La cour d’assises des mineurs de Paris a condamné vendredi 22 mars dans la soirée le fondateur du projet pédagogique l’Ecole en bateau, Léonide Kameneff, à 12 ans de réclusion criminelle pour viols contre des enfants, à l’issue de trois semaines d’audience.
Cet homme de 76 ans, qui avait présenté dans la matinée ses « excuses à ceux à qui (il) a fait du mal », a été reconnu coupable de viols, tentative de viol et agressions sexuelles contre cinq enfants dans les années 1980 et 1990. Le parquet avait requis 10 à 12 ans de réclusion contre l’ancien psychothérapeute.
Deux ex-équipiers de Kameneff ont été condamnés respectivement à six ans ferme et cinq ans de prison avec sursis. Un troisième, ancien élève de l’école âgé de 17 ans au moment des faits, a été acquitté.
Les quatre accusés étaient poursuivis pour viols et agressions sexuelles sur neuf enfants entre 1981 et 1994, aujourd’hui des adultes âgés de 33 à 46 ans.
Appelé à la barre pour une dernière prise de parole vendredi matin, Léonide Kameneff avait déclaré: « Je ne suis pas en situation de demander pardon (…), le pardon ça ne se demande pas, ça s’octroie ».
Pendant trois terribles semaines, les plaignants ont livré à la barre des témoignages poignants sur « l’emprise » exercée par les encadrants, notamment à bord du Karrek Ven, dans un climat où la nudité et les relations sexuelles entre adultes et enfants étaient valorisées.
« Le sexe était devenu l’étalon pour l’intégration à l’aventure », a accusé l’avocat général dans son réquisitoire. Derrière « la vitrine incroyablement rutilante » de l’Ecole en bateau, sujet de nombreux reportages de presse ou de télévision, sévissait « une pédophilie en col blanc », a déclaré l’avocat des parties civiles.
« Un pédophile, un prédateur, un salopard »
« L’attirance pédophile de Léonide Kameneff était bien antérieure à l’Ecole en bateau et aux événements de mai 1968 », a conclu la cour d’assises dans ses motivations. « Les viols et les agressions sexuelles commis sur de très jeunes garçons pendant plus de vingt ans ne s’inscrivent nullement dans le contexte d’une époque prétendument permissive, mais bien dans le cadre d’une sexualité déviante », a -t-elle jugé.
Près d’une trentaine d’autres anciens élèves, parmi les centaines ayant participé entre 1969 et 2002 à cette aventure pédagogique qui souhaitait offrir aux jeunes une autre manière d’apprendre, ont aussi dénoncé des abus sexuels, mais ces faits sont prescrits.
« J’ai pris conscience peu à peu au cours de ce procès des souffrances que j’avais causées », a encore déclaré vendredi Léonide Kameneff.
« J’ai la certitude, aussi énorme que cela puisse paraître, qu’il y avait de l’amour » dans la relation de Léonide Kameneff avec ses élèves, a plaidé jeudi son avocat, Me Yann Choucq. Mais « les ayant trop aimés, vous les avez mal aimés », a-t-il lancé à son client.
Son ancien bras droit, Bernard Poggi, 60 ans, condamné à six ans ferme, avait demandé « pardon », « même si c’est peut-être trop tard ». A l’audience, il a révélé avoir lui-même été abusé par Kameneff à l’âge de 12 ans.
Alors que ce dernier s’est retranché pendant une bonne partie du procès derrière l’idéologie libertaire des années 70, récusant fermement le terme de « pédophilie », Bernard Poggi a admis avoir été un « pédophile, un prédateur, un salopard ». Ce père de trois enfants a tenté de convaincre la cour qu’il avait changé depuis.
Jean-François Tisseyre, 58 ans, un autre encadrant aujourd’hui lourdement handicapé, contestait le viol qu’on lui reprochait: Il a été condamné à cinq ans avec sursis.
Enfin, un autre « enfant abusé devenu abuseur », G. C, 39 ans, accusé de viols et d’agression sexuelle alors qu’il était lui-même élève de l’Ecole en bateau, et également partie civile dans ce dossier, a été acquitté.
Source: http://www.huffingtonpost.fr/2013/03/22/ecole-en-bateau-kameneff-condamne-12-ans-prison_n_2934990.html