Faut-il que la situation soit devenue inextricable pour que Kathryn Bolkovac envisage ce geste-là ! Faut-il qu’elle se sente acculée et qu’elle ait le sentiment qu’il n’y a pas d’autre solution, que c’est le seul espoir ! Elle a passé toute cette journée du 9 octobre 2000 à ruminer l’enterrement par sa hiérarchie d’une grosse enquête sur laquelle elle travaillait d’arrache-pied avec plusieurs collègues du bureau des Droits de l’homme de l’ONU en Bosnie, et ce nouveau sabotage de son travail lui est inacceptable. Trop, c’est trop. Elle n’avale pas. Il lui faut réagir.
Il est près de 21 heures. Ses confrères ont déserté les locaux modernes du siège de l’ONU pour aller dîner dans l’un de ces nombreux restaurants du vieux Sarajevo fréquentés par des « expats » en uniforme. Elle ne les a pas suivis. Il lui reste quelque chose de trop important à faire. Calée dans son fauteuil, face à son ordinateur, son béret bleu posé sur un coin de son bureau, la jeune femme réfléchit, ses yeux clairs perdus dans ses souvenirs, la tête à queue-de-cheval blonde renversée en arrière.
Cela fait seize mois qu’elle a débarqué en Bosnie pour intégrer les rangs de l’IPTF (International Police Task Force), la force de police internationale chargée, par les accords de Dayton signés après la guerre en 1995, de maintenir la paix, réguler le pays et former la police locale aux valeurs et procédures démocratiques. Et cela fait seize mois qu’elle va de surprises en déceptions, d’écoeurements en révoltes.
Son…
Une réflexion sur « (Le Monde) Kathryn Bolkovac, un e-mail pour réveiller l’ONU »