Libération Philippe Val victime d’une mise en quarantaine? «Depuis l’affaire Font, on me traîne dans la merde».

Share Button

La mise en examen de Patrick Font pour atteintes sexuelles sur des enfants de moins de 15 ans rejaillit sur son compagnon de duo, Philippe Val, boycotté par certains médias, attaqué par l’extrême droite » «C’est comme si la foudre était tombée sur mon toit.» Interview.

Depuis la révélation, le 15 août par l’AFP, de l’affaire Font, son ex-compère Philippe Val fait bien involontairement les frais d’une mise en quarantaine médiatique. Le 25 juillet, l’humoriste Patrick Font, avec lequel Philippe Val se produisait en duo depuis une vingtaine d’années, est incarcéré à la prison d’Aiton (Haute-Savoie) pour atteintes sexuelles sur enfants de moins de 15 ans. Depuis, le dossier est toujours à l’instruction. Patrick Font avait ouvert à la rentrée 1994 une école parallèle baptisée Marie-Pantalon, où se seraient déroulés les faits reprochés. Le duo Font et Val était si indissociable dans l’esprit du public que la confusion sur les prénoms était fréquente. Y compris dans un article paru dans Libération en octobre 1995. Pourtant les deux hommes ont suivi des trajectoires différentes. Ces dernières années, Philippe Val s’est surtout fait remarquer par ses articles corrosifs anti-FN. Il avait même été agressé, le 2 octobre 1995, par des extrémistes traditionalistes, à la sortie d’une émission de Christophe Dechavanne.  Patrick Font, lui, qui collaborait à Charlie Hebdo en y publiant ses chroniques radio, ne s’était pas investi dans ce combat-là. Néanmoins la confusion perdure. Philippe Val s’en explique.

Pourquoi avez-vous attendu le 11 septembre pour écrire sur l’affaire Font dans Charlie Hebdo? D’abord parce qu’on avait très peu d’éléments. Moi je l’ai su avant, au mois de juin. Font m’a dit lui-même que des plaintes étaient déposées contre lui pour des histoires sexuelles avec des enfants. Il m’a lâché trois phrases, après il est resté mutique. Aussitôt j’ai arrêté sa collaboration dans Charlie. Et on a fait deux communiqués dès que l’affaire est sortie, ce n’était quand même pas à nous de l’annoncer! On vous a reproché d’avoir alors lâché Font comme si vous ne le connaissiez pas. Vraiment, vous n’avez rien su plus tôt?

Je conçois que ce soit difficilement compréhensible. Les faits reprochés sont apparemment récents. D’abord Font aimait bien parler de cul sur scène, depuis toujours » J’ai toujours pensé que ça faisait partie de ses thèmes de rigolade. Mais enfin, Nabokov a écrit Lolita! Elle a 10 ans dans le roman, et Nabokov n’était pas pédophile! » Ce duo Font et Val était une création pour la scène. Nos vies, c’était comme le duo Laurel et Hardy. Patrick et moi, on ne se fréquentait pratiquement pas en dehors de la scène, d’autant qu’il habite en Haute-Savoie depuis quinze ans. Laurel et Hardy, ils ne pouvaient pas se blairer, ils avaient des vies totalement séparées.

Et dans les longues tournées ensemble? En tournée, on avait des relations amicales et une complicité professionnelle. J’ai toujours eu une grande admiration pour l’artiste et sa forme comique délirante. Sinon, on ne se fréquentait pas du tout. En dehors des tournées, on a peut-être bu un coup ensemble deux fois en dix ans! » Vous ne savez pas ce que c’est un duo! Si on ne protège pas sa vie, on est foutu. En prison, il m’a écrit une lettre avec «bonjour à ta femme», pourtant je suis divorcé depuis des années! » Et il me parlait d’autant moins de Marie-Pantalon que je suis opposé aux écoles privées en général et aux écoles parallèles en particulier. Je pense que l’école républicaine doit faire son travail, c’était un vieux sujet de conflit entre nous. D’ailleurs il n’était pas à l’aise avec nous à Charlie. Il nous voyait peut-être comme des puritains… Il nous faxait ses chroniques de Rien à cirer, souvent excellentes, et on les publiait. Est-ce que toute cette affaire ne décrédibilise pas le combat de Charlie contre le Front national? Cela a été du pain bénit pour la presse d’extrême droite qui, elle, ne s’attaque pas tant aux idées qu’aux personnes. Et qui me traîne dans la merde, à travers Patrick, dans Minute, Présent, Jalons, National Hebdo, Rivarol » Et de même que les gens ne savent pas qui est Laurel et qui est Hardy, on nous confond! C’est comme si la foudre était tombée sur mon toit. Les médias font-ils vraiment la confusion?  Alors que j’ai reçu des sacs de courrier de soutien de lecteurs, j’ai eu des déboires avec les médias. Je devais être invité à Nulle part ailleurs sur Canal + pour la sortie de mon livre. On a répondu à l’attachée de presse que, compte tenu de l’affaire Font, ce n’était plus possible. Le Provençal, pareil. La colère m’a pris et j’ai appelé le journaliste: «Tu ne peux pas me boycotter à cause de Font, c’est dégueulasse. Moi, je vis de mon nom, et mon nom en ce moment est dans la merde.» Finalement j’ai vu ce journaliste. C’était son rédacteur en chef qui lui avait dit: «Val, ça sent le soufre!»

Mais vous-même, vous avez bien censuré un dessin de Lefred Thouron qui évoquait l’affaire dans Charlie?

Il n’a pas été censuré. On lui a dit: «C’est emmerdant de passer ce dessin vis-à-vis des parents.» On voyait Patrick Font en train de toucher les seins d’une petite fille, les parents arrivaient de derrière un rideau, et la petite fille disait«Ciel mes parents!». On sentait une complicité entre Font et la petite fille contre les parents, ça banalisait la pédophilie, ça traitait avec légèreté un sujet dramatique. Mais on a passé le dessin la semaine suivante, avec une explication pour le désamorcer. La pédophilie me glace autant que l’antisémitisme, je réprouve haut et fort. Mais à mon sens, la pédophilie, elle, relève de la psychiatrie. C’est clair et net.

Laisser un commentaire