Egalité & Réconciliation Bretagne Repères sur l’affaire d’Outreau

http://www.egaliteetreconciliation.fr/local/cache-vignettes/L650xH911/ConSig-f1b6a.jpgAfin que chaque participant puisse préparer au mieux la journée d’étude sur les réseaux pédo-criminels que l’Amicale culturelle libre organise le 12 octobre, nous vous proposons ce document visant à donner quelques repères sur l’affaire d’Outreau. Nous remercions les deux camarades qui ont pris le temps de l’élaborer.

L’annonce de la journée d’étude est disponible ici.L’affaire d’Outreau est une affaire de pédocriminalité s’étant déroulée à Outreau près de Boulogne, dans le Pas-de-Calais. Le premier procès s’est déroulé à Saint Omer du 4 mai au 2 juillet 2004 et le deuxième procès a eu lieu en appel, à Paris, en novembre 2005. L’opinion publique retient surtout d’Outreau l’acquittement de 13 condamnés après parfois plusieurs années de détention préventive (« les acquittés d’Outreau »), mais oublie souvent que quatre personnes ont été condamnées et que douze enfants ont été déclarés victimes.

 
L’affaire d’Outreau  est une affaire pénale très controversée, avec ses aveux, ses rétractations, son instruction menée à charge, la précarité des témoignages d’enfants, ses failles de l’expertise. Cette affaire  a entraîné une réflexion profonde sur la justice et ses dysfonctionnements. Elle a fait l’objet d’un véritable emballement médiatique gravement préjudiciable à la Justice. L’empathie naturelle que l’on ressent envers des victimes s’est peu à peu essentiellement dirigée vers les condamnés. Les enfants ont été traités de menteurs et les expertises psychologiques ont été vivement attaquées.

Il est très important de préciser que les sept experts qui ont examiné les enfants ont abouti aux mêmes conclusions. Aux assises de Saint-Omer les jurés ont suivi les experts puisque 15 enfants ont été reconnus victimes de viols et de proxénétisme. Au procès en appel trois seulement ont renoncé à leurs accusations dans un contexte effrayant très bien décrit par l’ aîné d’ entre eux Chérif Delay dans son ouvrage « Je suis debout » au Cherche midi.
Seul les dires du psychiatre P. Bensoussan, un expert qui n’ a pas examiné les enfants, et qui a été mandaté par la défense pour parler « des mensonges des enfants carencés », a été pris en compte par les médias. Cette notion « d’enfant carencé » a facilité la stratégie de la défense en déclarant que les enfants carencés pouvaient inventer des agressions. Une notion qui n’est pas reprise par ses pairs. Une conséquence aujourd’hui de l’affaire d’Outreau, c’est que la parole de l’enfant est beaucoup moins prise en compte, voire pas du tout, par la justice.


Une commission parlementaire s’est réunie après les procès afin de rechercher les causes de dysfonctionnement de la justice dans cette affaire. Le rôle du Juge d’Instruction fut aussi remis en question et sa disparition fut évoquée ; ce qui boulverserait non seulement les principes du droit français pour embrasser ceux du droit américain, mais qui aussi remettrait sérieusement en cause la Démocratie, qui en théorie repose sur la séparation des pouvoirs. C’est le Président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, qui appuya cette refonte du système juridique français.



Les victimes


Douze enfants ont été reconnus victimes alors qu’ils étaient mineurs à l’époque de faits : Chérif (alias Kévin) Delay (23 ans) est l’aîné, Dimitri (20 ans), Jonathan (19 ans) et Dylan (mineur) sont ses frères. Beaucoup d’autres enfants sont auditionnés… les viols ont  commencé à Noël 1996 quand Chérif avait 6 ans.


Chérif qui est capable de parler aujourd’hui, a été placé dès l’age de deux ans en famille d’accueil et  passait  les weekends dans sa famille. Il a été toujours rejeté par Thierry Delay, son beau-père. L’enfant raconte qu’il était violé en réunion dans un réseau de pédophiles où l’argent circulait abondamment et dont faisaient partie ses parents, ses voisins..etc.. .


En 2012, Chérif s’accuse d’avoir tué en 1998 une enfant sous la menace des adultes.

Il accuse aussi le couple Lavier qui a pourtant été innocenté par le procès. Le 08/12/2011, il est jugé pour avoir proféré des menaces de mort sur Facebook à  Franck Lavier. Il écope de prison avec sursis.


Chérif culpabilise beaucoup de n’avoir pas pu protéger ses petits frères à qui il aurait épargné ces maltraitances. Il est devenu SDF à 18 ans et a connu la prison. Par l’intermédiaire d’un policier il a pu bénéficié d’un projet éducatif (alternative à la prison) au Sénégal qui l’a aidé à tourner la page.


Il défend farouchement le juge Fabrice Burgaud, la Police et les expert psychiatres et psychologues qui, à ses yeux ont très bien fait leur travail. Dans son livre Chérif rapporte que le juge controlait constamment s’il conservait la même version des faits. Il avance également que le juge Burgaud a été aussi à sa manière une victime d’Outreau et de l’administration.

Les accusés et les procès : 10 condamnés dont 6 iront en appel et 7 acquittés

Procès de Saint- Omer du 2 juillet 2004

4 condamnations sans appel suite à aveux pour viols, agressions sexuelles, proxénétisme et corruption de mineurs :
– Myriam Badaoui est la mère de Chérif Delay (14 ans au moment du procès). Elle a innocenté 13 coaccusés avant de revenir sur ses déclarations. Elle a été condamnée à 15 ans et a été libérée en septembre 2011.
– Thierry Delay, est le beau-père de Chérif Delay. Il a été condamné à 20 ans.
– David Delplanque est un des « voisins ». Il a été condamné à 6 ans.
– Aurélie Grenon est la femme de David Delplanque. Elle a été condamnée à  4 ans.

6 condamnations avec appel :
– Sandrine Lavier et Franck Lavier : 3 ans avec sursis et 6 ans de réclusion pour corruption de mineurs.
– Dominique Wiel, (30 mois de détention) prêtre : 7 ans de réclusion pour viols d’enfants
– Thierry Dausque (38 mois de détention), travaille dans le batiment : 4 ans de réclusion dont un avec sursis pour agressions sur mineurs
– Daniel Legrand fils (deux ans et demi de détention) : condamné à 3 ans de détention pour viols sur mineurs
– Alain Marécaux (23 mois de détention) : huissier : 18 mois de prison avec sursis pour agressions sexuelles sur son fils

7 acquittements :
– Christian Godard (83 jours de détention, décédé en 2009) et Roselyne Godard dîte « la boulangère »
– Karine Duchochois devenue journaliste après avoir été vendeuse entre autres métiers
– David Brunet (deux ans de détention) : mari de Karine Duchochois.
– Pierre Martel chauffeur de taxi
– Daniel Legrand-père (30 mois de détention, décédé en 2012) ouvrier métallurgiste
– Odile Marécaux (7 mois de détention) épouse d’Alain Marécaux, infirmière scolaire


Procès de Paris en appel du 1er décembre 2005

Acquittements de tous les condamnés du procès de Saint- Omer. Après le procès, Pascal Clément le ministre de la justice, annonce une enquête sur les services judiciaires, policiers et sociaux et la possibilité de sanctions administratives. Il présentera ses excuses aux acquittés.

Observation : Francois Mourmand était aussi accusé et déjà connu des services de police avant Outreau. Thierry Delay l’avait innocenté. Il est décédé (surdose médicamenteuse pour laquelle un non-lieu a été prononcé en 2011) en prison en 2002, sans avoir été jugé. La cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg a condamné la France a verser 20000 euros à la soeur et au père de François Mourmand en  novembre 2011. Ils n’ont pas fait appel.

Faits nouveaux depuis 2005 :

1) La psychologue Marie-Christine Gryson a porté plainte en 2010 contre Dominique Wiel pour diffamation. Plainte classée (cause : prescription). Marie-Christine Gryson a par ailleurs fait paraître en 2009 le premier livre qui témoignait de la réalité des procès (et non une compilation de pièces triées par la défense) et livre son point de vue d’experte de longue expérience. Elle a été interviewée et est sortie de sa réserve d’experte avec tous les risques que cela comportait.

2) Les époux Lavier ont été condamnés pour le 23/02/2012 à dix et huit mois de prison avec sursis pour pour « violences habituelles » et relaxés du chef de « corruption de mineurs ».
Les époux Lavier mimaient des actes sexuels et filmaient leurs soirées arrosées.
Leur fille ainée n’avait jamais voulu réintégrer le foyer familial après que l’affaire en 2005. Elle est restée dans sa famille d’accueil.

3) Le juge Burgaud a porté plainte contre le cinéaste Bertrand  Tavernier pour « incitation au crime » en 2013.

4) Daniel Legrand fils a été condamné à trois mois de prison ferme pour transport et importation de stupéfiants en 2007.

5) Aujourd’hui, une autre affaire découlant de l’affaire d’Outreau et concernant une nouvelle fois Daniel Legrand fils est en cours.
Daniel Legrand fils avait été poursuivi pour des crimes sexuels commis après sa majorité, devant la cour d’assises de Saint-Omer. C’est cette dernière qui l’a condamné en première instance à 3 ans de prison dont un avec sursis, il fut ensuite acquitté en appel. Daniel Legrand fils était mineur au moment des faits, il restait donc le renvoi devant une juridiction pour mineurs.

Le procès devait avoir lieu et il y aurait eu prescription fin 2013 ; il aura finalement bien lieu début 2014, devant la cour d’assises de Rennes. Me Eric Dupont-Moretti assurant la défense de Daniel Legrand fils avec 9 autres avocats, s’insurge contre cette réouverture du dossier arguant qu’il y avait eu une entente avec le parquet général (lors des précédents jugements) pour que cette affaire ne revienne jamais devant une juridiction. Les avocats de la défense ne s’expliquent pas non plus pour quelles raisons on devrait « rejuger » Daniel Legrand fils mineur alors qu’il a déjà été jugé aux assises majeur et acquitté pour ces mêmes motifs, sur les mêmes victimes. Le terme « rejuger » fut sciemment choisi par la défense, il s’agit en l’occurence de faits qui n’ont pas été jugés. « La décision consistant à le renvoyer devant la cour d’assises des mineurs est, pour moi, une monstruosité», dit Me Dupond-Moretti.

L’Affaire d’Outreau est donc plus que jamais d’actualité avec ce nouveau procès de Daniel Legrand fils, qui sera jugé pour les faits qui lui sont reprochés en tant que mineur.

Les Français seront-ils en droit de revoir les défaillances de cette affaire, qui  semblent davantage relever de la sphère politico-médiatique que de la justice délivrée à Saint-Omer ? Justice sera-t-elle faite ?

C.et A. pour E&R Bretagne

Avec nos remerciements à Mme Gryson-Dejehansart et M. Cuvillier pour leurs précieuses remarques.

 

Sources :

Émissions et documentaires
« Faites entrer l’accusé » sur Outreau, France 2, 2008.
Chérif Delay dans « Bourdin Direct », BFM TV, 2011.
– Film documentaire Outreau, l’autre vérité, Serge Garde, 2013.

Livres
– Alain MARECAUX,
Chronique de mon erreur judiciaire, Flammarion, 2005.
– Dominique WIEL et Lionel DUROY,
Que Dieu ait pitié de nous : Mémoires, Oh !, 2006.
– Daniel LEGRAND (père et fils) et Youki VATTIER,
Histoire commune, Stock, 2008.
– Cherif DELAY et Serge GARDE,
Je suis debout, Cherche Midi, 2011.
– Jacques THOMET, Retour sur Outreau, contre-enquête sur une manipulation pédo-criminelle, Kontre Kulture, 2013.

Articles de presse
Les articles en ligne de La voix du Nord sur l’affaire d’Outreau.

Sites et blogs

 http://demystifier-outreau.nerim.net/

 http://demystifier-outreau.nerim.net/quiz.html

 http://www.scoop.it/t/outreau

http://la-verite-abusee.pagesperso-orange.fr/

http://blogs.mediapart.fr/blog/marie-christine-gryson

http://blogs.mediapart.fr/blog/jacques-cuvillier

http://blogs.mediapart.fr/blog/caprouille/180713/touche-pas-mon-acquitte-doutreau

Note : Wikipedia n’est pas une source fiable d’information sur l’affaire d’Outreau

Les informations contenues dessus datent surtout de la période qui a suivi le procès avec toutes les approximations de l’époque. Il faut au moins consulter la page de discussion.

Laisser un commentaire