Depuis quelques semaines, le nom de Ronite Bitton est de plus en plus en connu, de même que le combat qu’elle mène pour son fils. Ronite est née à Rehovot. Lorsqu’elle a un an, ses parents s’installent dans la banlieue parisienne. Vivant dans un monde qu’elle décrit comme laïc, elle commence des études qui la mènent à Bruxelles dans le milieu européen. Elle y rencontre son futur mari, juriste et journaliste belge. Il devient son prince charmant… Mais le conte de fées ne dure pas : une fois mariée et enceinte, les violences psychologiques, les humiliations commencent. S’ensuivent trois années de violence contre elle et son enfant. Depuis plus de dix ans maintenant, elle va de procès en procès faits d’avancées et de retours en arrière, soumise à un véritable harcèlement juridique de la part de son ex-mari, avec au centre leur fils de 15 ans aujourd’hui. Le 22 juillet prochain Ronite sera emprisonnée pour cinq ans, condamnée par la justice israélienne pour l’enlèvement de son propre enfant. Elle témoigne dans nos colonnes pour permettre de mieux comprendre son histoire et nous dire ce qu’elle attend de nous Francophones d’Israël.
Le Plus Hebdo : Pourriez-vous nous résumer l’historique juridique qui a conduit à votre peine d’emprisonnement en Israël ?
Ronite Bitton : En 2002 j’ai entamé une procédure de divorce devant les tribunaux belges, mon ex-mari refusant le divorce à l’amiable. Les premières années, la justice belge a pris des mesures extraordinaires pour nous protéger mon enfant et moi, alors que la mode de la garde alternée battait son plein. Un ordre d’éviction a été rendu contremon mari reconnu violent. Il avait des excès de violence qui donnaient l’impression d’avoir en face de soi une personne schizophrène : il pouvait tout casser dans la maison et réparer l’intégralité le lendemain, me brutaliser et bien pire, notre enfant aussi. Mon fils a été suivi par un psychiatre pendant des années. En 2004, la justice belge a décidé de transférer la résidence légale de notre enfant vers la France, après de nouvelles violences paternelles contre lui. Tout est consigné dans le double du dossier judiciaire d’origine que j’ai remis à votre rédaction.
Tout a basculé lorsque le frère intègre le ministère de la Justice belge, en tant que directeur aux Affaires des mineurs, une position stratégique qu’il cumule bientôt avec celle de conseiller aux Affaires familiales du vice-ministre de la Justice et Secrétaire d’État aux affaires familiales. Fin 2005, la justice belge transfère la garde de notre fils à son père en plein milieu d’année scolaire, sur la base d’un rapport émis par les mêmes experts qui quelques temps auparavant avait recommandé la garde à la mère. Mon fils était effondré. Aucun motif juridique ne légitimait le retrait de ma garde, ni l’urgence. Sa psychiatre était à nos côtés. il a téléphoné à son père pour tenter de le convaincre mais en vain. Il a ignoré sa volonté, ses supplications. C’est à cette date que j’ai décidé de faire mon retour en Israël avec mon fils.
Lph : Pourquoi ?
R.B. : Mon ex-mari et son frère étaient allés trop loin. La décision de justice n’étant pas encore exécutoire, je pensais qu’en Israël la justice protégerait mieux mon enfant… Lorsque j’ai annoncé à mon ex-mari que je partais, il m’a ri au nez, me disant qu’ainsi ce serait encore plus facile pour lui d’obtenir la garde exclusive puisqu’Israël était un pays en guerre. Fin 2005, j’ai engagé en France une procédure d’urgence pour la protection de mon enfant qui suspendait tous les droits parentaux du père. On est arrivé en Israël, en janvier 2006. Un mois plus tard je suis rentrée en France avec mon enfant, pour une audience. Son père n’est pas venu. La justice nous a laissé repartir librement et nous sommes rentrés une semaine plus tard en Israël tout aussi librement, Durant notre première année ici, nous avons connu une certaine tranquillité. Nous vivions à Ofakim que mon fils décrivait comme un paradis ; il s’y sentait tellement bien, il s’y reconstruisait. Puis, la foire aux procès a commencé. Mon ex-mari a multiplié les procédures, en Israël, en France, en Belgique. J’ai dû prendre des avocats partout pour faire entendre mon enfant, pour qu’il ne soit pas traité comme un paquet ». En Israël, il a entamé une procédure pour enlèvement d’enfant alors même que je l’avais prévenu que nous partions et que nous étions en contact par avocat interposé. La justice a endossé sa version des faits et la réalité juridique a été détournée. Un juge de Beer Sheva a alors manifesté des réticences à laisser partir mon fils chez son père et a demandé à ce que ce dernier remplisse certaines conditions pour tenter de minimiser le grave préjudice escompté par l’expert mandaté par la Cour qui mettait en garde contre « une catastrophe », une « tragédie », un « désastre » et un risque de suicide de l’enfant. Il n’a pas rempli ces conditions reprises ensuite par la Cour Suprême. En revanche, il a fait, sans m’en avertir, un recours devant la plus haute instance judiciaire israélienne et a obtenu un ordre d’expulsion unilatéral et immédiat de mon enfant, sans plus de conditions. C’était en juillet 2008.
Lph : Comment vous et votre fils avez-vous alors réagi ?
R.B. : Nous étions effondrés. Mon enfant s’est enfui de la maison alors que j’étais au téléphone en train de vérifier s’il n’y avait vraiment plus aucun recours juridique. J’ai été arrêtée et mise en prison. Le père était là, lui aussi, circulant en voiture diplomatique avec quelques personnes, jubilant lors de mon arrestation. Il avait déposé une plainte contre moi pour enlèvement et non présentation d’enfant. Même topo en Belgique et en France. Encore sous le choc de la disparition de mon enfant, du dénouement brutal et inattendu de toutes les procédures, je me suis retrouvée les menottes aux poignets. J’ai passé deux mois en prison, deux mois atroces.
J’y ai survécu grâce au Consul de France et j’en suis finalement sortie à Ouri Zohar, cinéaste qui a fait techouva, qui a été sensible à mon histoire et m’a accueillie chez lui pendant près de deux ans en résidence surveillée 24h/24. Pendant tout ce temps, j’ai fait des recherches pour retrouver mon fils. Une investigatrice qui lutte contre les réseaux pédophiles pense que mon fils pourrait être en Belgique. En effet, mon ex-mari est également soupçonné de pédophilie…
Lph : Pourquoi la justice israélienne vous a-t-elle condamné à cinq ans de prison ?
R.B. : J’ai été condamnée en appel pour non présentation d’enfant (violation de l’ordre d’expulsion) et enlèvement d’enfant alors que cela fait cinq ans que je n’ai pas vu mon fils et que je ne sais pas où il se trouve… Je suis condamnée, sans preuve, à une très lourde de peine de prison. Au nom de la Loi du plus fort. J’ai appris puis constaté, que toutes sortes de pressions ont été exercées depuis la Belgique
Lph : Comment la situation pourrait-elle se retourner en votre faveur ?
R.B. : Mon espoir se situe dans le fait que grâce à Internet et au travail de certains médias, ma voix se fait entendre. Il y a peu de temps encore, j’étais censurée. Le miracle se trouve dans le fait que ce silence a pu être brisé. Je reçois beaucoup d’appels de personnes qui veulent me soutenir, qui sont choquées par la situation. Des personnalités politiques, des organisations de femmes aussi s’engagent en ma faveur, ici et à l’étranger, en Europe, aux Etats-Unis. Je sais également que beaucoup de personnes prient pour nous. Par ailleurs, des procédures sont pendantes devant la justice européenne notamment, j’espère qu’elles aboutiront rapidement dans le bon sens.
Lph : Qu’est-ce qui vous fait dire que cela influencera la décision de justice ?
R.B. : Si de nombreuses personnes manifestent leur soutien par tous les moyens possibles, si des ministres, des députés reçoivent des lettres d’indignation, il est clair que cela aura un impact. Au moins pour neutraliser les pressions et manipulations qui ont perverti le cours naturel de la Justice. Afin de remettre au cœur du débat l’intérêt supérieur de l’enfant, de permettre un retour à un procès équitable, j’en appelle au plus grand nombre à se mobiliser, à venir en masse assister aux audiences, à m’accompagner le jour de mon emprisonnement..
Lph : Avez-vous confiance en l’avenir ?
R.B. : Mon état de santé est très préoccupant, j’ai perdu beaucoup de poids, je souffre d’un problème au pied, je suis aujourd’hui en fauteuil roulant. Par ailleurs, je suis en proie à de grosses difficultés financières puisque le harcèlement juridique dont je fais l’objet m’a contrainte à des frais d’avocats importants notamment, que j’ai en plus été condamnée à une astreinte quotidienne de 750 shekels par jour (près d’un million de sh.à ce jour), sur demande du père à la cour suprême, donc sans possibilité de faire appel. Mon compte ea été saisi et mes amis ont ouvert un fonds pour m’aider. L’hôpital où j’ai subi ma dernière opération recommande encore trois mois et demi de soins, contrôles, mobilité réduite et rééducation. Je ne sais pas si la cour en tiendra compte. Il faut un grand miracle et croyez-moi, j’en ai vu durant toutes ces années même si elles ont été difficiles. Le fait que je sois vivante est un miracle. J’espère de tout cœur que le Maître du monde continuera à me donner la force et à me prêter vie pour que je puisse serrer mon enfant dans mes bras. J’espère pouvoir lui dire un jour que le mal lui aussi finit par passer, comme toute chose. Que malgré tout ce qu’il a vécu, même si son père et la justice des hommes lui ont fait violence et lui ont volé son enfance, la Justice Suprême a toujours le dernier mot. Que la force de l’amour et de la vérité, la foi dans le Bien qui est trop souvent invisible à nos yeux, l’emportent toujours au final.
Par Le Plus Hebdo – JSSNews