L'Express Le remords de Cohn-Bendit

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Le député européen a écrit des pages choquantes sur son activité d’éducateur, dans les années 70. Invoquant le contexte de l’époque, il s’explique
On n’a pas envie de chercher des poux dans le passé d’un homme sympathique, icône ludique et chaleureuse de toute une génération. Pourtant, on est frappé de stupeur quand on voit remonter à la surface ces quelques écrits, parmi d’autres, signés de la main de Daniel Cohn-Bendit en 1975, à propos de ses activités d’éducateur dans un jardin d’enfants autogéré, à Francfort:
« Il m’était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais:  Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi vous m’avez choisi, moi, et pas les autres gosses? ? Mais s’ils insistaient, je les caressais quand même. »
Ailleurs, Daniel Cohn-Bendit raconte: « Mon flirt permanent avec tous les gosses prenait vite des formes d’érotisme. Je sentais vraiment que les petites filles, à 5 ans, avaient déjà appris comment m’emmener en bateau, me draguer. C’est incroyable. La plupart du temps, j’étais désarmé. » L’hebdomadaire britannique The Observer a publié ces extraits choquants sur une page pleine, le 28 janvier dernier. Trois quotidiens, depuis, leur ont consacré un article: l’anglais The Independent, l’italien La Repubblica et l’allemand Bild. Un ancien ministre de la Justice (1992-1993), Klaus Kinkel, a publié dans un journal berlinois une lettre ouverte à Daniel Cohn-Bendit dans laquelle il lui demande des comptes. Pour se défendre, ce dernier a envoyé au journal une lettre signée d’une vingtaine d’ex-parents et enfants du jardin d’enfants:
« Il s’agissait de transgresser des frontières et de briser les interdits. Cela n’avait rien à voir avec des abus sexuels. »
Dany ex-le Rouge n’est pas du genre à se dérober. Tout de même mal à l’aise, à Lyon, où il est de passage, il explique que c’est Bettina Röhl, la fille d’Ulrike Meinhof – l’un des leaders de la bande à Baader – qui a lancé cette histoire, sur son site Internet, dans le cadre de ses règlements de comptes affectifs avec les anciens de cette époque. Il suggère qu’à travers lui c’est le ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, dont Cohn-Bendit est l’un des proches, qui est visé. Interrogée par L’Express, Bettina Röhl confirme: « J’ai voulu montrer quel genre d’individu est vraiment Cohn-Bendit. » Évidemment, le député européen ne peut nier avoir écrit ces lignes dans un livre – Le Grand Bazar (Belfond) – qui, dit-il, s’est vendu à 30 000 exemplaires et dont pas un chroniqueur à l’époque n’a souligné le caractère scandaleux. L’humeur du temps était à la libération des mœurs, plaide-t-il. Daniel Cohn-Bendit, comme tant d’autres, disciples ou non de Wilhelm Reich, croyait à la révolution sexuelle. De là à prôner des pratiques pédophiles, il y avait un pas que tout le monde ne franchissait pas. Il reconnaît aujourd’hui que ces passages sont « d’une inconscience insoutenable ». Mais les actes?
« J’ai raconté ça par pure provocation, pour épater le bourgeois », commence-t-il. Le député européen explique ensuite qu’il se prenait à lui tout seul pour le « carrefour du gauchisme » et qu’il n’a fait que relayer les débats qu’il avait avec les parents de la crèche: « On discutait sans fin de la sexualité des enfants. » Enfin, à plusieurs reprises, il parle à la troisième personne: « La personne qui a fait ça… ». « Non, insiste-t-il, ce n’est pas moi: j’ai écrit « je » pour condenser le débat. » A l’époque, explique-t-il, leur petit groupe était obsédé par la répression sous toutes ses formes, y compris la répression sexuelle. « Nous pensions qu’une éducation anti-autoritaire devait permettre à un enfant de grandir sans interdit sexuel. » Et aujourd’hui? « Je dirais encore que les enfants sont des séducteurs, mais je ne le traduirais pas en termes sexuels. Je dirais aussi qu’avoir une attitude responsable en matière de sexualité est l’une des choses les plus difficiles qui soient, si l’on est honnête… » Daniel Cohn-Bendit précise qu’après la parution du livre il avait été de nouveau recruté par une crèche alternative pour s’occuper des enfants. Intelligemment stigmatisée par Jean-Claude Guillebaud dans La Tyrannie du plaisir (Seuil), la complaisance de l’époque pour les excès de langage – et parfois d’actes – des militants de la libération sexuelle s’accompagnait d’un véritable aveuglement: l’enfant, croyaient-ils, ne demandait qu’à exprimer sa sexualité, et c’était l’interdit qui constituait un abus sexuel. Cette complaisance, qui a servi d’alibi et de caution culturelle à bien des pédophiles, masque aussi une autre réalité, l’infantilisme d’une mouvance: « Je m’identifiais aux enfants », confie Cohn-Bendit dans son livre. Il ajoute:
« J’avais besoin d’être inconditionnellement accepté par eux. Je voulais que les gosses aient envie de moi et je faisais tout pour qu’ils dépendent de moi. »
A la lumière des affaires pédophiles qui explosent maintenant, ces propos sont évidemment inaudibles. « Sachant ce que je sais aujourd’hui des abus sexuels, conclut Daniel Cohn-Bendit, j’ai des remords d’avoir écrit tout cela. »
Source: http://www.lexpress.fr/actualite/politique/le-remords-de-cohn-bendit_492893.html

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