(France 3 Régions) Suspicion de pédophilie à Voiron : pour « Envol Isère Autisme », « les enfants avec déficit intellectuel ne sont jamais entendus »

Des soupçons d’actes pédophiles dans un Institut Médico Educatif (IME) à Voiron, en Isère, soulèvent la question de l’intérêt porté aux témoignages des enfants autistes ou souffrant d’un trouble mental. Les familles craignent qu’ils ne soient pas entendus et que l’affaire soit classée.

9 plaintes ont été déposées voilà un an pour « suspicion de pédophilie et suspicion de viol sur enfants handicapés » dans un IME du Pays Voironnais. Un éducateur a été inquiété pour « récidive de diffusion, détention et regard d’images et vidéos à caractère pédopornographique », mais deux autres éducateurs suspectés ont été réintégrés. Les familles regrettent aujourd’hui que l’affaire n’avance pas et demandent la nomination d’un juge.

Suite à ces révélations, la direction de l’établissement a tenu à réagir pour évoquer une gestion de crise « transparente ». « Ce salarié, qui était en contrat aidé depuis 6 mois, a immédiatement été suspendu avec interdiction d’approcher l’établissement », détaille Christophe Hertereau, un membre de la direction qui explique que l’Agence Régionale de Santé et le procureur ont été avertis, « selon les modalités de signalement des événements indésirables graves prévues par la réglementation. »

L’enquête suit son cours, mais aucune instruction n’a encore été ouverte. L’association Envol Isère Autisme compte parmi ses membres deux familles ayant déposé plainte l’an passé. Aujourd’hui, sa présidente Ghislaine Lubart a peur que les témoignages des enfants autistes ne soient pas entendus. Car ce trouble du comportement n’est pas facile à appréhender, même pour des enquêteurs.

Reportage Anne Hédiard, Dominique Bourget et Eric Achard

Soupçons de pédophilie dans un IME à Voiron

Intervenants: Ghislaine Lubart, Association Envol Isère Autisme ; Maître Bertrand Sayn, Avocat de cinq familles

Ghislaine Lubart, la présidente de l’association explique: « Nous comprenons que les enquêteurs soient perdus. Ils ne connaissent pas le mode de fonctionnement d’un enfant autiste. C’est pour cette raison qu’il est important d’écouter les professionnels formés, qui peuvent leur expliquer qu’ils ont des outils de communication tout à fait fiables ».

Selon elle, des images ou des photos peuvent être utilisées pour communiquer avec les autistes « non-verbaux ». Concernant ceux qui s’expriment oralement, il faut également être vigilant. La « meilleure solution » pour comprendre, serait de lui demander de mimer et d’expliquer ce qu’il a vécu.

« Une personne autiste aura toujours l’amour de la vérité et du détail. »

Si les enquêteurs souhaitent toutefois le faire témoigner oralement, il faudrait qu’ils fassent attention à la façon dont ils posent leurs questions: « Il ne faut pas induire la réponse. Par exemple dans cette affaire, on a demandé à un enfant si un éducateur lui avait enlevé son pantalon, le petit a répondu que non, car il ne lui aurait pas enlevé mais baissé. »

Et Ghislaine Lubart ajoute : « Une personne autiste aura toujours l’amour de la vérité et du détail, elle n’inventera jamais quelque chose qu’elle n’a pas vécu. Donc si elle témoigne spontanément, c’est vrai. »

« La parole d’un enfant n’est pas toujours bien entendue en France, mais celle d’un enfant qui présente un déficit intellectuel n’est jamais entendue. »

L’association déplore toutefois une lenteur du déroulement de l’enquête: « Cela fait un an que les enfants ont été interrogés. Les pédiatre et psychologue qui avaient fait un signalement au procureur n’ont jamais été entendues. Lorsque les parents sont allés requalifier leurs plaintes déposées pour des attouchements en plaintes pour viol, on leur a répondu que l’affaire allait être classée. Et c’est ça que nous craignons. »

Selon Envol Isère Autisme, les affaires concernant des enfants atteints de troubles du comportement seraient « toujours classées ». Ghislaine Lubart déplore que certains témoignages ne soient pas pris en compte: « La parole d’un enfant n’est pas toujours bien entendue en France, mais celle d’un enfant qui présente un déficit intellectuel n’est jamais entendue. Il faut que cela cesse. »

L’association réclame toujours la nomination d’un juge d’instruction mais reste prudente: « Nous sommes très attachés à la présomption d’innocence, raison pour laquelle nous souhaitons qu’une enquête soit ouverte pour qu’elle puisse révéler les faits, s’ils ont bien existé. »

Interview de la présidente de l’association Envol Isère Autisme :

Soupçons de pédophilie à Voiron: Interview de la présidente de l’association Envol Isère Autisme

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