s’accompagnant d’une clause de confidentialité.
En 1990, une enquête est ouverte par un inspecteur du coin, mais il a beaucoup de mal à avancer en raison d’une mauvaise volonté flagrante du personnel des foyers et orphelinats mis en cause. Finalement, ce flic ne trouve pas assez d’éléments pour gagner un procès et on ne va pas plus loin.
Pendant ce temps-là, Taylor continue sa campagne médiatique, frappant à la porte de tous les médias locaux et nationaux qui voulaient bien la laisser parler. Petit à petit, d’anciennes victimes entrent en contact avec elle, si bien qu’en 1991 elle publie un rapport reprenant une centaine de cas d’abus sexuels. Parmi ces 100 cas, 75 avaient déjà été soumis à la « police ». Quelques travailleurs sociaux du coin ont aussi été condamnés pour des abus sexuels, mais on n’a pas du tout approfondi les recherches.
Fin 1991, Dennis Parry, le chef du Conseil de Clwyd, contacte l’Independant on Sunday et déclare que l’ancien chef de Bryn Estyn, Peter Howarth, était un pédophile. Il parle aussi d’un flic récemment retraité comme complice du réseau qui opérait à partir de Bryn Estyn, et comme l’un de ceux qui ont permis de couvrir l’affaire.
Menée par Sir Waterhouse, un juge à la retraite, une enquête liée à ces accusations a été lancée en janvier 1997 et publiée en 2000, et tous les pervers savaient qu’ils pouvaient dormir tranquilles. Toutefois, 140 victimes ont reçu une compensation de l’Etat…
Cela va sans dire, le Franc Maçon Waterhouse n’a cessé de dénigrer Alison Taylor, l’épine dans le pied des puissants pédophiles locaux et même nationaux. Selon Waterhouse, sans Taylor il n’y aurait jamais eu d’enquête, et les choses auraient été bien mieux.
Dès le départ, les médias ont été menacés de poursuites s’ils sous entendaient que les abus sexuels dans les orphelinats étaient plus importants que ne le disait la commission.
Plus de 650 personnes ont été entendues, dont 250 victimes. Le rapport était prêt en mai 1998, mais il a fallu un an pour l’arranger. Au final, 700 accusations d’abus sexuels impliquant 170 personnes, dont plus de 80 étaient des employés des foyers ou des enseignants. Bizarrement, seules 25 personnes ont été arrêtées dans cette affaire. Et la majorité a été libérée sans aucune charge puisque les seul condamnés ont été Howarth. Et John Allen, l’ancien propriétaire de Bryn Estyn.
Publiée en 2000, l’enquête Waterhouse conclut qu’il n’y aucune preuve étayant des protections ou un système d’abus à grande échelle. Pour Waterhouse, tous ces cas d’abus sont isolés. Et bien sur, aucune personnalité n’est impliquée. Mais, on fait toute une série de « recommandations » qui ne seront que très peu suivies d’effet. Et Waterhouse a toujours dit que son travail avait été bien fait, ce qui aujourd’hui fait grincer beaucoup de dents. En fait, alors qu’on demandait à ce tribunal de dire ce qui n’avait pas fonctionné dans les homes du Pays de Galles, celui-ci s’est attaché à démonter les accusations des victimes.
Quant aux témoins, certains n’ont même pas été entendus, comme un ex patron de Bryn Estyn, Des Forest, qui a pourtant été parmi ceux qui ont dénoncé les faits en premier.
Entre 1990 et 1996, une dizaine d’enquêtes publiques sont menées sur ces foyers. Plusieurs rapports sont publiés, révélant des abus à grande échelle sur les petits pensionnaires des homes du Pays de Galles. L’une de ces enquêtes, publiée en 1993, reprend 2.600 témoignages, et 300 cas d’abus sont envoyés à la Justice. Et devinez combien de personnes ont été poursuivies et condamnées ? Sept. Dont trois éducateurs de Bryn Estyn. Et Peter Howarth, ex dirigeant de ce bordel pour pédos d’élite a ramassé 10 ans de prison en 1994. Il a eu de la chance, il est mort trois ans plus tard. Steven Norris, autre dirigeant de Bryn Estyn, a été condamné aussi pour les mêmes faits.
Si la commission Waterhouse a été aussi inepte, c’est parce que les Francs maçons ont aidé leurs congénères, d’après certaines affirmations. Certains parlent même de « massonic connection ». Dès la première audience de ce pseudo tribunal, le conseil de certaines victimes, Nick Booth, a demandé que le tribunal fasse une liste des francs-maçons qui le composent, mais aussi des francs-maçons présents parmi les avocats et les témoins. De fait, la franc maçonnerie est très pratique pour étouffer les affaires judiciaires, les accointances et intérêts particuliers primant systématiquement sur l’intérêt général. Booth expliquait « le devoir de loyauté d’un frère maçon et son devoir d’impartialité s’il est impliqué dans l’administration judiciaire, doivent être mis sur la place publique ».
Evidemment, Waterhouse a refusé de mettre en place cette transparence pourtant élémentaire dans un pays qui se veut un Etat de droit.
L’avocat Gerard Elias, mandaté par le parquet pour être conseiller du tribunal, est franc maçon [4] et membre d’une des loges les plus puissantes du Pays de Galles, Dinas Llandaf, composée de nombreux professionnels du droit et de membres du parti conservateur. De même que Waterhouse lui-même.
Jillings Report
Dans les années 90, certaines accusations portaient sur des flics qui avaient couvert le réseau pédophile opérant dans les orphelinats. On ordonne donc un nouveau rapport, et on mandate Jillings, ex directeur des services sociaux pour la mener. Mais, les membres de cette commission doivent faire face aux mêmes freins que lors des enquêtes précédentes :
– Les nouveaux flics du Pays de Galles refusent de les rencontrer. Si bien que des députés doivent réunir eux-mêmes les témoignages.
– 130 cartons de matériel ont été soustraits aux investigations
– Le conseil du Comté de Clywd n’a pas autorisé les enquêteurs à placer des encarts dans la presse afin de rechercher des informations.
Ce rapport, qui étudiait les abus dans les orphelinats de Clwyd, finit quand-même par conclure que des personnalités sont impliquées dans le scandale des abus sexuels, qui sont monnaie courante dans les orphelinats. Le rapport note aussi que les enfants qui se plaignent ne sont jamais crus, et sont même punis pour avoir fait de fausses allégations.
On ne sait pas non plus combien d’enfants ont été violés, mais on estime qu’ils sont plus de 200 au début des années 90.
Au moins une douzaine d’anciens résidents sont morts de causes non naturelles.
Comme les frères John, par exemple : en 1992, Adrian John, témoin clé dans l’affaire des abus sexuels commis à Bryn Estyn, meurt dans l’incendie très suspect de sa maison. Et comme par hasard, on s’est aperçu que son frère Lee a eu accès à des donnés montrant l’existence de transactions financières entre les dealers de la côte Sud et les personnes qui gèrent un réseau de pédopornographie et de pédocriminalité. Évidemment, Lee est mort lui aussi, en 1995.
Enfin, histoire de bien tourner la page, les employés impliqués ont été virés ou on les a laissés parti avant la publication du rapport.
Le rapport n’a pas été publié parce que, dit-on, l’assureur des comtés, Municipal Mutual Insurance, a dit que ça inciterait les victimes à demander des dommages et intérêts. Toutes les copies du rapport ont été détruites, et les exemplaires restants ont été envoyés au Children’s Commissionner for Wales, Keith Towler.
Au final, on doit constater l’écart flagrant entre le nombre de plaintes et le nombre de condamnations.
Abus à grande échelle
Une quarantaine de homes et orphelinats sont concernés par des cas d’abus sexuels, rien qu’au Pays de Galles.
Dans la communauté de Bryn Alys, c’est le propriétaire lui-même qui a été le pervers le plus assidu : John Ernest Allen, qui s’est trouvé sous le coup de 28 plaintes d’anciens pensionnaires, a été condamné à… six ans de prison, pour des viols sur six anciens pensionnaires. Avec les remises de peine, autant dire qu’il a vite pu recommencer ses horreurs.
Le député en chef des écoles de la communauté a été condamné quant à lui à six mois de prison pour des viols sur une adolescente de moins de 16 ans.
Richard Ernest Leake autre chef d’établissement (qui a fait fortune avec les orphelinats [5]), était aussi parti pour un ersatz de procès, suite à des viols commis entre 1972 et 1978. Pas moins de 16 anciens résidents l’ont accusé.
Quant aux victimes, elles parlent d’abus généralisés. Comme Keith Gregory, qui mentionne l’ancien dirigeant de Bryn Estyn, Peter Howarth, comme l’un des trois membres de ce home qui l’ont violé dans cet orphelinat. Entre temps, Howarth a été envoyé pour 10 ans en prison 1994, pour avoir violé des enfants, et il y est mort. Gregory a témoigné devant la commission Waterhouse, mais il dit qu’on ne l’a pas cru malgré les éléments donnés, tels que les noms des abuseurs qu’il avait reconnus.
Gregory dit que les enfants craignaient chaque nuit d’être embarqués dans un appartement de l’orphelinat pour y être violé par les membres du personnel et/ou par des visiteurs. Gregory a d’ailleurs croisé Jimmy Savile, à Bryn Estyn, ainsi que son frère Johnny. Certains enfants, comme Steven Messham (qui préside l’association de victimes des orphelinats[6]) étaient emmenés dans des hôtels où ils étaient prostitués et violés par des groupes de personnes. Messham, lui, dot avoir subi des viols dans quatre orphelinats différents du Pays de Galles.
D’autres victimes ont nommé un ancien député Conservateur, Sir Peter Morrison, mort en 1995. Il y avait, comme à Haut de la garenne, l’orphelinat de Jersey, un sous sol dans lequel avaient lieu les partouzes. A Bryn Estyn, des enfants étaient probablement drogués avant les viols. Certains enfants, dont les parents étaient morts dans « d’horribles circonstances », étaient pris pour cible davantage après le décès de leurs parents. Et certains gamins jetés dehors à leur majorité, sans argent, n’ont rien eu d’autre à faire que de continuer sur la même voie en se prostituant à Londres ou Manchester.
Plusieurs victimes ont aussi désigné un certain Gordon Anglesea, surintendant de police, comme l’un des abuseurs de Bryn Estyn. Lui aussi, accessoirement, était franc maçon, de la loge Berwyn à Wrexham, depuis 1982, puis à la loge Pegasus. Et il semble bien qu’Anglesea était loin d’être le seul impliqué dans ce réseau pédophile opérant dans les orphelinats.
A l’époque des « investigations » de la commission Waterhouse, les victimes n’ont pas été autorisés par les flics à nommer ces visiteurs ni aucune personnalité publique impliquée. Et les accusations de Messham ont été jugées « inconsistantes ».
Parmi ces visiteurs, les journalistes de Scallywag ont identifié Derek Laud, un lobbyiste très proche du parti conservateur dont il est membre [7], qui donne aussi dans la charité et a été décrit comme un sadique par ses victimes. Laud tient une boite de communication, Ludgate Communications, qui fournissait de jeunes garçons pris dans des orphelinats aux élus conservateurs. L’appartement de Laud à Pimlinco était un lieu d’orgies sexuelles pédophiles, où une victime a déclaré avoir vu un certain Lord McAlpine, dont on va reparler plus bas.
Enfin, la liste des pédophiles membres de la classe politique anglaise est longue et a tendance à se rallonger.
Et en 2012, on repart pour un tour
Tout avait donc été fait pour enterrer l’affaire, et pour éviter qu’on inquiète ces élites pédophiles et cocaïnées qui dirigent le pays.
Oui mais voilà : en novembre 2012, suite au scandale Savile et aux nombreuses accusations connexes visant la classe politique, le 1er ministre David Cameron n’avait d’autre choix que de rouvrir ce dossier. Il a dit que toutes les victimes devaient aller signaler les faits à la police, comme si cela n’avait déjà été fait ! On va aussi nommer une personnalité indépendante, du moins on espère qu’elle le sera davantage que Waterhouse, afin de voir ce qui a été couvert dans les années 90.
Et surtout, pour savoir ce qu’il a pu se passer à l’extérieur des homes. Une des victimes, Steven Messham, s’étonne : « je ne comprends pas pourquoi on a fait une enquête si c’est pour laisser de côté 30% des abuseurs, et basiquement ce qu’on m’a dit de faire. On m’a dit que je ne pouvais pas donner de détails sur ces gens, que je ne pouvais pas els citer, et ils ne m’ont pas questionné à leur sujet ». Messham n’a eu aucune explication. On lui a seulement dit de ne pas les mentionner. Surtout, Messham avait une série de photos prises lors des viols, des photos qu’il a volées dans l’appartement d’un des pédophiles et qu’il a données à la police car tout le monde était parfaitement identifiable. Devinez ce qu’il s’est passé ensuite ? Rien. Les flics ont dit que les abuseurs n’étaient pas identifiables…
Depuis qu’il a commencé à parler publiquement, des dizaines d’autres victimes ont contacté les flics.
Keith Gregory, conseiller à Wrexham, a dit à la BBC qu’il avait été violé à Bryn Estyn dans les années 70, par des membres du personnel et des personnalités locales. Il dit qu’il a été choqué de constater que la commission Waterhouse « n’a pas enquêté sur les accusations d’enfants qui avaient été emmenés hors des orphelinats ». Mais toutes ces fautes de la commission Waterhouse, on les connaissait déjà en 2005.
Et on risque bien d’y revenir : une ancienne chef du personnel de comté de Clwyd, qui a suivi toute l’affaire depuis le début, Sian Griffiths, a gardé tous les témoignages des victimes et toutes les preuves qui ont été examinées par différentes commissions avant de passer à la trappe.
Elle dit que certains protagonistes sont toujours vivants, et que pour faire en sorte qu’on ne trouve pas assez de preuves d’abus sexuels, par exemple contre un certain Thomas Kenyon, fils de député, eh bien la police a tout simplement fait disparaître certains éléments.
De fait, environ la moitié des personnes citées par les victimes n’ont jamais été inquiétées.
Mme Justice Macur a donc été chargée par Cameron de vérifier si des fautes n’auraient pas été commises par la commission Waterhouse.
Mais, aujourd’hui, rien n’a changé. Les flics censés enquêter sur le réseau pédophile gouvernemental, puisqu’il s’agit de cela, se sont déjà entendus dire qu’ils feraient mieux de ne pas chercher s’ils veulent garder leur job.
Et les Lords, comme un certain Lord Peers, par exemple, sont déjà pressés qu’on en finisse avec cette affaire. Au motif que d’innocentes personnalités seraient mises en cause injustement de même que des institutions évidemment irréprochables.
Si on les écoute, toutes ces accusations ne sont que des « théories du complot » voir même une « chasse aux sorcières »… Mais ces théories ont la dent dure, pour revenir à la surface à chaque décennie.
Savile connection
Et les délires de Savile, ont-ils été couverts eux aussi ? Il semble bien. Les flics du Yorkshire, par exemple, ont déclaré officiellement qu’il était « impossible » qu’ils ne sachent pas ce qu’avait pu faire Savile, impliquant que Savile n’avait donc certainement rien fait.
Pas de chance, les journaux ont mené leur propre enquête, et ont découvert que les flics savaient très bien que Savile violait des gamines. D’ailleurs, son émission TV lui permettait un accès privilégie à des gamines de l’âge qu’il recherchait… Les flics ont même mené l’enquête à ce sujet en 2003. Mollement, certes, mais ils étaient au courant. Et ils savaient même que le pied à terre de Savile à Glencoe[8] était une scène de crime.
On peut s’étonner de ce manque de zèle, d’autant que l’affaire faisait jaser dans les chaumières. Finalement, les flics ont conclu que Savile n’avait pas de « connexion locale ». Mais, pas de chance, en octobre 2012, deux victimes parlent de viols commis par Savile dans la région de Scarborough à la fin des années 60 et à la fin des années 80.
Les médias ont aussi révélé la proximité de Savile avec quelques flics, dans « le Club ». C’est ainsi que s’appelait la bande de Savile à l’époque… Certains flics du Yorkshire, apparemment, lui servaient de gardes du corps (alors que c’est évidemment interdit par le règlement).
Et Savile était également un grand ami d’Israël (il a reçu une médaille pour services rendus), très proche du prince Charles [9] et habitué de la cour (d’ailleurs il a été anobli)… Savile aurait même conseillé Charles lors de son mariage avec Diana, ou quand il s’est agi de nommer un collaborateur proche [10]. Enfin, Savile était appointé pour organiser les fêtes royales… Et quand il se baladait au palais, son comportement graveleux était le même qu’à la BBC, d’après un membre du staff royal. Savile était également proche du prince Philippe, le père de Charles.
Apparemment, c’est lord Mountbatten qui a introduit Savile à la cour en 1966. D’ailleurs, Mountbatten mérite une petite parenthèse : c’est un pédophile notoire qui a sévi notamment au Kincora Boys Home de Belfast, dans les années 70 et 80, comme plein d’autres sommités de l’époque d’ailleurs. On lui prête également une relation homosexuelle avec le roi Edouard VII.
De là à dire que Savile fournissait la cour en enfants, pour les orgies pédo satanistes tant en vogue dans une certaine catégorie de population, il n’y a qu’un pas, allègrement franchi par certains.
Un journaliste a même identifié huit lieux à Scarborough et un à Whitby, comme étant associés au réseau pédophile de Savile, composé de personnes d’influence, et qui a sévi durant plus de quarante ans. Huit lieux, dont quatre étaient soi-disant inconnus de la police.
Savile, par ses œuvres de charité, pouvait rapporter des millions de livres à des institutions comme des hôpitaux ou des pensionnats. Et en échange, ceux-ci lui fournissaient une réserve sans fin de victimes pour ses partouzes pédophiles. Et puis, Savile avait le droit de se balader où et quand il le voulait dans ces établissements, puisqu’il en possédait les clés.
Enfin, on a déjà évoqué la relation pour le moins amicale entre Savile et le tueur en série Peter Sutcliffe, qui était justement enfermé dans un hôpital de haute sécurité dont Savile détenait toutes les clés. Durant ses auditions, Sutcliffe a cité Savile plusieurs fois.
Il se trouve que les investigations de la police ont montré que deux des victimes de Sutcliffe ont été retrouvées à proximité de la maison de Savile à Leeds.
Il ne faut pas croire que l’ère Savile est révolue. Aujourd’hui encore, des témoins parlent d’abus sexuels commis par les « élites » politiques du pays, mais aussi des juges et des politiciens européens. Et il semblerait même que des enfants soient amenés par avion depuis différents endroits d’Europe, pour servir de chair fraîches lors des orgies de la bonne société anglaise [11]. Faut-il préciser que le témoin qui a évoqué cela a disparu de la circulation ?
L’ère Savile n’est pas révolue, c’est une évidence. La BBC qui doit mener une enquête sur le scandale de son ancienne star, a déjà annoncé que ses résultats resteront secrets. Bien que la chaîne ait promis d’agir en toute transparence. Et bien que l’enquête en question ait déjà coûté au moins 200.000£ aux contribuables anglais, pour une vingtaine d’auditions de témoins, et une enquête réduite à sa portion congrue.
D’après d’autres témoins, ces messieurs étaient transportés hors de Londres par avion, grâce à la Royal Air Force.
Un autre encore déclare que des hommes riches venus de Belgique étaient également présents aux partouzes.
Lord McAlpine
Pas de bon scandale de pédophilie sans des accusés qui montent sur leurs grands chevaux, drapés dans leur vertu mitée.
Parmi la clique de pédophiles mentionnés dans les diverses investigations, un certain Lord McAlpine (ex trésorier du parti conservateur et gros pourvoyeur de fonds sous Thatcher), plus ou moins disculpé par une victime du foyer de Bryn Estyn qui dit qu’il ne « pense pas » que Mc Alpine comptait parmi les violeurs des orphelinats. Mais c’est bien la police qui a glissé son nom dans le dossier et aux médias…
Une autre victime de Bryn Estyn, Steven Messham, a déclaré que McAlpine n’est pas l’un de ses abuseurs. Mais il a aussi dit que la personne connue qui l’a violé en lui donnant son identité a bien expliqué aussi qu’il serait liquidé s’il parlait. Messham a donc déclaré, et déjà en 1997 lors de la commission Waterhouse, que le violeur en question était bien de la famille de McAlpine, mais qu’il est mort, ce qui n’est pas le cas de McAlpine.
McAlpine vient de passer un accord avec la chaine ITV, qui lui a versé 125.000£ de dommages et intérêts avant tout procès, car avait évoqué ses connexions pédophiles. Et voilà qu’il recommence à demander 185.000£ dommages et intérêts à la BBC, et menace de poursuites tous ceux qui évoqueraient cette affaire. Alors qu’il n’a jamais été nommé publiquement par Messham. Il poursuit aussi 10.000 personnes qui ont propagé l’info via Tweeter. Et précisons au passage, il n’a pas poursuivi le magazine Scallywag qui a détaillé ses penchants pédophiles dans les années 90. Il n’a pas non plus poursuivi David Icke, qui a mentionné les mêmes faits en 1999 dans son livre The Biggest Secret [12].
Sauf que l’histoire de cette mise en cause de McAlpine sent le coup monté à plein nez. En effet, rien de tel que d’impliquer quelqu’un qu’on va innocenter facilement, pour jeter le bébé avec l’eau du bain et conclure qu’en réalité, tous les notables sont innocents. En l’occurrence, Messham avait reconnu McAlpine en 1990 parce que les flics lui ont présenté une photo de son abuseur en lui disant qu’il s’agissait d’une photo de McAlpine. Cette fois-ci, on lui aurait montré un autre Lord McAlpine, et Messham a conclu que ce n’était pas le violeur. Les regards se sont alors tournés vers cousin McAlpine mort en 1991, Jimmy, qui vivait à côté de Bryn Estyn.
De ce fait, certains s’interrogent : ne serait-ce pas un coup du MI6 ?
On risque de ne jamais le savoir, car les photos Polaroïd détenues par Messham et montrant certains des violeurs en pleine action ont été détruites.
Et puis il y a ce livre écrit par McAlpine, dans lequel il parle précisément d’une stratégie similaire, « Le Nouveau Machiavel : l’art de la politique dans le business ». Il y a explique par exemple comment revenir sur le devant de la scène, notamment en suscitant de fausses accusations contre soi, et démontrer ensuite que c’est faux, en se faisant passer pour une pauvre victime.
Cela a aussi l’avantage de détourner l’opinion publique des victimes réelles, pour la focaliser sur un débat au niveau de la forme et pas du fond. Et ceux qui sont censés avoir porté les accusations sont discrédités, en l’occurrence ce pauvre Messham, qui n’a pourtant jamais dénoncé publiquement Lord McAlpine. Ensuite, toutes les accusations qui seront portées contre cette personne seront prises avec énormément de précautions. Et puis, être attaqué injustement ne peut qu’attirer la sympathie de l’opinion publique.
Pour autant, il ne faudrait pas blanchir Lord McAlpine trop rapidement. En mai 2003 un quotidien londonien a écrit qu’il était ce « collectionneur anonyme et bien connu » de photographies érotiques, dont certaines représentent des gamines prépubères. Et McAlpine s’est empressé d’enlever cette information de sa page Wikipedia. Tout cela pour finir par admettre que c’était bien lui le vendeur de ces trois cent et quelques photos érotiques.
Le magazine Scallywag qui a écrit un long article (« Lord McAlpine and the paedophile ring », Lors McAlpine et le réseau pédophile) sur les perversions de McAlpine s’est basé sur les témoignages de trois de ses victimes, des garçons, qui l’avaient désigné nommément. Depuis, deux d’entre eux sont morts dans des circonstances étranges. Apparemment, 17 autres témoignages existent, impliquant ledit McAlpine. Et bien que le MI5 était parfaitement au courant, le Lord n’a jamais été arrêté ni interrogé à ce sujet.
Enfin, McAlpine a été dénoncé par Andrea Davison, une espionne qui était chargée de démasquer les pédophiles dans la police et la Justice, de même qu’un autre conservateur, un certain Derek Laud. Les deux étaient de grands amis de Thatcher, comme l’était d’ailleurs Savile, qui se vantait d’avoir passé une dizaine de réveillons avec elle.
Une autre éminente personnalité qui est enfin inquiétée (mais qui est mort depuis déjà un moment évidemment) est Sir Cyril Smith, un autre politicien conservateur. Il aurait déjà du comparaitre au moins trois fois devant la Justice, mais devinez quoi ? La Justice, qui a eu connaissance de ces affaires, l’a laissé tranquille. Trois dossiers différents ont ainsi été enterrés.
Il aura donc fallu quarante ans pour admettre l’évidence, comme ce fut le cas pour Savile, qui a lui aussi trépassé avant qu’on ne commence à lui chercher des poux.
Il faut dire qu’un autre Sir, directeur des poursuites publiques dans les années 70, Norman Skelton, a décrédibilisé les petites victimes, considérant qu’elles étaient « suspectes ». Et hop, un étouffement de plus. Et aujourd’hui, que dit la police ? Qu’elle est certaine que Smith a abusé de jeunes garçons.
Il serait difficile de faire autrement, puisque des victimes de Smith commencent à parler publiquement.
Dès les années 70, le MI5 avait des dossiers sur Smith, mais ils n’ont jamais été transférés à la Justice. Un petit magazine avait bien publié l’affaire, de même que Scallywag, mais elle est passée totalement inaperçue parce qu’aucun grand média commercial n’a embrayé.
Smith a immédiatement menacé de poursuites ces journaux, de même que ceux qui seraient tentés de répercuter l’info. Personne n’a jamais été envoyé au tribunal, mais cela a suffi à calmer les velléités journalistiques.
Pourtant, les accusations étaient circonstanciées. Un témoin dit que Smith l’a violé après 1974 dans un hôtel de Rochdale, la ville dont il a été conseiller, d’autres parlent de faits survenus dans les années 80 et 90, et la police a mené des recherches concernant des accusations portant sur des faits antérieurs à 1974.
Un réseau de compromission ?
Andrea Davison, une ancienne espionne qui a travaillé sur les ventes d’armes illégales opérées par le parti conservateur au Moyen Orient, a aussi été pensionnaire à la Duncroft Approved School, pour les jeunes filles jugées « difficiles », cette école qui est dans le collimateur pour avoir aidé Savile à trouver des fillettes dans l’établissement.
De fait, plusieurs anciennes victimes qui résidaient dans ce pensionnat ont parlé de viols commis par Savile. Et c’est là qu’elle a trouvé son premier réseau pédophile.
Inutile de préciser qu’on a tout fait pour envoyer Davison en prison, avec une arrestation en 2010 et un procès inéquitable. D’autres témoins ont eu moins de chance, comme Malcolm King, décédé dans un accident de voiture assez étrange juste quand le scandale Savile a redémarré. King avait dénoncé les abus sexuels commis au Pays de Galles, et selon les éléments objectifs, sa voiture a été sabotée.
Dans les années 90, Davison a du travailler à dévoiler le même réseau pédophile. Et aujourd’hui, une des personnes qu’elle avait impliquées, Kenneth Clarke, est ministre de la justice et la menace d’un procès. Et Davison sait tout sur l’implication de Clarke dans l’étouffement de l’affaire du réseau pédophile d’élite qui sévissait au pays de Galles. Du coup, Davison a cherché l’aide d’un gouvernement étranger, si possible non « ami » de la Grande Bretagne où elle est désormais carbonisée.
Dans les années 90, Davison a mis en évidence l’existence d’un réseau pédophile au Pays de Galles et la Duncroft Approved School. Évidemment, il ne s’est rien passé depuis. Quand elle a compris qu’on l’avait manipulée pour étouffer l’affaire, Davison a demandé l’asile en Argentine, en 2012.
Mais elle a écrit une lettre au 1er ministre Cameron, pour l’informer de la couverture et du réseau pédophile par les services secrets britanniques, qui sont également impliqués dans son organisation.
On sait par exemple que le MI5 a couvert les accusations contre Cyril Smith, ex député qui a aussi dirigé un foyer du pays de Galles, et a bien sûr été désigné comme violeur d’enfants par plusieurs victimes. Ca ne mange pas d’en parler : Smith est mort en 2010.
Dans les années 90, elle a aidé un journaliste du magazine Scallywag [13] à publier sur cette affaire. C’est là que McAlpine a été cité, de même que des flics du coin, comme Stephen Winnard, qui l’a arrêtée en 2010.
On sait aussi que le MI5 filmait les viols d’enfants au Kincora Boy Home de Belfast, où Savile avait ses habitudes, et où des abus sexuels ont été commis pendant plus de vingt ans.
Il se passait la même chose au Pays de Galles : dans les années 90, il était connu que le MI5 emmenait des diplomates étrangers dans les orphelinats du Pays de Galles, et qu’il filmait les partouzes –qui s’accompagnaient aussi de tortures, parfois jusqu’au meurtre- à l’insu des pédos. Une bonne vieille méthode, qui a fait ses preuves. Et cela, c’est Andrea Davison qui a permis de le faire savoir.
En 1992, Adrian John, témoin clé dans l’affaire des abus sexuels commis à Bryn Estyn, meurt dans l’incendie très suspect de sa maison. Et comme par hasard, on s’est aperçu que son frère Lee a eu accès à des donnés montrant l’existence de transactions financières entre les dealers de la côte Sud et les personnes qui gèrent un réseau de pédopornographie et de pédocriminalité. Evidemment, Lee est mort lui aussi, en 1995.
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Bref, le phénomène est inquiétant et semble avoir pris des proportions dantesques en quelques dizaines d’années. Certains politiques et autres notables sont déjà tombés par-ci par-là pour pédophilie, mais ils ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Ne soyons pas naïfs, la même chose se produit en France à l’heure où nous parlons, et c’est pareil en Belgique, aux Pays Bas, en Italie, en Allemagne et ailleurs.
Comment faire pour arrêter cela ? Déjà il ne faut pas compter sur des révélations et des enquêtes qui vont au fond des choses. C’est ce qu’il s’est toujours produit jusqu’à présent, et c’est pour cela que toutes ces horreurs continuent.
Il ne faut pas compter sur la Justice, ni sur aucune institution. La balle est dans le camp des citoyens.
[1] La manière dont l’ensemble des institutions, BBC comprise, ont couvert les perversions de Savile pendant 40 ans est révélatrice. Quand on ne l’a pas carrément aidé, comme certains flics, hôpitaux, ou partons de la BBC.
[2] On ne peut pas dire que toutes les affaires ont été enterrées. En 1990, avant que le scandale n’éclate, un responsable des foyers à Clwyd, Stephen Norris, a été condamné pour des abus sexuels commis sur des garçons des orphelinats dont il avait la responsabilité. Entre parenthèse, on imagine que sous le règne de Norris, les plaintes des petites victimes devaient systématiquement passer à la trappe. Norris a été embâté pour des faits commis à Cartrefele, mais il était passé avant par Bryn Estyn jusqu’à la fermeture en 1984.
[3] Alison Taylor a ensuite récompensée d’un prix national pour son « courage ».
[4] C’est d’ailleurs en raison de cette appartenance qu’il s’est vu refuser un poste en 2004.
[5] Eh oui, il y a du fric à se faire dans le domaine de la « protection de l’enfance ». C’est pour cela qu’on a tant d’associations privées qui sont sur ce créneau. Leake, lui, avait monté une boîte qui était payée par les services sociaux pour prendre en charge les enfants les plus difficiles.
[6] North Wales Abuse Survivors. Quand il a monté cette association, Messham a eu droit à quelques bâtons dans les roues, tels que l’accusation d‘avoir détourné 60.000£ de l’association.
[7] Et qui a aussi été un « aide de camp » de Thatcher.
[8] Un cottage fort connu, notamment du prince Charles, perdu dans la campagne. Apparemment à la fin octobre, les enquêteurs avaient déjà reçu 161 appels d’adultes déclarant avoir été emmenés dans ce cottage par Savile. Où il y a d’ailleurs une chambre avec un lit superposé…
[9] Officiellement Charles et Savile se connaissent depuis les années 70 lors d’une action de charité pour les enfants.
[10] Il a aussi conseillé le prince Charles lors du divorce entre Andrew et Sarah Ferguson.
[11] Ces transports d’enfants par avion, pour les envoyer dans des orgies, ne sont pas sans rappeler l’Affaire Franklin aux Etats Unis. Des enfants résidant à Boys Town, sorte d’orphelinat géant, étaient prostitués à travers les Etats Unis dans les années 70-80. L’affaire a été étouffée.
[12] D’ailleurs, les poursuites de McAlpine ne devraient aller bien loin puisqu’il n’a pas contesté les accusations de Scallywag et de David Icke à l’époque.
[13] Dont les rédacteurs en chef sont morts de manière suspecte en 1994 pour Angus James (juste après les investigations sur le réseau pédophile dont on parle ici) et en 2000 pour son successeur.
Source: http://dondevamos.canalblog.com/archives/2012/12/02/25718423.html