Le Point Les « Infiltrés » : l’émission qui fait tomber 23 pédophiles

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Les pédophiles qui agissent sur Internet demandent à leur proie d’effacer l’historique de la conversation sur le Net. Quand l’enfant ignore la manip’, ils font du guidage informatique © AFP PHOTO CEOP

Vingt-deux pédophiles français et un pédophile québécois ont été interpellés par la police au cours des derniers mois. À l’origine de ce coup de filet, un journaliste : Laurent Richard, rédacteur en chef chez Capa (société de production) et auteur du documentaire diffusé mardi soir dans le cadre des Infiltrés , le magazine présenté par David Pujadas. Une plongée dans l’horreur du crime le mieux organisé sur Internet et qui pose, pour certains journaux, tel Libération , un cas de conscience : un journaliste peut-il se faire l’auxiliaire de la justice même quand il est question d’éviter le viol d’un mineur ?

Laurent Richard, son employeur et David Pujadas invoquent l’article 434-3 du Code pénal : « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. » Appliqué à la lettre, cet article de loi s’impose à tous, y compris aux journalistes. Mais d’autres estiment que la profession de journaliste, un poste d’observation, interdit l’action, et notamment la « dénonciation des sources ». Un pédophile qui confie à une caméra son attirance et sa méthode pour approcher et violer des enfants peut-il être considéré comme une « source » à protéger ? La question agite le milieu journalistique…

Travestir son identité pour approcher les pédophiles

Sur la méthode employée par Capa, d’autres questions surgissent. Laurent Richard s’est connecté sur des chats ados en se faisant passer pour « Jessica 12 ans ». Son constat est effarant : en quelques minutes, plusieurs adultes se présentent et tentent des approches. L’un d’eux branche sa webcam et entame une masturbation en direct… « Nous avions mis au point un code de conduite rigoureux, explique le journaliste. Nous attendions d’être contactés, on n’allait pas à la rencontre des autres internautes. Nous ne faisions aucune provocation, et lorsque le pédophile devenait explicite, « Jessica » disait « avoir peur ». » En l’occurrence, Laurent Richard travestit son identité. Or, la Charte des devoirs professionnels des journalistes français stipule qu’ »un journaliste, digne de ce nom, (…) s’interdit d’invoquer un titre ou une qualité imaginaire (…). » Là encore, les puristes tiquent… Parmi eux, le Forum permanent des sociétés de journalistes dénonce cette « dérive regrettable ».

Ce faisant, le journaliste de Capa a, grâce à ce subterfuge, constaté que les pédophiles déploient des tactiques pour déjouer la vigilance des parents. « Première chose : il demande aux enfants de ne pas en parler aux parents, indique Laurent Richard. Il demande à leur proie d’effacer l’historique de la conversation sur le Net. Quand l’enfant ignore la manip’, ils font du guidage informatique et connaissent, pour ce faire, tous les systèmes informatiques. » L’abordage est ensuite assez classique : les pédophiles du Net proposent des cadeaux aux enfants en l’échange d’une visite à leur domicile ou se proposent d’aller chercher les enfants à la sortie de l’école. »

Les chats ados, un nid à pédophiles

Laurent Richard, alias Jessica, propose aux pédophiles une rencontre sur le Champ-de-Mars, à Paris. Le jour de la rencontre, il aborde le pédophile en dévoilant sa vraie identité. Stupeur du téléspectateur : aucun des pédophiles ne s’enfuit en courant… Après quelques hésitations, ils acceptent de témoigner. Leur visage est flouté par la production. On sera alors effaré d’apprendre que chacun s’accommode assez bien de l’interdit : pour l’un, la vraie limite est « moins de 12 ans », un autre – chef d’entreprise – confie avoir débuté avec ses propres enfants…

Le journaliste de Capa teste ensuite les systèmes d’alerte des chats pour ados. Aucun ne fonctionne… Le cas le plus sérieux est celui du site ados.fr, du groupe Lagardère, leader de la conversation sur Internet. Les deux responsables se décomposent en apprenant que la modération ne fonctionne pas lorsqu’un abus est signalé. Et pour cause, celle-ci est sous-traitée et parfois exécutée par des ados eux-mêmes… À la suite de ce constat, le groupe Lagardère a fermé son site pendant quelque temps afin de professionnaliser sa modération…

Que fait la police ? L’enquête de Capa démontre là encore la faiblesse des moyens. « En France, une vingtaine de policiers aujourd’hui sont capables de traquer des pédophiles sur Internet… », précise Laurent Richard. Il n’y a, en revanche, aucune coopération policière entre les États. » Or, dans les pays de l’ex-bloc soviétique, toute une industrie du porno pédophile s’est développée. Des images tournées à l’Est, mais consommées à l’Ouest… L’horreur absolue : cette industrie connaît même des enfants stars, comme cette petite « Valia », régulièrement violée de 5 à 14 ans… Les peines pour détention d’images pédophiles (article 227-23 du Code pénal) sont très faibles en France (deux ans de prison, 30.000 euros d’amendes). Le reportage souligne le lien de cause à effet entre la production d’images dans les pays de l’Est et leur consommation rémunérée dans les pays d’Europe de l’Ouest. La loi, ici, présente un point faible qui sera débattu lors du plateau qui suit l’émission en présence, notamment, de Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille.

Par Emmanuel Berretta

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