(Extrait du livre "La mondialisation des industries du sexe") Proxénétisme en Bosnie par l’ONU et l’OTAN

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La traite des femmes a considérablement augmenté avec la présence de la mission de pacification d l’ONU en Bosnie-Herzégovine. L’histoire de la mise en place de l’Arizona Market en Bosnie est édifiante. Ce vaste marché détaxé porte le nom d’un désert américain, car les Etats-Unis y ont initié la création d’une zone franche « pour réconcilier par le commerce » les populations serbo-croate et bosniaque. Le SFOR l’a créé en 1992, à trente kilomètres de Brčko, près de la frontière de la Serbie et de la Croatie. Dans cette zone du nord du pays, laissée sous autorité américaine et internationale après 1999, le système proxénète a établi son marché. Les femmes y sont vendues comme l’étaient les esclaves victimes de la traite des négriers. Le processus de vente se déroule comme suit : les jeunes femmes montent sur la scène d’un bar quelconque, y font quelques pirouettes pendant que les acheteurs inspectent leur corps et même leur bouche avant de faire une offre, « entre 2000 et 4000 marks allemands » pour les plus convoitées.

Un certain nombre de rapports font état de dissimulation de la participation d’équipes spéciales de la police de l’ONU ou de soldats  sous le commandement de l’OTAN dans la traite des femmes et des enfants aux fins de prostitution. Mais peu à peu la vérité s’est frayé un chemin. Les soldats de la SFOR, le personnel de l’ONU ainsi que celui des quatre cent ONG de Bosnie, profitent non seulement du marché prostitutionnel comme clients, mais dans certains cas en sont m^me les trafiquants proxénètes. Un rapport de l’ONU, non publié à l’extérieur de la Bosnie, met en évidence la complicité de la police locale, de la SFOR et même de l’IPTF dans de nombreuses affaires de prostitution, de traite ou de « protection » de ces industries en échange d’argent ou de passes gratuites. Une ancienne employée de l’ONU, mise à pied après avoir dénoncé aux plus hautes autorités de l’ONU et de la SFOR de Bosnie-Herzégovine  l’implication de certains de leur membres dans la traite, a intenté une poursuite en justice contre son employeur, la société de sécurité britannique DynCorp Aerospace, une filiale de la société DynCorp Incorporated, qui est chargée, entre autres, du recrutement des officiers de l’IPTF. Selon ses accusations, des employés de la DynCorp ont contrefait des documents pour faciliter le transport de femmes victimes de la traite en Bosnie. En 1998, des accusations ont été portées contre des soldats italiens, portugais et égyptiens, sous le commandement de l’OTAN, pour leur implication dans un réseau de prostitution d’enfants – des fillettes âgées de douze à quatorze ans – à Sarajevo. L’OTAN a écarté du revers de la main ces allégations.

Ajoutons à ce sombre tableau le fait que les accords de paix de Dayton de 1995 permettent à l’ONU « le mouvement complet et libre » et ne lui confère « aucune responsabilité pour les dégâts à la propriété ». L’annexe B donne l’immunité légale au personnel de l’OTAN pour ses actions « dans toutes les circonstances et à tout moment ». Il est désormais soumis « à la juridiction exclusive » de la justice des pays d’origine, peu importe les infractions criminelles commises en Bosnie. Les pouvoirs occidentaux gouvernent la Bosnie et les autres « protectorats » de la région comme les anciens maîtres coloniaux dirigeaient leurs empires.

Il semble paradoxal que, dans un pays qui a connu les horreurs de la guerre civile, certaines violations des droits humains les plus élémentaires soient commis par la communauté internationale  censée apporter la paix et permettre la reconstruction des infrastructures du pays. Toutefois, comme les exemples de la Corée et du Vietnam le montrent à qui veut bien voir, ce paradoxe n’en est pas un : le stationnement de troupes armées amène en effet le développement d’infrastructures « récréatives », notamment prostitutionnelles, sources ultérieures de tourisme sexuel. Dans tous les cas, armées et police, relations marchandes, soumission des femmes et des enfants et expansion des industries sexuelles vont de pair.

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