Comment Télez-vous ? n°51 IMPOSSIBLE OU CENSURÉ ? Annulation du débat de l’Ecran Témoin du lundi 11 octobre 1999

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Le 11 octobre 1999, l’Ecran Témoin de la RTBF s’est déroulé sans son habituel “débat”

Son thème était : “Dutroux est-il un pervers isolé ?”. Le débat n’a pas eu lieu parce que plusieurs intervenants se sont désistés et que le pla- teau ne pouvait plus être “équilibré”.

Depuis de nombreux mois, l’affaire Dutroux, Nihoul, etc. suscite des avis très contradictoires au sein des rédactions de la RTBF. Globalement, à Liège, l’émission “Faits Divers” soutient la réflexion des parents Rus- so et explore les pistes qui peuvent mener aux réseaux pédophiles.

A Charleroi, par contre, l’émission “Au nom de la loi” privilégie jusqu’à preuve du contraire la version d’un Dutroux isolé.

Dans l’enquête menée dans La Libre Belgique pour découvrir les raisons de l’annulation du débat de l’Ecran Témoin, Philippe Vandenbergh nous apprend que les journalistes d’Au nom de la Loi et de Faits Divers “auraient été interdits d’antenne pour ce débat”.

L’ensemble de la presse écrite qui a commenté l’événement accrédite le constat selon lequel ce serait la tendance favorable à la thèse des réseaux qui se serait abstenue et donc aurait fait capoter le débat. Mais personne n’explique dans quel intérêt elle aurait agi ainsi. En effet, les thèses que cette tendance présente publique- ment semblent cohérentes. Il est donc difficilement imaginable que ce serait par manque de confiance dans ses arguments qu’elle aurait décidé de s’abstenir.

AUTOPSIE D’UNE ENQUÊTE

Le programme proposé après le débat par la RTBF a peut-être joué un rôle non négligeable dans le processus d’annulation du débat.

En effet, “Autopsie d’une enquête” de Jean-François Bastin, coproduit par Arte et la RTBF, est un documentaire engagé qui, sous des dehors apparemment pluralistes, dénonce le fonctionnement de la Commission d’enquête des enfants disparus et assassinés ainsi que de sa médiatisation.

Il est probable que les parents Russo ne tenaient pas à ce que ce documentaire soit diffusé.

La RTBF aurait promis de ne pas diffuser ce documentaire sans débat. Si ce der- nier était annulé, “Autopsie d’une enquête” n’aurait pas dû être diffusé le 11 octobre. La RTBF n’a pas tenu sa pro- messe et l’a diffusé sans débat. Pourquoi ?

LE SOIR ILLUSTRÉ…

Deux témoignages très différents peuvent mieux cerner les raisons de l’annulation du débat de l’Ecran Témoin.

Dans “Le Soir Illustré” du 20 octobre 1999, le journaliste Jean-Frédéric Deliège explique : “… L’auteur de ces lignes avait marqué son accord pour participer au débat : la liste des invités était équilibrée. On était alors jeudi midi. Le lundi suivant (le 11 octobre), même heure, coup de télé- phone : le débat est annulé pour cause de plateau “déséquilibré”. On apprendra par la suite que les invi- tés proches des parents Russo se sont défilés les uns après les autres sur les “conseils” des premiers. Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que Paul Germain et sa col- lègue Martine Ernst, qui organisaient le débat, sont, dès le départ, allés de com- promis en compromis pour s’assurer la présence des parents Russo sur le plateau. L’histoire commence en avril dernier lorsque Arte diffuse le documentaire de Jean-François Bastin sur la commission Dutroux. Les parents Russo veulent le visionner avant diffusion et s’adressent à la RTBF cproductrice de ce documentaire par ailleurs excellent. On leur fait poliment com- prendre qu’il n’en est pas question et ils se tournent vers Arte qui accepte. On y signe même un document où Arte s’engage à ce que le documentaire ne soit pas diffusé par la RTBF. Un comble ! Lorsque Paul Germain et Martine Ernst organisent leur soirée et déci- dent de diffuser le reportage de Bastin –après le débat qui lui-même doit suivre le film “Pure fiction”– ils se heurtent aux parents Russo qui brandissent le papier signé par Arte. Un accord est alors passé avec les Russo dans lequel la RTBF s’engage à obligatoirement organiser un débat avec les parents de Mélissa si elle diffuse le documentaire. À partir de là, le dérapage était assuré. La composition du plateau sera soumise aux parents qui feront, par journalistes et avocats amis, tourner Paul Germain en bourrique et finiront par provoquer une crise à la RTBF où certains n’apprécient pas du tout d’avoir vu le service public baisser pavillon de la sorte…”

…ET LE MATIN

Pour mieux comprendre l’autre témoignage que nous allons vous proposer, il faut faire un bref retour en arrière. Le 1er octobre 1999, la RTBF a diffusé en radio le billet suivant : «…Je sais qu’il existe en Belgique des réseaux de pédophilie avec des assassinats d’enfants, parfois même filmés. Marc Dutroux n’est pas un isolé : voilà ce que déclarait Françoise Van de Moortel, le 16 août dernier, dans le quotidien La Meuse, une interview publiée la veille de la date anniversaire de la découverte des corps de Julie et Mélissa. Ces propos ne sont pas passé inaperçus au cabinet du juge Langlois. Lequel estime qu’il est de son droit, de son devoir même, d’auditionner toute personne susceptible d’enrichir son dossier d’instruction. Françoise Van de Moortel a donc été priée de se présenter à Neufchâteau. Une audition dont les enquêteurs disent qu’elle n’a pas apporté d’éléments concrets et nouveaux…»

Le 3 octobre 1999, le Comité de soutien aux parents de Julie et Mélissa publie un communiqué de presse qui dénonce cette séquence de la RTBF et parle de désinformation de l’opinion publique : “…Les bulle- tins d’information concernant la Chambre du Conseil qui s’est tenue ce dernier vendredi, à Neuf- château, visent essentielle- ment une journaliste professionnelle, qui a travaillé plus de 25 ans à la RTBF. Son analyse, son courage et sa lucidité l’ont poussée à s’engager auprès des parents de Julie et Mélissa, après avoir fait plusieurs enquêtes et reportages sur la criminalité organisée et la traite des êtres humains en Belgique. Cette journaliste, Françoise Van De Moortel a été entendue par le juge Langlois dans une audition dont elle savait que son utilité n’était autre que de vouloir l’intimider. il est aberrant de constater que le secret de cette audi- tion a été unilatéralement violé de façon à être utilisé par un journaliste de la RTBF pour l’attaquer…”

Pourquoi Françoise Van De Moortel, ancienne présenta- trice de l’Ecran Témoin, ne fut-elle pas invitée au débat du 11 octobre par son successeur, Paul Germain ? Marc Reisinger, psychiatre, repré- sentant l’association “Pour la vérité” donne sa version des faits dans un billet publié par Le Matin du 20 octobre 1999 : “…Au départ, la direction (NDLR : de la RTBF) voulait censurer ce débat, en interdisant notamment d’inviter Fran- çoise Van De Moortel sous prétexte qu’elle défend des thèses réfutées par la Justice. La direction souhaitait donc que le débat soit clos avant d’être ouvert. (…) La réponse de notre télévision nationale à la question “Dutroux est-il un prédateur isolé ?” est claire : “Il faut qu’il le soit, sinon silence…”. (…) Comment expliquer l’importance “nationale” prise par ces deux personnages médiocres (NDLR : Dutroux et Nihoul), capables de pro- voquer quatre réunions de la direction de la RTBF et la suppression d’un débat télévisé ? La réponse se trouve en partie dans les travaux de l’ex-commission d’enquête parlementaire sur les disparitions d’enfants, au chapitre “Réseau relationnel de M.Nihoul”. Ce réseau est la clef du secret qui empêche tout débat public sur le sujet. L’escroc flambeur et partouzeur entretenait des liens étroits avec des ministres et des officiers de la gendarmerie. Ces mêmes personnalités étaient impliquées dans une affaire de mœurs étouffée au début des années 1980 (les ballets roses) qui semble avoir provoqué l’incendie du journal Pour. Le débat gênait apparemment déjà, à l’époque. Face à de telles atteintes à la liberté d’expression et aux blocages de la Justice, la condition pour ne pas attendre cinquante ans la vérité est sans doute de réclamer la création d’une nouvelle commission d’enquête parlementaire”.

 

Les dossiers X

Ce 10 novembre 1999, est sorti de presse aux Editions EPO “Les dossiers X” ou “Ce que la Belgique ne devait pas savoir sur l’affaire Dutroux” de Marie-Jeanne Van Heeswyck (ex-RTBF) ainsi que de Annemie Bulté et Dou- glas De Conninck (De Morgen). Cette enquête extrêmement détaillée de près de cinq cent pages nous semble essentielle. L’A.T.A. sera particulièrement attentive à la manière dont la RTBF et RTL TVi vont non seulement présenter ce livre mais également utiliser sa matière dans leurs multiples émissions d’information. Nous sommes curieux de découvrir comment “Au nom de la loi” va se positionner par rapport à ce travail. D’autre part, les prochains “Midis de l’Audiovisuel” de décembre et janvier (voir présentation en annexe) analy- seront la problématique abordée sur cette page.

 

Source: http://www.consoloisirs.be/ata/pdf/ata51.pdf

 

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