Le Pitch :
Jake Van Horn, un riche fabriquant de meubles vit seul avec sa fille, une jeune adolescente au cœur de la congrégation des Calvinistes, un mouvement strict respectueux des valeurs religieuses et familiales quelque peu coupé du monde extérieur.
Figure respectée, Jake va néanmoins voir sa tranquillité voler en éclat lorsque sa fille disparaît.
Afin de la retrouver, l’homme va faire appel à un détective privé qui retrouve vite la piste de l’adolescente. La vérité est alors difficile à accepter pour le père de famille, qui doit pourtant se rendre à l’évidence lorsque le détective lui montre un film X où apparaît sa fille. Sans autres alternatives, Jake Van Horn va infiltrer ce milieu de vices pour sauver son enfant…
(Voir la bande annonce)
La Critique :
Paul Schrader, homme de cinéma complexe
En France, Paul Schrader n’est pas ce que l’on peut appeler une star du grand écran. Éternel homme de l’ombre, Schrader a pourtant contribué, à travers sa plume, au succès de quelques classiques indémodables du septième art. Ainsi, Schrader est davantage connu pour ses collaborations avec Martin Scorsese, pour qui il a écrit Taxi Driver, Raging Bull, La Dernière Tentation du Christ et A Tombeau ouvert ou pour ses scripts fameux parmi lesquels on peut retrouver Mosquito Coast (Peter Weir), Obsession (Brian De Palma), Rencontre du Troisième-Type (Spielberg, non crédité), ou encore City Hall (Harold Becker), que pour ses réalisations, pourtant nombreuses.
Ainsi, Paul Schrader a réalisé une bonne quinzaine de longs métrages, de Blue Collar en 1978, à The Walker en 2007, encore inédit chez nous. Hardcore, son deuxième long, sorti en février 1979 aux États-Unis, est de ceux-là et demeure probablement l’un des sommets dans la carrière d’un cinéaste plus badass qu’il n’y paraît.
Connu pour explorer dans ses films de nombreuses contractions et ainsi opposer des mondes ou des idées complétement antinomiques, Schrader a, dès Hardcore, su imposer une vision de la société résolument placée sous le signe d’un constat sans appel et sans détour. De quoi différencier le film du 8mm (dont le sujet reste assez proche), de Joel Schumacher, avec Nicolas Cage, car contrairement à ce dernier, Hardcore ne tombe jamais dans la surenchère tout en demeurant pourtant bien plus dérangeant.
Un monde de contractions
Dans Hardcore, Paul Schrader met donc un homme, caractérisé par sa foi et ses valeurs, face au coté sombre de la société, personnifié ici par les acteurs de l’industrie du porno et autres maquereaux sans scrupules. Dès lors que la fille de Jake, le personnage principal, est clairement identifiée comme faisant partie de l’industrie du X, le film se focalise sur les croyances profondes du héros et n’a de cesse de les mettre à mal. Comment continuer à avoir foi en l’homme après avoir vu de quoi il était capable ? La fille de Jake est-elle vraiment exploitée contre son grès ? Autant de questions que le personnage interprété par George C. Scott doit se poser (et qui s’imposent à lui), pour avancer dans son enquête.
En cela, le duo que Jake est obligé de former avec une jeune star du X désenchantée est l’une des nombreuses bonnes idées du film. De son côté, Jake essaye de garder les yeux fermés sur ce qu’il voit, mais doit pourtant se rendre à l’évidence quant à l’état d’un monde qui ne tourne pas dans son sens. De l’autre coté, la jeune fille qui l’aide dans sa mission, incarne tout ce que Jake déteste. Dénuée d’illusion et tristement lucide, cette dernière va pourtant, au contact de l’homme pieu, découvrir une façon de penser complètement nouvelle. Un échange s’instaure alors entre eux. Mais là encore, pas de la façon la plus évidente qui soit.
Le duo que forme les deux personnages illustre l’essence même du film. L’opposition de deux mondes radicalement opposés pour une plongée en apnée dans un univers de sexe bestial dénué de sentiments. Un choix scénaristique payant qui atteint son summum quand le film évoque de manière frontale la thématique du snuff movie, ayant pour effet direct un changement radical dans le cheminement de pensée du personnage principal.
Il est donc question ici de la perte de l’innocence. Un dépucelage violent et âpre qui voit un homme forcé de sa salir des mains pour retrouver sa fille, elle-même ancien symbole d’une innocence définitivement perdue.
Au casting du film, l’acteur George C. Scott incarne à la perfection un homme en perdition, forcé de bafouer ses propres principes. Monument du cinéma américain, celui qui incarna le Général Patton et qui refusa l’Oscar qu’Hollywood lui décerna (pour Patton justement), prête son imposante stature à un personnage complexe et perdu et livre une performance impressionnante.
Longtemps introuvable en France, Hardcore est aujourd’hui disponible en DVD depuis quelques années à un prix défiant toute concurrence sur un fameux site discount. Sa vision est plus que recommandée, ne serait-ce qu’en sa qualité d’exemple typique de cinéma 70’s. Un cinéma en apparence dénué d’ambitions commerciales et clairement en phase avec ses idéaux. Avec tout ce que cela sous entend. Réservé à un public averti donc.
@ Gilles Rolland
Source: www.onrembobine.fr/star-video-club/critique-hardcore