Voici l’interview que cette personne, qui a préféré garder l’anonymat, a accordé en exclusivité pour Enquête & Débat. On attend la réaction des pouvoirs publics pour mettre un terme à ce scandale.
Vous êtes un ancien commissaire paritaire de l’académie d’Aix-Marseille, et actuellement professeur d’histoire-géographie, et vous voulez lancer l’alerte sur un fait grave qui perdure depuis trop longtemps selon vous dans l’Education nationale. De quoi s’agit-il ?
Dans le cadre de mes fonctions de commissaire paritaire, j’ai siégé dans deux conseils de discipline destinés à juger deux enseignants pédophiles arrêtés par la gendarmerie puis condamnés au pénal. Il s’agissait de M. et Mme S*****. Ces deux enseignants d’anglais avaient en charge depuis de nombreuses années l’atelier photographie (sic) du collège.
Ils ont été condamnés pour la détention de centaines de clichés pédopornographiques, viol sur mineur par personne ayant autorité. Mme S***** a, de mémoire, écopé de 6 mois de prison avec sursis et son mari a eu deux ans de prison ferme. Mme S***** n’étant pas en prison, nous devions décider de la sanction a appliquer.
Le 4 avril 2000, le conseil de discipline a refusé toute sanction administrative pour Mme S*****. A part un déplacement d’établissement destiné à la protéger des parents d’élèves, toutes les autres sanctions ont été refusées.
A l’issue de ce conseil, j’étais dégoûté de n’avoir pas pu réunir une majorité pour mettre hors d’état de nuire une enseignante pédophile.
Je n’ai d’ailleurs ensuite pas poursuivi ma carrière de commissaire paritaire.
Dégoûté aussi, je l’étais de ce que l’Éducation Nationale n’avait jamais donné suite aux plaintes des parents, qui ont dû finalement faire appel à la gendarmerie.
Lors du conseil, ma demande d’informer la gendarmerie de ce que M. et Mme S***** avaient en charge l’atelier photo du collège pour qu’elle puisse saisir, avant qu’il disparaisse, le matériel de cet atelier photo a été refusée..! Une perquisition des gendarmes à cet atelier photo aurait pourtant surement pu permettre aux enquêteurs de réunir des preuves supplémentaires à celles recueillies au domicile.
Pourquoi le révélez-vous maintenant ?
J’ai reçu l’ordre de signer un engagement à ne pas révéler l’affaire, comme tous les autres commissaires paritaires. N’étant plus aujourd’hui fonctionnaire, je suis délié de ce serment désormais.
Pourquoi gardez-vous l’anonymat ?
Compte tenu de la puissance des réseaux pédophiles, que j’ai pu constater à l’époque, je dois mettre si possible ma famille et moi-même à l’abri.
Le fait que vous vous soyez engagé par écrit à ne pas parler publiquement de cette affaire ne vous pose-t-il pas un problème moral ?
Si. J’aurais dû refuser de signer cet engagement. J’aurais sans doute perdu ma place par ce refus d’obéissance hiérarchique, mais cela aurait été mieux que de se rendre complice de la protection accordée par l’administration aux professeurs pédophiles. Car ne pas révéler ces affaires revenait à protéger les enseignants pédophiles.
L’Eglise catholique est très souvent attaquée pour des affaires de pédophilie, mais l’Education nationale quasiment jamais, à part récemment en mars dernier. Y a-t-il deux poids deux mesures selon vous ?
A l’évidence, les autorités scolaires cherchent à cacher au public ces scandales pédophiles, comme le prouve l’ordre reçu de ne pas révéler l’affaire. Quand aux grands médias, ils sont tous financés par l’Etat, difficile pour eux donc de faire éclater ces scandales. Sauf si les parents d’élèves se révoltent et parviennent à faire du bruit… Les scandales de pédophilie devraient être tous dénoncés, et pas seulement ceux qui impliquent des membres de l’Eglise.