Le cinéaste est accusé de douze agressions sexuelles
Ce vendredi 28 février, Roman Polanski a remporté le César du Meilleur réalisateur. Un prix controversé qui a déclenché le départ fracassant d’Adèle Haenel, Céline Sciamma, Aïssa Maïga et d’autres personnalités du cinéma de la salle Pleyel à Paris, où se déroulait la cérémonie.
Ce prix couronne la polémique qui a entouré la sortie de J’accuse et qui dure depuis le mois de novembre 2019. Même avant la sortie du film en salles, de nombreuses voix s’étaient élevées contre le cinéaste accusé depuis bien des années de multiples crimes sexuels.
Mais de quoi est réellement accusé Roman Polanski ? Pour ceux qui auraient besoin de se rafraîchir la mémoire, voici un récapitulatif complet de toutes les affaires et témoignages entourant le cinéaste sacré aux César.
Samantha Geimer, 13 ans, 1977
L’affaire démarre en 1977. C’est d’ailleurs la seule qui a été amenée devant la justice, et qui a abouti à un jugement de Roman Polanski. À l’époque, ce dernier est un cinéaste reconnu, à qui l’on doit Le Bal des vampires (1967), Rosemary’s Baby (1968) ou encore Chinatown (1974). On le connaît aussi malheureusement pour l’assassinat macabre de sa femme enceinte de huit mois par la bande de Charles Manson en 1969.
Retour en 1977. En ce début d’année, Vogue France commande à un Polanski âgé de 44 ans un reportage photo sur de jeunes filles. Parmi les adolescentes photographiées se trouve Samantha Geimer. Cette dernière a 13 ans, veut devenir mannequin ou actrice, et se retrouve le 20 février à faire une première session photo qui se déroule « bien » selon cette dernière, même si elle raconte avoir été photographiée la poitrine dénudée :
« Pour je ne sais quelle raison, je l’ai laissé me photographier topless. Et puis, je ne l’ai pas dit à ma mère. Et je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas pourquoi je l’ai laissé faire ça. Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas dit à ma mère. Je ne pensais pas qu’il y aurait un deuxième photoshoot. J’étais vraiment surprise […]. C’était une espèce de test. »
Le 10 mars 1977, l’adolescente retrouve le cinéaste chez Jack Nicholson (en vacances, l’acteur avait prêté sa maison au cinéaste) pour poursuivre le photoshoot. Une fois sur place, sans sa mère (cette dernière voulait l’accompagner mais Polanski l’aurait convaincue de ne pas venir pour ne pas rendre sa fille mal à l’aise), Polanski lui propose du champagne.
Au cours de la session, elle boit plusieurs flûtes et, saoule, elle finit par accepter au bout de la deuxième fois le cacheton de Quaalude que lui propose le cinéaste. S’ensuivent des prises de photographies, alors qu’elle est nue dans un jacuzzi (ce qu’elle refuse d’abord), avant qu’il ne la rejoigne, nu lui aussi. Elle feint une crise d’asthme et sort du jacuzzi.
Il la rattrape d’abord dans la piscine, puis lorsqu’elle part vers la salle de bain, il la suit, l’emmène dans une chambre, et la viole. Il y aura d’abord un cunnilingus, puis un rapport vaginal, et un rapport anal. Droguée, la jeune fille n’arrive pas à se débattre. Une amie du cinéaste frappe à la porte, mais il lui indique qu’il se change. Elle le laisse tranquille.
Quand Samantha Geimer rentre chez elle, elle raconte toute la soirée à son petit ami de l’époque. Sa sœur entend la discussion, en informe leur mère, qui décide d’appeler la police pour porter plainte, comme elle l’expliquera face au procureur quelques jours plus tard. Le 11 mars 1977, Roman Polanski est arrêté.
D’abord libéré contre une caution de 2 500 dollars, il est inculpé le 24 mars de six chefs pour « avoir fourni une substance prohibée à une mineure, s’être livré à des actes licencieux et de débauche, s’être rendu coupable de relations sexuelles illicites, de perversion, de sodomie et de viol ». L’avocat de Roman Polanski et l’avocat de la famille de Samantha Geimer trouvent un accord avec le juge pour éviter un procès public, en laissant tomber certaines accusations parmi les plus graves. Polanski plaide alors coupable pour « rapports sexuels illégaux avec une mineure ».
Au même moment, deux spécialistes rendent un rapport sur l’état psychologique de Polanski. Il est dit qu’il n’est pas un « déviant sexuel », et aussi qu’il « n’est pas un pédophile ». Un autre rapport explique qu’il « y a des indications que les circonstances étaient provocatrices, qu’il y avait une certaine permissivité de la mère » et « que la victime n’était pas seulement physiquement mature, mais désireuse ».
Le 19 septembre, alors qu’il enchaîne les allers-retours entre la Californie et l’Europe pour un tournage à venir, Roman Polanski est condamné à 90 jours de prison. Son incarcération démarre le 19 décembre 1977, mais il est libéré le 29 janvier 1978 pour conduite « exemplaire ». Entre-temps, le juge a décidé de revenir sur sa peine, du fait de la pression sociétale – aux États-Unis, les juges sont élus par les citoyens et la peine particulièrement basse envers Polanski fait scandale à l’époque.
La veille de l’audience pour homologuer l’accord entre les trois parties, le juge explique alors à l’avocat qu’il veut changer la peine et lui soumettre une condamnation à « durée indéterminée ». Il aurait alors indiqué que le cinéaste serait libéré après 48 jours s’il quitte le territoire américain. L’avocat de Polanski est dans l’impossibilité de confirmer cela, et avoue qu’il risque jusqu’à 50 ans de prison. Le lendemain, le 31 janvier 1978, Roman Polanski part de Los Angeles pour Londres, puis Paris, et ne remettra plus jamais les pieds sur le territoire américain. Il a depuis un dossier d’extradition, qui n’a jamais abouti.
Il y a eu beaucoup de rebonds depuis. En 1993, Roman Polanski a accepté de verser une indemnité de 500 000 dollars à Samantha Geimer, mais il ne le fera pas dans les temps – et lui donnera une somme inconnue. Le cinéaste sera arrêté en Suisse en 2009, mais, après un scandale médiatique qui le verra être soutenu par de nombreuses personnalités, il ne sera pas extradé.
Samantha Geimer finira quant à elle par lui « pardonner » publiquement, expliquant être « fatiguée » d’une procédure démarrée il y a plus de 40 ans pour laquelle la presse n’a jamais arrêté de la solliciter. La justice américaine cherche toujours à mettre la main sur Roman Polanski, puisque, ayant reconnu les faits, il n’y a toujours pas prescription et il peut toujours faire un séjour en prison de l’autre côté de l’Atlantique.
Sauf que, après que Samantha Geimer a décidé de jeter l’éponge, d’autres personnes vont prendre la parole.
Charlotte Lewis, 16 ans, 1983
La première s’appelle Charlotte Lewis. Elle décide de raconter son histoire en 2010, bien avant #MeToo, en réaction aux propos de Samantha Geimer. Retour en arrière. 1983. Charlotte Lewis est une jeune fille de 16 ans qui a quitté son Angleterre natale pour faire du mannequinat à Paris, et cherche à se lancer dans le cinéma. C’est ainsi qu’elle entend parler d’un casting pour le nouveau film de Roman Polanski, Pirates.
Pour ce dernier, elle se rend dans l’appartement parisien du cinéaste. C’est là que se déroule le casting, et c’est aussi là que, selon cette dernière, il agresse sexuellement l’actrice, « de la pire façon possible ».
« Monsieur Polanski savait que je n’avais que 16 ans quand nous nous sommes rencontrés, et il m’a forcée [à avoir des relations sexuelles avec lui, ndlr] dans son appartement à Paris […]. Tout ce que je veux, c’est que justice soit faite. »
Seulement, cette dernière est discréditée dans la presse. En cause ? Ses propos en 1999, où elle racontait à News of the World qu’elle se prostituait dès l’âge de 14 ans, et qu’elle rêvait « d’être la maîtresse de Roman Polanski ». Propos qu’elle a démentis. Elle expliquera en 2019 avoir regretté sa prise de parole, à cause du contrecoup et de l’impact que cela aura eu sur sa vie.
Robin M., 16 ans, 1973
Quand Samantha Geimer décide d’arrêter les poursuites judiciaires contre Roman Polanski en 2017, cela réveille certaines consciences, dont celle de Robin. Cette femme déclare le 15 août 2017 avoir été agressée en 1973 par le réalisateur, alors qu’elle n’a que 16 ans.
Elle explique n’avoir jamais raconté cette agression, à part à un de ses amis de l’époque, car elle ne voulait pas que son père « fasse quelque chose qui aurait pu l’envoyer en prison pour le reste de sa vie ». Pendant des années, elle s’est tue car l’affaire de Samantha Geimer « n’avait pas besoin de son aide ». Son abandon l’a poussée à prendre la parole :
« Récemment, j’ai vu Samantha Geimer à la télé qui soutenait M. Polanski et qui déclarait ‘qu’il avait fait tout ce qu’il fallait faire’. Cela m’a rendue furieuse ! Je parle à présent pour Samantha et pour que le monde sache qu’elle n’est pas la seule mineure victime de Roman Polanski.
Je ne suis pas passée à autre chose, et je crois fermement que Roman Polanski devrait être tenu responsable pour son comportement criminel avec Samantha Geimer. Il a fui le pays. Des années ont passé, et il est célèbre, mais cela ne devrait pas excuser son comportement criminel d’agresser sexuellement des mineures. »
Nous sommes deux mois avant le début de l’affaire Weinstein.
Renate Langer, 15 ans, 1972
Un mois après la prise de parole de Robin M., c’est une autre victime qui décide de raconter son histoire. Renate Langer, une ancienne actrice allemande, dépose plainte en septembre 2017 à la police suisse. Elle accuse de viol le cinéaste franco-polonais.
L’affaire remonte à 1972. Cette dernière est une lycéenne étudiant à Munich qui a rencontré Polanski peu de temps après avoir commencé le mannequinat. Alors qu’il dit être intéressé par le fait de lui faire passer un casting, elle décolle direction le chalet de ce dernier à Gstaad, en Suisse – avec l’accord de ses parents.
C’est dans ce chalet qu’il l’aurait violée, dans une des chambres de la maison. Elle décrit ne pas avoir réussi à se défendre, bien qu’ayant essayé. Repartie le lendemain, « toute honteuse et confuse », comme l’explique le New York Times, elle choisit de ne pas en parler à ses parents. « Ma mère aurait eu une crise cardiaque », explique cette dernière – au moment de sa prise de parole, ses deux parents sont décédés depuis peu.
Un mois après les évènements de Gstaad, Polanski appelle Renate Langer pour s’excuser et lui offrir un rôle dans un film, Quoi ?. Après lui avoir indiqué qu’il la traiterait de manière « professionnelle », elle finit par accepter, s’envole pour Rome et récupère un petit rôle.
Pendant le tournage, il ne lui fait pas d’avances. Mais un soir, alors qu’elle est seule dans une maison qu’elle partage avec d’autres, elle raconte qu’il la viole à nouveau dans une des chambres, même si elle a beau se défendre à nouveau en lui envoyant dans le visage une bouteille de vin et une autre de parfum.
La justice suisse finira par conclure qu’il y a prescription. Mais la déclaration va donner de la force à d’autres personnes.
Marianne Barnard, 10 ans, 1975
Les déclarations des victimes de Weinstein et le propos des précédentes victimes de Roman Polanski inspirent Marianne Barnard à raconter son histoire d’abus sexuel. Une histoire qui rappelle celle de Samantha Geimer, à la différence que cette dernière n’avait que 10 ans au moment des faits.
#RomanPolanski took photos of me naked & in fur coat on beach in Malibu, I was 10 yrs old. He went on from there. This ends now #ROSEARMY https://t.co/CXoABPSn6H
— Marianne Barnard (M) (@Marianne_M_B) October 13, 2017
Nous sommes en 1975. Alors qu’elle est mannequin, on l’emmène sur une plage entre Malibu et Santa Monica, à Los Angeles. Elle raconte ainsi au tabloïd britannique The Sun :
« Au début, je croyais que j’allais juste à la plage avec ma mère. Nous étions là-bas pendant un moment, que toutes les deux, puis d’un coup, il était là. Et ma mère m’explique que cet homme voulait prendre des photos de moi en fourrure. Je pensais que c’était pour un magazine ou quelque chose du genre. J’étais en bikini, je pensais que c’était un photoshoot de mode – j’avais déjà fait du mannequinat donc ça ne sortait pas trop de l’ordinaire pour moi.
Donc d’abord, il prit des photos de moi en bikini, puis avec la fourrure, puis il m’a demandé d’enlever le haut de mon bikini, ce qui ne me dérangeait pas puisque j’avais 10 ans et que je courais souvent sans haut.
Et puis, il voulait que je sois sans le bas de mon bikini – j’ai commencé à me sentir vraiment mal à l’aise. Puis, à un moment, j’ai réalisé que ma mère n’était plus là. Je ne sais pas où elle est allée et je n’avais pas enregistré son départ mais elle n’était plus là. Puis, il m’a agressée sexuellement. »
Une agression qui lui a causé un stress post-traumatique, une claustrophobie, une peur du noir, et une peur de parler pendant plus de 40 ans.
« J’espère que s’il y a d’autres victimes, elles pourront parler et raconter leur expérience et, je l’espère, trouver un remède à leur malheur [en brisant leur silence, ndlr] – et je l’espère, qu’il sera enfin amené devant la justice. »
Cinq anonymes, âgées de 15, 9, 10, 12 et 16 ans, entre 1969 et 1976
Suite à ces nombreuses déclarations, un « militant féministe » et journaliste israélien, Matan Uziel, lance en novembre 2017 un site Internet, imetpolanski.com. Le but ? Recueillir des témoignages de violences sexuelles subies de la part de Roman Polanski.
Il promet sur Twitter une récompense de 20 000 dollars pour tout témoignage assez gros pour faire tomber le cinéaste — une méthode pour convaincre, puisqu’il expliquera à L’Obs qu’il n’a pas cette somme, et qu’au final, aucun des témoignages n’a été rémunéré. Néanmoins, très rapidement, il déclare avoir reçu cinq témoignages dont il aurait vérifié la véracité.
La première à témoigner, Jane Doe, a accepté que sa déclaration soit révélée en tant que telle. Cette dernière raconte comment, lors d’une soirée à Gstaad où se trouvait son père, Roman Polanski, Jack Nicholson et son amie de l’époque, Anjelica Huston, le réalisateur l’a touchée et agressée sexuellement.
« Mon père travaillait dans l’industrie cinématographique et ils se connaissaient [avec Polanski, ndlr]. […] À ce dîner, je me souviens que Polanski, qui était, si je ne me trompe pas, assis à ma gauche, a commencé à me toucher la cuisse. Puis, il a commencé à toucher mon sexe, et essayé de le presser et de frotter avec sa main, tout ça sous la table, en face de mon père […]. J’avais déjà été agressée sexuellement, je pensais donc que c’était un comportement normal. J’avais 15 ans. Mais c’est tout. Je ne l’ai jamais revu. »
Elle explique enfin connaître d’autres victimes. Matan Uziel, quant à lui, déclare avoir reçu quatre autres témoignages de femmes qui avaient à l’époque des faits 9, 10, 12 et 16 ans, mais n’a pas été en mesure de les dévoiler car ces dernières ont préféré rester anonymes. Une nouvelle victime a fini par parler en son nom, quelques jours plus tard : Mallory Millett.
Mallory Millett, 29 ans, 1970
Mallory Millett a dans un premier temps contacté imetpolanski.com, puis a décidé de tout raconter au Sun. C’est la seule victime présumée âgée de plus de 20 ans, puisque les faits se seraient déroulés en 1970 alors qu’elle avait 29 ans.
À l’époque, Millett était une actrice vivant à New York et ayant du mal à percer dans le milieu du cinéma. Elle se retrouve néanmoins invitée par le biais d’amis en commun à un dîner à quatre avec Polanski, qui était « dévasté par la mort de sa femme ». Ses amis pensaient qu’elle pouvait « lui remonter le moral ».
Après qu’elle s’est rendue dans la suite de Polanski pour avoir un café après le dîner et des verres, ses deux amis, Michael et Minda, partent, laissant Millett seule avec le cinéaste.
« Quand je suis arrivée, ils m’ont dit que Roman tripait au LSD et il a commencé à avoir un comportement étrange – d’autant plus que j’étais très sobre –, donc j’ai pensé qu’il était temps de partir. Mais quand j’ai essayé de partir, il ne m’a pas laissée et a essayé de me violer avec beaucoup de force. Il refusait de prendre ‘non’ comme une réponse et a essayé d’avoir un rapport sexuel forcé avec moi.
Même s’il est petit, il a beaucoup de force dans le haut de son corps […]. J’étais très maigre sans trop de muscles donc nous avons fini par nous battre. J’ai dû me battre pour m’enfuir, passer la porte et courir pour ma vie à travers le hall. Il me poursuivait et j’appuyais sur le bouton de l’ascenseur en priant : ‘Pitié mon Dieu, faites que la porte de cet ascenseur s’ouvre, je ne veux pas passer une seconde de plus près de cet homme.' »
Elle réussit néanmoins à échapper à son agresseur. Plus tard, elle le rencontre pour qu’il s’excuse, mais il tente alors à nouveau, selon cette dernière, de la violer : « J’ai fini seule avec lui, il a essayé de mettre ses bras autour de moi et de me maintenir. J’ai dû m’enfuir à nouveau. » Elle explique que, selon elle, vu la manière brutale avec laquelle il réagissait, « les gens ne devaient pas souvent lui dire non », ajoutant :
« Quand il a tenté la première fois et que j’ai refusé, il n’arrivait pas à y croire – c’était comme s’il pensait ‘Je suis le grand Roman Polanski, comment oses-tu me dire non’. Il était extrêmement arrogant. »
Ce qui l’a empêchée de prendre la parole avant, selon elle, est le regard des autres quand elle disait qu’il avait essayé de la violer deux fois, sur le fait qu’elle ait « pu » lui redonner une chance. « Je ne sais pas comment j’ai fini par le revoir – mais ça s’est fait », se justifie-t-elle.
La prise de conscience est arrivée tardivement, avec les autres témoignages, et, comme à chaque fois, il y a eu prescription et trop peu de preuves. Elle a finalement décidé de ne pas porter plainte.
Valentine Monnier, 18 ans, 1975
Il se passera deux ans entre le dernier témoignage et celui de Valentine Monnier, le plus récent de tous. Ce dernier intervient le 8 novembre 2019, deux ans après celui de Millett et toutes les déclarations qui ont suivi celle de Robin M., alors que l’on reparle beaucoup de Polanski à l’occasion de la sortie en salles de J’accuse.
En réalité, la Française avait commencé à raconter son histoire en 2017, envoyant des courriers à la police de Los Angeles, à Brigitte Macron et aux ministres Franck Riester et Marlène Schiappa.
Mais avec ce nouveau long-métrage dont on a beaucoup parlé dans la presse, elle a décidé de prendre la parole publiquement et de raconter au Parisien son histoire. Celle d’une jeune femme de 18 ans, qui venait d’avoir son tout premier rapport sexuel quelques mois auparavant, et qui a brutalement été violée par le cinéaste.
« En 1975, j’ai été violée par Roman Polanski. Je n’avais aucun lien avec lui, ni personnel, ni professionnel et le connaissais à peine. Ce ne fut pas dans le débordement d’une fête (ni alcool, ni drogue). Ce fut d’une extrême violence, après une descente de ski, dans son chalet, à Gstaad. Il me frappa, roua de coups jusqu’à ma reddition puis me viola en me faisant subir toutes les vicissitudes.
Je venais d’avoir 18 ans et ma première relation seulement quelques mois auparavant. Je crus mourir. Choc, mises en garde et jeunesse m’ont empêchée de parler, sous-tendus par un sentiment d’impuissance ; la France l’avait fait intouchable. Je suis partie vivre quelques années aux États-Unis où le déni prit le relais jusqu’à la prescription. »
Il s’agit du douzième témoignage du genre. Il a fait beaucoup de bruit en France car il s’agit de celui d’une citoyenne française, et que son nouveau film allait sortir en salles. Non seulement cela ne l’a pas empêché de rencontrer le succès en salles, mais, de surcroît, J’accuse a reçu de grands prix, comme le prix du Jury du festival de Venise ou le César du Meilleur réalisateur.
12 témoignages, mais un seul jugement
À part en 1977 aux États-Unis, Polanski n’a au final jamais été arrêté. Toutes les affaires qui sont ressorties depuis 2010 datent d’avant 1983, et ne sont plus traitables par la justice, que ce soit aux États-Unis ou dans le reste de l’Europe. La probabilité de voir l’homme, désormais âgé de 86 ans, inquiété par la justice, est donc très fine.
Le cinéaste a toujours réagi de la même manière à toutes ces accusations : en niant, en disant ne plus se souvenir de l’individu qui prenait la parole, en se déclarant diffamé et en contestant fermement toutes les accusations de viols et d’agressions sexuelles, à part celle de Samantha Geimer.
Néanmoins, s’il rejette tous ces témoignages contre sa personne, il ne s’est jamais caché « d’aimer les jeunes femmes ». Dans son autobiographie Roman, sortie en 1984, il raconte son rapport sexuel avec Samantha Geimer (qui avait donc 13 ans lors des faits) et assure ne pas y voir de problème :
« Il ne m’était jamais venu à l’esprit que je pourrais finir en prison pour avoir fait l’amour. »
Preuve en est avec cette interview déterrée par l’INA datant de 1979 où, devant Jean-Pierre Elkabbach, il reconnaît « sa préférence pour les jeunes filles » qu’il n’a « jamais cachée » :