Table Ronde La parole de l’enfant après la mystification d’Outreau

Table Ronde de l’institut de Criminologie
de l’université de Paris -Assas Panthéon
le 24 Février 2011

De gauche à droite : Pierre Mazet
(professeur de Pédopsychiatrie)
Marie-Christine Gryson
(Psychologue  – expert judiciaire)
Gérard Lopez  (Psychiatre – Expert,
cofondateur et coordinateur de la chaire
Unitwin (UNESCO)
Président de l’Institut de victimologie),
Pierre Joxe (Avocat, ancien Ministre)

La parole de l’enfant après la mystification d’Outreau
par Marie-Christine Gryson-Dejehansart
Auteure du livre « Outreau La vérité abusée »

Table Ronde de l’institut de Criminologie de
l’université de Paris -Assas Panthéon le 24 Février 2011

Introduction

L’intitulé de cette Table Ronde étant « La parole de l’enfant après la mystification d’Outreau » il est indispensable de le clarifier dès à présent en tant que premier intervenant.

C’est en connaissance de cause que je m’autorise à en parler, puisque j’ai été le témoin direct – avec tous les autres professionnels de l’affaire – de l’installation brutale de cette mystification, au moment du premier procès d’Outreau, aux assises de Saint-Omer en mai-juin 2004.

De quelle mystification parle t-on exactement ? De la falsification de la réalité d’Outreau qui est une conséquence de l’omerta sur la vérité judiciaire des enfants reconnus victimes. Ce 24 février 2011 personne ne sait – en dehors des initiés – que les 15 enfants concernés ont été reconnus victimes de viols et ou agressions sexuelles, proxénétisme et corruption de mineurs – dont 12 définitivement au procès en appel à Paris – car cette vérité judiciaire n’a jamais été relayée par les médias. A l’origine de cette mystification, l’on retrouve une manipulation par omission – puis par omerta – qui procède d’une dynamique de tromperie de l’opinion, de manière plus ou moins volontaire ou inconsciente, mais dont le dénominateur commun peut s’analyser en termes – d’intérêts opportunistes ou de régulation sociétale.

Et c’est à cause de cette mystification que nous sommes repartis 15 ans en arrière dans le domaine de la prise en compte de la parole de l’enfant victime d’agressions sexuelles.

La vérité judiciaire des enfants a été progressivement remplacée par la vérité médiatique que j’ai appelé la storytelling d’Outreau. La bonne histoire au bon moment à savoir: « Grâce à Outreau, on a appris que les enfants  » carencés  »inventent des agressions sexuelles. »

On neutralise les références à notre bon sens commun qui estime qu’un petit enfant ne peut imaginer des pratiques sexuelles entre adulte et enfant telles que la sodomie ou la fellation, en ajoutant le qualificatif de « carencé ». Ce sont des enfants différents des nôtres puisqu’ils dont carencés, et donc possiblement dégénérés et donc capable de tout.

Ce 24 février 2011, alors que la commémoration des 10 années desarrestations des accusés, se répand sur toutes les télévisions et dans les journaux, la question qui se pose de manière légitime est la suivante : de quelle façon cette rétrospective nous est-elle présentée par les médias télévisés, qui n’ont pas intégré la vérité judiciaire des enfants ? Le constat est immédiat : elle nous est présentée de la manière la plus réductrice, la plus régressive et la plus caricaturale possible. La justice ne « triangule » plus la relation binaire entre le coupable et la victime puisque c’est la justice qui est coupable. Régression de civilisation s’il en est !

La justice « télé-réalité » nous présente, d’un côté les victimes : à savoir les acquittés au moment des procès, mais aussi lors de leur audition devant la Commission parlementaire. On nous présente aussitôt après, leur vie aujourd’hui, la manière dont ils se sont remis ou pas, de leur implication, dénoncée comme odieuse, dans ce qui est toujours présenté comme un prodigieux fiasco judiciaire.

En face d’eux, il nous est donné à voir l’exhibition infamante d’un juge – opportunément jeune – devant la commission d’enquête parlementaire – présenté comme un trophée des temps les plus archaïques. Sa souffrance évidente est donnée à voir en symétrie punitive face à celle des acquittés. Elle se doit d’être interprétée comme une mortification, preuve de culpabilité.

Paradoxalement, cette image du représentant de notre justice, continue de le condamner à l’opprobre publique, alors que celle du violeur d’enfants condamné à 20 ans de réclusion criminelle, est totalement préservée.

Il est donc devenu plus mauvais sujet que ce violeur d’enfant tout comme les experts l’ont été durant les procès, et ce grâce à la réactivation permanente des images qui correspondent à la structure binaire du psychisme humain et de la justice : le face-à-face victime/coupable.

Un autre constat s’impose : la justice est définitivement sous contrôle de la télé-réalité dans ce type d’affaire,en effet, quel magistrat osera courir le risque de cette mise au pilori, juste pour avoir entendu et pris en compte la parole d’enfants dénonçant des viols ?

D’enfants, il n’est plus jamais question, ce qui est normal, puisque tout l’espace victimaire est occupé par les acquittés dans l’esprit des citoyens téléspectateurs, il n’y a donc plusaucune place pour les enfants, victimes reconnues judiciairement.

Il s’avère que lors de ces divers reportages, le mot enfant n’est même plus prononcéon parle de procès de la pédophilie associé de suite aux termes d’erreur judiciaire.

Les enfants à l’origine de l’intervention de la justice, ont totalement disparu de la scène médiatique mais lorsque de rares fois ils réapparaissent, 10 ans donc après le début de l’affaire d’Outreau, ils ne sont que deux petits êtres dangereux voire diaboliques qui ont accusés à tort et à travers sous l’emprise d’une mère mythomane ! Précisons ici que les premières révélations ont eu lieu un an après le placement des enfants de la première famille incriminée, le couple Delay-Badaoui qui était par ailleurs déjà incarcéré quand d’autres enfants ont effectué leurs propres révélations.

La vérité médiatique qui renvoie à la storytelling d’Outreau, ne coïncide donc pas avec la vérité judiciaire, mais c’est cette dernière qui est devenue la vérité officielle. C’est cette mystification, cette authentique falsification de la réalité qui a emporté avec elle, un grand nombre d’acquis en terme de victimologie infantile et donc de protection de l’enfant, mais aussi en termes d’évolution de civilisation.

J’en ai été le témoin indigné,en tant que citoyenne – le concept est à la mode – et comme l’indignation est moteur d’action, j’ai tenté d’agir efficacement en tant que psychologue clinicienne, en apportant une analyse du comment et du pourquoi de cette mystification.

Comment en est-on arrivé là ?

Tout a commencé au procès de Saint-Omer ….je vais donc vous évoquer très brièvement les moments-clé qui ont contribué à la mise en place de cette storytelling et correlativement, de l’omerta sur la vérité judiciaire des enfants.

1 – Au procès de Saint-Omer : installation de la storytelling et de l’omerta sur la vérité judiciaire des enfants.

Le procès de Saint-Omer a été le premier procès télé-réalité de l’histoire de la justice française, c’était la stratégie de la défense qui assurait la communication avec les médias.Le procès s’est davantage passé sur le trottoir que dans l’enceinte du tribunal. Depuis, afin d’éviter cette anomalie Outreau, un magistrat est systématiquement désigné pour assurer la communication du procès auprès des médias.

Dans un tel procès, la parole de l’enfant ne peut y trouver sa place puisqu’il est interdit d’image pour des raisons de minorité. Sa souffrance ne pouvait donc s’incarner à l’image, il était perdant d’avance, car elle ne peut exister si elle n’est pas représentable à l’écran.Le procès était d’emblée médiatiquement inéquitable.

Les deux avocats des enfants d’Outreau, mandatés par le Conseil Général du Pas de Calais – relayés par 3 ou 4 avocats d’association de défense des enfants – se montraient à peine, totalement tétanisés, selon les procureur Erik Maurel1face aux 19 avocats de la défense.

Les enfants d’Outreau n’avaient pas de parents – et pour cause – pour pleurer leur désespoir devant les caméras et tous les professionnels susceptibles d’y évoquer leurs traumatismes, était interdits de parole, par obligation de réserve.

Et malheur à ceux qui venaient à l’oublier, cette anecdote illustre bien l’inégalité de la communication : le professeur JL Viaux Expert en dualité de 4 enfants Delay, un soir d’exaspération, peu avant notre déposition, a écrit un billet d’humeur au journal Le Monde. Il voulait candidement en appeler à la raison et à plus de lucidité, il s’est vu aussitôt poursuivi par la défense pour atteinte à l’équité du procès et une plainte a été déposée contre lui, auprès de la Cour Européenne des droits de l’homme. De plus, les avocats des accusés ont demandé sa radiation de la liste des Experts près la Cour de Cassation.

Certes, il y a eu quand même un procès dans l’enceinte des assises, mais les enfants dans la salle d’audience étaient encore plus mal lotis, puisqu’ils étaient installés faute de moyen et de place, dans le box des accusés

Quant aux 17 accusés, ils étaient installés avec leurs 19 avocats et la centaine de journalistes qui n’en n’ont jamais fait état, dans la salle là où se trouve habituellement le public. Ils étaient spectateurs de leurs procès. L’inversion des culpabilités était donc inscrite d’emblée dans cette configuration que l’on peut qualifier étymologiquement de perverse. (de pervetere, inverser, renverser).

Or la liturgie judiciaire ne peut se dérouler que dans un cadre rituel. Ce qui stabilise les repères basiques du psychisme humain par les contraires binaires et qui en l’occurrence sont répétons le, en adéquation avec ceux de la justice le permis/l’interdit, le bien/le mal, le coupable/la victime, ont été mis à mal par cette configuration que l’on peut qualifier de « confusionnante » selon la nomenclature de l’hypnose. Il s’avère que cette réalité objective n’a pas été décryptée par les journalistes puisqu’ils n’en ont jamais parlé. Tous les repères hypnotiques étaient présents : confusion de la structuration qui stabilise le réel, associée à une atmosphère étouffante, une salle bondée, électriquement passionnelle, théâtre d’une bronca et d’une foire d’empoigne incessantes. Et dominant tout cela, un autoritaire et tonitruant maître du jeu – l’avocat de la défense le plus connu – en mouvement permanent dirigeant les débats d’une voix dont l’indignation colérique focalisait totalement l’attention sur son regard et ses jeux de manche. Il a été surnommé la terreur des assises, mais aussi l’ogre des assises et le succès de la technique est imparable, puisqu’il est le champion de France des acquittements.

Seul son discours était audible et attendu car pour les jurés médiatiques – les journalistes de la salle d’audience – celui qui dépose à la barre ne peut capter l’attention de l’auditoire car il est de dos. Il est intéressant de remarquer ici que les anglo-saxons en vertu de leur pragmatisme habituel ont depuis longtemps contourné cette difficulté en installant les témoins et les experts à côté du magistrat qui préside le procès et face à la salle d’audience.

Les avocats de la défense étaient bien les seuls à être audibles, puisque seules les questions caricaturales et les réponses réinterprétées de manière tout aussi caricaturales, seront reproduites par les journalistes…

Les enfants à la barre

Dans un tel contexte déstabilisation, les enfants traumatisés, questionnés sans répit par les 19 avocats des accusés, ont perdu pied, leur pensée s’est morcelée non seulement parce qu’ils étaient terrorisés mais parce que les enfants ne peuvent mobiliser leur mémoire comme le ferait un adulte. Or les références qui en ont été données par les journalistes ont été puisées uniquement dans le registre de la psychologie adulte.

Les traducteurs de leur parole que sont les psychologues-experts, ne sont arrivés qu’après leur passage. Le diagnostic de folie avait déjà été posé par l’Avocat général acquis au doute instillé par la défense. L’invraisemblance apparente de leur récit a verrouillé toute empathie pour ces enfants devenus de dangereux petits monstres. Le mensonge des enfants a été prétendument prouvé par les avocats de la défense, parce que ces petites victimes confondaient lieux et dates, mais aussi la couleur de la tapisserie de la chambre de l’un des accusés, par exemple.

On a tout oublié de la réalité psychologique des enfants et surtout de la réalité victimologique des enfants traumatisés ayant à déposer dans des lieux effrayants à deux pas de ceux qu’ils avaient dénoncés comme leurs agresseurs… et il a fallu subir l’interrogatoire et le défilé de 19 avocats ! Ces conditions invraisemblables quant au recueil de la parole des enfants est à opposer avec le professionnalisme de tous ceux qui en amont (policiers, magistrats, experts) avaient travaillé avec respect et expérience.

Un journaliste du Monde a osé écrire que la parole des enfants n’a pas résisté au débat contradictoire ! Comme si l’enfant traumatisé était à armes égales avec un adulte maître de la rhétorique qui le harcèle dans un endroit qui l’impressionne plus que tout.2

Par ailleurs l’empathie naturelle pour les enfants et les jugements de bon sens de tout un chacun qui estime qu’un petit enfant qui ne l’a pas vécu ne peut imaginer et rapporter des faits de fellation et de sodomie sur lui-même et sur d’autres enfants. Cette référence du bon sens a été neutralisé par la mis en place d’un verrouillage des références : il a été dit que ce sont des enfants carencés, voire fous… ils ne sont pas comme les nôtres !

Les prétendues invraisemblances de leur récit concernant les utilisations d’objets incongrus en étaient une démonstration définitive. Or nous savons que des adultes qui reconnaissaient les faits citaient les mêmes objets.

C’est surtout le terme de cohérence qui a été le plus souvent utilisé par les journalistes, Le terme d’incohérencea qualifié le récit des enfants, en référence uniquement au récit des adultes. Or pour estimer la cohérence du récit il faut pour le psychologue tenir compte d’au moins 7 données :

– 1 – l’âge,

– 2 – le niveau de développement intellectuel et affectif,

– 3 – l’anamnèse traumatismes médicaux et psychologiques antérieurs,

– 4 – le milieu socio-culturel,

– 5 – le contexte de la déclaration , lieux sécurisant ou non,

– 6 – la distance des faits et la notion de répétitions,

– 7 – l’influence par des questions suggestibles compte tenu de la tendance à l’acquiescement,

– 8 – la comparaison avec ce que l’on sait des récits d’enfant rapportant un événement qu’ils ont vécu ou dont ils ont été témoins, ou qu’on leur a raconté,

– 9 – la mise en perspective par rapport aux spécificité des récits d’enfants victimes d’agressions sexuelles étudiée par la victimologie infantile.

Et dans cette affaire il y une 10ème donnée qui est la cohérence par rapport aux récits des adultes qui reconnaissaient les faits au début de l’instruction et celui des autres enfants concernés.

Et enfin pour que ces 10 données soient validées, il faut aussi prendre en compte le contexte dans lequel s’effectue la déclaration de l’enfant. Aux assises, dans les conditions que l’on connait, il n’était pas possible de porter un jugement de validation de la parole de l’enfant.

Revirement de Myriam Badaoui et injonctions d’identification.

C’est le harcèlement durant 7 h à la barre de certains enfants Delay qui a conduit leur mère à intervenir et à décider de « tout prendre sur son dos » (sic) et à innocenter les 13 coaccusés et cela durant quelques jours… mais l’effet a été catastrophique car plutôt que de laisser le tribunal comprendre les motivations de ce revirement provisoire, la télé-réalité est intervenue pour montrer aux français la souffrance des visages des innocents décrétés comme tels. Elle était réelle puisqu’ils subissaient l’incarcération et le bannissement social.

Ces images ont eu un effet sur le téléspectateur qui a été de l’ordre de l’effraction au plus profond du psychisme de chacun d’autant qu’il y avait injonction d’identification et message à peine sub-liminal que l’on décode en ces termes : « Si personne n’intervient, cela peut vous arriver à tous ! » Cette effraction a créé une sidération psychologique qui anesthésie tous les processus rationnels.

BertholtBrecht qui dénonçait déjà le danger de l’identification au théâtre et la catharsis qu’elle entraine qui renvoie à la perte de liberté, aurait facilement compris les effets dévastateurs de l’indentification à de « vrais gens ». De plus lorsque ces « vrais gens » appartiennent à toutes les couches sociales, chacun d’entre nous peut être concerné de manière spécifique.

Lors du procès de Saint-Omer, nous avons eu droit à une magistrale démonstration de l’impact de la dictature des émotions par l’image identificatoire «  télé-réalité ». L’image n’est plus le 5ème pouvoir – selon Noël Mamère3– en l’occurrence, elle a gagné la première place, car elle a dévoyé profondément notre justice et avec elle tous les repères de notre civilisation.

Ces images ont été de véritable PIÈGES à CONVICTION. En effet la notion de souffrance est forcément associée à celle de victime, et la souffrance doit s’incarner par l’image pour exister dans notre société du XXIème siècle. Celle des enfants était virtuelle, fantomatique, donc inexistante. Les enfants d’Outreau n’étaient pas identifiables, pas comparables aux nôtres, venant de ces milieux dégénérés, ils étaient forcément différents. L’empathie habituelle à leur égard était donc définitivement verrouillée par l’absence d’image de la souffrance des enfants.

Le procès est donc devenu avec ces images-là, définitivement médiatiquement inéquitable.

L’innocence médiatique a été décrétée à partir des larmes télévisées des accusés et non pas à partir de l’effondrement des charges qui devait suivre inévitablement.

Le phénomène hypnotique a été obtenu par la répétition d’images traumatiques inoculées périodiquement, ce qui maintient l’anesthésie de la raison, du moins ce fut l’effet produit, s’il n’était volontairement recherché au départ. L’opportunisme et le panurgisme médiatiques ont fait le reste.

Les experts sont arrivés trop tard.

Et lorsque les experts sont arrivés aux assises de Sain-Omer, afin d’expliquer comment, grâce à nos techniques longuement rodées et affinées, nous avions validé la parole et le traumatisme des enfants, les jeux étaient faits. Les enfants mentaient, ils étaient fous et les experts ne l’avaient pas vu ! Et il fallait juste pour la défense, trouver les raisons de notre inaptitude et en cas de résistance, nous déstabiliser par tous les moyens.

Le premier moyen de déstabilisation a été la culpabilisation : étions les monstres qui avions tué un innocent et fait souffrir autant ces pauvres gens incarcérés à tort.

L’on connait depuis l’affaireLaetitia, l’impact majeur que provoque une telle culpabilisation. Tous les magistrats de France ont manifesté en signe de solidarité avec leurs collègues accusés d’être responsables du viol et du meurtre d’une jeune adolescente dont le corps a été mutilé.

Les autres moyens utilisés ont associé, contre-vérités, mots piégés, et attaques ad hominem suivies d’injures. Ces stratégies dites de rupture ne pouvant être acceptées, la seule réponse était le refus de continuer à déposer, d’autant que je n’étais plus audible. Précisons que je n’ai pas été récusée,contrairement à ce que la presse a prétendu.

Le Président des assises en vertu de son pouvoir discrétionnaire a mandaté cinq autres experts qui ont ré-examiné tous les enfants et confirmé mes conclusions.

L’orientation du procès orchestré par la défense par médias interposés, ne pouvait intégrer une information qui brutalement aurait rectifier l’arrivée d’une lame de fond qui effondre l’accusation par la prétendue faillite des expertises. C’est l’omerta sur leurs conclusions qui a permis qu’elle continue d’avancer.

Les expertises psychologiques sont particulièrement importantes dans ce type d’affaire où les preuves n’existent pas. Il s’agit donc pour la défense de les neutraliser coûte que coûte. Les expertises sont des examens dont la méthodologie est très spécialisée et très codifiée. Les repères sont les acquis de la psychologie de la victimologie mais aussi les acquis de l’expérience personnelle ; les méthodes sont l’entretien et l’observation et aussi les tests psychologiques, psychométriques et projectifs.

Il comporte trois parties :

– 1 – l’examen classique de la personnalité qui prend en compte le niveau de développement cognitif et affectif en fonction de l’âge, de la biographie médicale voire traumatique antérieure, le milieu socio-culturel.

– 2 – L’examen de la déclaration de la plainte avec l’analyse du récit au niveau du contenant (le comportement ) et le contenu. On s’intéresse aussi au contexte de la révélation qui obéit à un certain nombre de configurations classiques. A titre d’exemple l’on peut citer le contexte de la révélation spontanée lors de la toilette, comme ayant un caractère de haute fiabilité.

– 3 – L’examen des conséquences traumatiques éventuelles est éclairé par les données de comportement pendant l’examen mais aussi à l’extérieur, à l’école et à la maison (troubles éventuels du comportement, débordement ou inhibition excessifs, troubles du sommeil, des conduites alimentaires, réactivité auto ou hétéro-agressives, sexualisation du comportement, conduites d’intrusion ou d’effraction, envahissement par les faits, anxiété ou angoisse phobique et/ou obsessionnelle etc…)

Les tests projectifs apportent des indices de validation du traumatisme qui complètent l’ensemble des données. À titre d’illustration, les enfants victimes de viols perdent les limites entre leur corps et le monde extérieur. Ainsi un enfant d’Outreau a pu me dire à une planche du Rorschach où l’on voit une chauve-souris : « c’est une chauve-souris qui va renter dans le derrière de moi »… Un autre a vu de manière envahissante dans chaque planche une seule et même image, celle des araignées qui vont le piquer et rien d’autre » est le côté envahissement qui est traumatique tout comme le vécu de piqure et d’intrusion analogique du thème araignée. Mais cela ne vaut que pour un critère sur les 40.

C’est lors de la résurgence des scènes traumatiques que l’enfant donne ce type de réponse. En dehors de ces moments spécifiques, on peut constater qu’il a un rapport à la réalité normal, il n’est pas psychotique. Quand il est pris en charge dans un milieu structurant et sécurisant, au bout d’un certain temps, il met en place une adaptation qui est de surface, c’est une adaptation de survie psychique.

Les enfants d’Outreau présentaient une souffrance majeure et à distance des faits, elle s’est réactivée très rapidement et spontanément lors de l’examen psychologique dès que la sécurité s’installait. C’est également lorsque les enfants ont été sécurisés dans les familles d’accueil que les révélations ont eu lieu.


Expertises sans sujet et sans objet.

Mais il faut également signaler un fait d’importance : l’intervention d’un psychiatre « commis d’office » par la Défense et qui est venu semer le doute non pas chez les vrais jurés, mais chez les jurés médiatiques au sujet des fausses allégations d’agression sexuelles.Un expert,4isolé dans ses vues, disait qu’il était possible que les enfants carencés inventent des agressions sexuelles.

Bien qu’il n’ait pas examiné les enfants, son discours a eu plus de poids dans l’affaire d’Outreau que celui des 7 experts qui avaient eux, examiné les enfants.

Ce psychiatre, Expert près la Cour de cassation, est devenu le détenteur de la vérité officielle sur le vécu des enfants d’Outreau alors qu’il ne les a jamais rencontrés. Le problème déontologique n’est pourtant jamais soulevé alors que l’expertise est réalisé sans sujet (l’expertisé) et sans objet (l’expression de sa parole dans un cadre professionnel).

Reportons-nous au 2 juillet 2004. Le procès de Saint-Omer vient de se terminer, le verdict tombe : 10 condamnations dont deux très lourdes de 20 et 15 ans de réclusion criminelle, et 7 acquittements, les jurés ont donné droit aux victimes , les 15 enfants ont tous été reconnus victimes de viols agressions sexuelles, corruptions de mineur et proxénétisme.

A la lecture du verdict nous avons été soulagés juste une soirée, juste le temps de reprendre notre souffle après le lynchage général, grâce ou à cause du discrédit orchestré par la défense qui n’a pas été compris comme une stratégie mais comme une vérité révélée. Notre soulagement n’a pas duré car brutalement la tempête soulevée par les médias durant le procès s’est transformée en ouragan puis en tsunami. Le déchainement contre les professionnels considérés responsables de ce qui était déjà appelé un fiasco, a tout emporté, la raison, le bon sens et la vérité judiciaire des enfants.

Leur représentant légal ayant refusé de communiquer la presse ne l’a pas relayée.

Nous avions beau contacter les médias pour dire que les 7 experts ne s’étaient pas trompés, la centaine de professionnels avaient eu raison de prendre en compte la parole des enfants, puisque les jurés avaient donné crédit à leur parole et reconnu les souffrances et les sévices épouvantables qu’ils avaient endurés durant des années… en vain. La vérité judiciaire a été tronquée et l’emballement médiatique s’est focalisé sur la recherche des coupables de substitution que sont devenus tous les professionnels de l’affaire.

Rien n’y a fait nous étions tous devenus des coupables de substitution qui avions fait obstacle à l’ensemble des acquittements. Le brouillage des messages a été renforcé par le discours dominant sur la tâche à finir en appel, à savoir, acquitter tous les condamnés.

Remettre en cause un procès d’assises est totalement tabou et pourtant c’est à ce niveau que tout a dysfonctionné. Mais on peut remettre en cause la dictature des images, des émotions par l’image.

La dictature des émotions est moins grave car elle laisse place à l’imaginaire et un certain nombre d’élaborations mentales. Ce n’est pas le cas avec les images traumatiques. Il n’y a aucun traitement intellectuel possible, il y a sidération de l’intellect.


2 – Entre les procès les centaines d’émissions et la commission Viout.

Cette commission était chargée d’analyser les dysfonctionnements et elle a stigmatisé le problème du recueil de la parole de l’enfant alors que tous les enfants avaient été reconnus victimes ! Par ailleurs, ce ne sont pas les professionnels d’Outreau qui ont participé à cette commission mais le Docteur Ben Soussan.

La falsification de la réalité devenait ainsi la version officielle .

Entre les deux procès, toute la classe politique tous les médias se sont solidarisés autour des acquittés. La question du bon fonctionnement démocratique assuré par la présence du contradictoire se pose ici de manière significative car l’unilatéralisme des présentations n’a interrogé ni les politiques ni les intellectuels de notre pays. Personne ne s’est étonné de ne voir aucune présentation de la version de l’accusation et des victimes.

La journaliste Florence Aubenas devenue une icône nationale, une fois libérée, a repris l’instruction de l’affaire et décidé du verdict final qu’elle a publié dans son ouvrage « la Méprise » tandis qu’un condamné en première instance, sortait son ouvrage « mon erreur judiciaire » avant d’être re-jugé en appel.


3 – Le procès en appel à Paris

Les professionnels qui y ont assisté ont expliqué qu’à Saint-Omer, le procès avait encore un sens… à Paris le verdict du procès était médiatiquement rendu avant qu’il ne démarre. De manière exceptionnelle, il n’y a pas eu de plaidoiries de la défense qui devenaient inutiles après l’intervention du Procureur Général Yves Bot, qui a présenté des excuses aux accusés, à dessein, juste avant le journal télévisé.

Comme l’a expliqué Chérif Delay à ses avocats lorsqu’il a déposé plainte en 2008 contre Yves Bot, tout était inversé, les victimes étaient devenues les coupables et vice-versa. Les enfants Delay ont été dépossédés de leur parole, car elle a été considérée comme étant celle d’enfants de mythomane.5

Au procès en appel à Paris, il y a eu trois « rétractations » non-fiables psychologiquement. Les enfants ont été entendus très tardivement dans la soirée, ils étaient tétanisés, ils avaient peur de subir ce qu’ils avaient vécu à Saint-Omer, ils n’étaient plus très sûrs, étreints par ce sentiment d’irréalité qui marque la dissociation des victimes, ils voulaient avant tout que leur supplice s’arrête ! Il était facile alors de s’infiltrer dans la brèche du doute à propos de leur propre déclaration, or ce doute-là fait partie des indices de validité de la déclaration de l’échelle SVA qui est la plus connue en victimologie. C’est pour cette raison que l’interrogatoire d’enfants à la barre des assises par les avocats qui mettent en doute ce qu’ils disent est une régression majeure par rapport aux acquis de la victimologie infantile.6


4 – La commission parlementaire un morceau d’anthologie.

Les députés intronisent les avocats de la défense comme spécialistes de la parole des enfants. Extrait du rapport de la Commission parlementaire N° 3125 « Au nom du peuple français, juger après Outreau  » p 75 :

« Les questions que les avocats de la défense ont posées aux enfants ont révélé la fragilité de leurs propos. Certains conseils des parties civiles se sont certes indignés de la vigueur avec laquelle les enfants avaient été interrogés. On peut cependant constater que seul un interrogatoire contradictoire dans un contexte où la parole de l’enfant ne recevait pas une validation systématique de l’adulte, a permis de révéler la fragilité des révélations des mineurs »

Toutes les techniques mises en place par la recherche en victimologie depuis 20ans – avec dès 1983, les acquis de Summit qui constate que l’enfant se rétracte s’il constate que l’on doute de sa révélation, par effet d’intimidation et de suggestibilité – tous ces acquis ont été balayés par ces conclusions consternantes.

La commission parlementaire n’a jamais remis en cause les procès, malgré les explications des intervenants, elle n’a pas pris en compte la vérité des enfants, dès lors, toutes les prémisses de l’analyse des anomalies judiciaires étaient falsifiées, alors que c’est à ce niveau que se situaient les dysfonctionnements.

De manière paradoxale, elle a fonctionné uniquement à charge à l’endroit des professionnels, alors que c’est ce qu’elle leur reprochait. Le juge d’instruction a été désigné comme bouc émissaire et exposé à l’humiliation et à la vindicte publique devant les caméras de télévision d’un grand nombre de pays en plus de la France. La Justice qui triangule de manière civilisée la relation entre le coupable et la victime a fait intrusion dans ce couple binaire, la justice était devenue ici le coupable. La confusion est alors totale et elle déstructure les repères de civilisation.

Le grand public a adhéré à la vérité médiatique du fait de la présence d’images télé-réalité. Elles ont provoqué l’hypnose traumatique et la perte de tous les repères de bon sens sur la réalité psychologique d’un enfant qui ne peut inventer des fellations et des sodomies. Elles ont provoqué également la disparition du champ de compétence judiciaire le travail des experts psychologues qui était incontournable jusqu’à Outreau, dans les problématiques d’agressions sexuelles sur mineurs.


5 – La commission d’enquête de l’Inspection Générale des Services Judiciaires.

Il n’y a eu aucune publicité, or elle a réhabilité le travail des professionnels et d’une certaine manière la parole de l’enfant. En effet, elle précise que le socle de vérité était important puisque les enfants décrivaient les mêmes scènes que les 4 adultes avant leurs rétractations, adultes avec lesquels ils n’avaient plus aucun contact.

Mais l’emballement hypnotique était lancé et les coupables médiatiques devaient rester les coupables de substitution. Comme l’omerta sur la vérité judiciaire des enfants était définitivement installée, le grand public adhérait totalement à cette punition collective via le lynchage médiatique.


6 – La comparution de l’ex-juge d’instruction Fabrice Burgaud devant le CSM

La commission disciplinaire du Conseil Supérieure de la Magistrature qui a étudié le dossier d’instruction n’a condamné l’ex-juge, qu’à une réprimande, sanction minimum puisque se situant sur le premier échelon d’une échelle qui en comporte 9. Devenue interdite et Tabou, la vérité judiciaire des enfants y a été ignorée, elle aurait pourtant alléger la rancoeur du grand public à l’égard du juge. Mais de fait, elle semblait inconciliable avec les acquittements alors que les acquittés étaient sacralisés par toute la classe politique, toutes tendances confondues.


7 – Les tentatives d’explication qui ont contribué à faire disparaître totalement cette vérité judiciaire au bénéfice de la storytelling.

Elles partent donc des prémisses fausses, la storytelling qui s’énonce ainsi : « les enfants d’Outreau, comme ils sont carencés ont été capable d’inventer des viols et agressions sexuelles. » Comme il s’agit d’une thèse inédite, des modélisation ont été recherchées dans l’Histoire en général, à défaut d’en trouver dans la littérature victimologique, lorsque l’intervention d’enfants ou d’adolescent ont donné à la société une direction particulièrement tragique.

A – Marie-Antoinette accusée d’inceste par son fils, l’Enfant du Temple.

Louis XVII isolé, retiré à sa famille et maltraité aurait alors spontanément accusé sa mère, ce qui est une contre-vérité puisque l’on sait qu’il a été contraint à le faire par le sieur Hébert – journaliste manipulateur d’opinion, devenu Procureur sous la révolution – pour déshonorer et dénaturer le statut maternel de la reine Marie-Antoinette . Mais selon certains « psys » appartenant au comité de soutien des accusés-acquittés, tout comme Louis VII, isolés, maltraités, victimes de la rafle des services sociaux, ils ont fini par dire ce qu’on attendait d’eux, à savoir que leurs parents les avaient agressés sexuellement.

B – Les nouvelles sorcières de Salem « leçons d’Outreau » l’explication la plus élaborée.

Un livre parmi les plus doctes – il y en a eu une dizaine – a tenté de donner une explication plausible avec une modélisation historique qui rassemble toutes les supputations sociologiques : il s’agit des Nouvelles sorcières de Salem par Denis Salas7,Magistrat et historien.

Denis Salas explique que 5 fillettes que l’on a cru possédées par le démon auraient alors, par pure malice, accusé à tort des dizaines de personnes qui ont été brûlées sur le bûcher.

Les enfants d’Outreau perçus comme diaboliques, le diagnostique en symétrie est posé puisque les personnes acquittées sont comparés à ceux qu’on a pris pour des sorciers et des sorcières à Salem .

A Outreau, l’obsession pédophilique aurait donné aux pédophiles le statut de sorciers, ce qui signifie que l’on voit des sorciers partout, parce qu’on est obsédé par cette problématique.

Il s’avère qu’aucune ne tient : pas d’obsession pédophilique, comme le prouvent les chiffres donnés en 20018. Un pour cent donnent lieu à un signalement, et lorsqu’il y a signalement, seulement 30 % donnent lieu signalement àtraitement judiciaire qui aboutit sur une sanction mais aussi sur relaxe voire un acquittement. Or les fillettes n’étaient pas possédées par le démon elles souffraient d’un mal réel aussi appelé « mal des ardents », elles étaient victimes de l’ergot de seigle, un champignons hallucinogène. En proie à des hallucinations, elles ont développé de manière limitée dans le temps, une véritable pathologie délirante. Les procès en sorcellerie couvrent les régions où l’ergot de seigle a pu se développer.

Les enfants diabolisés d’Outreau ont donc été assimilés à ces adolescentes prétendument possédés par le démons, ainsi leur parole a été, non seulement considérée nulle et non avenue, mais aussi reconnue définitivement comme dangereuse pour la société.

Conclusion :

Comme on a pu le constater dans ce passage en revue chronologique et synthétique du déroulement médiatico-judicaire de l’affaire d’Outreau, cette mystification sociétale a été permise par la dépossession des professionnels de la psychologie et de la victimologie infantile de leur travail d’Expert. Socrate disait que le technicien est écouté en tant qu’expert dans tous les domaines, sauf celui de la politique que tout un chacun s’approprie.

C’est vrai, pour la psychologie ce raisonnement est justifié quand on a affaire à des d’enfants qui évoluent dans une situation normale. Ce n’est plus le cas lorsque l’on a affaire non pas à des enfants carencés spécifiquement, mais à des enfants polytraumatisés comme le sont les enfants, victimes supposés de viols et d’agressions sexuelles.

Je fais appel au bon sens, qui a disparu dans tout le traitement de cette affaire : est-ce qu’il viendrait à l’idée de qui que ce soit de faire poser le diagnostic médical d’un enfant accidenté gravement, non pasun médecin urgentiste, mais par u psychiatre qui ne l’a pas examiné, un journaliste, un avocat, un procureur, un député, un abbé et un historien ?
Non bien sûr, à Outreau, oui.

Dans cette société de l’image qui incarne la vérité, les enfants victimes de viols et agressions sexuelles sont assurément perdants. Les enfants d’Outreau devraient avoir droit à un nouveau procès – l’on peut rêver – un procès médiatiquement équitable, une fois devenus majeurs.

Les leçons à tirer des procès d’Outreau ne sont pas celles qui ont été données, elles sont bien plus basiques : il faut laisser tout simplement aux experts psychologues missionnés par la justice, expertiser les victimes et peut être enregistrer leurs expertises, tout comme les interrogatoires chez les OPJ et chez le magistrat instructeur.

L’objectif est bien éviter à l’enfant de venir au procès, mais aussi pour permettre aux jurés de visualiser la méthodologie très codifiée du travail d’expert.

La vidéo aurait pu au procès d’Outreau, donner à voir à tous, la réactivation du traumatisme, et mieux comprendre les explications sur cette réactivation qui donne des éléments très significatifs au récit.

Il y a plus de 40 critères de validation de l’examen psychologique et victimologique quand on prend en compte les caractéristiques de la déclaration et les conséquences traumatiques repérables dans la clinique du comportement et objectivables dans les tests.

La conséquence en est l’installation de la storytelling et du référentiel Outreau sur le mensonge des enfants carencés en matière d’agressions sexuelles. De ce fait, on ne croit plus les enfants, les révélations d’enfants ne sont plus traitées de manière objective et la peur d’un nouvel Outreau a démultiplié le classement sans suite de telles révélations. Je suis destinataire de nombreux constats de cet ordre, suite à la publication de mon livre « Outreau la vérité abusée ».

Le livre a permis pour le moins de fédérer de nouveau les professionnels autour des véritables acquis de la victimologie infantile, afin qu’ils ne soientplus parasités par Outreau. Ce livre peut donc être considéré comme une première étape de la restauration de la confiance des professionnels en leurs connaissances et en leur travail.

Ce colloque sur « La parole de l’enfant après la mystification d’Outreau » est la seconde étape qui officialise la réflexion sur Outreau à partir de prémisses justes ; il est fondateur de la réhabilitation de ceux qui ont pris en compte la parole de l’enfant victime d’agressions sexuelles, et de ceux qui l’ont validée.

Le livre et ce colloque préparent le terrain pour que la parole de l’enfant d’Outreau ne soit pas balayée d’un revers de main de journaliste dépendant de la version officielle. Le problème de société est criant car il est impossible de faire entendre une version autre que celle de la storytelling, comme l’a expliqué un chroniquer judiciaire,s’il le faisait, il se mettrait à dos toute la classe politique et tous ses confrères.

Le livre « Outreau la vérité abusée » a pourtant éveillé l’intérêt de journalistes versés dans les questions de pédocriminalité. Serge Garde, auteur de nombreuses recherches et publications dans ce domaine9a recueilli la parole de l’aîné des enfants d’Outreau, Chérif (Kévin Delay) que j’appelle Pierre dans mon ouvrage. Il avait déjà fait parler de lui – si peu – en appelant de nouveau à son secours l’ex-juge Fabrice Burgaud et en déposant plainte contre le Procureur de Paris qui avait fait des excuses aux accusés avant le délibéré des jurés.

Tout cela en vain, chérif n’avait pas réussi à soulever la chape de plomb qui recouvre la parole des enfants d’Outreau. Le 12 Mai 2011 a au Cherche Midi d’une ouvrage intitulé « Je suis debout » et ensuite dans un documentaire qui diffusera son interview mais aussi les analyses des professionnels de l’affaire.

Chérif est aiguillonné par le sentiment de culpabilité. Il se sent paradoxalement responsable de la souffrance des tous les enfants d’Outreau car il estime que s’il avait dénoncé de suite les viols les autres enfants auraient pu être épargnés. Cette motivation admirable de générosité donne de l’authenticité et une puissance extraordinaire à sa démarche et à son témoignage.

Tout ceux qui ont permis de près ou de loin et l’ancien Ministre l’Intérieur devenu avocat d’enfants en fait partie, sont désormais désignés comme « Révisionnistes », ce qui marque une nouvelle étape dans le développement sociétal lié à une nouvelle lecture de l’affaire d’Outreau. J’espère avoir pu y apporter un éclairage et une contribution utiles et professionnels.

1Audition du procureur Maurel à la Commission d’enquête de l’Inspection Générale des Services Judiciaires.

2Voir à ce sujet le récit qu’en fait Chérif Delay dans son ouvrage « Je suis debout » co_écrit avec Serge Garde et paru aux éditions du Cherche Midi le12 Mai 2011

3« La tyrannie de l’émotion » Editions Jean-ClaudeGawesewitch 2008

4Le Docteur Paul Ben Soussan Psychiatre Expert près la Cour de Cassation

5 « je suis debout » Chérif Delay editions du Cherche Midi 12 mai 2011.

6 Grille élaborée sur les critères relatifs à la recherche de Steller, Raskin et Yuillle (traduction H.Van Gijseghem 1992)

 

7 « Les nouvelles sorcières de Salem »de Denis Salas et Antoine Garagon aux éditions du Seuil octobre 2006.

 

8 Cf « Outreau la Vérité abusée »introduction.

9 Journaliste d’investigation, il a publié plusieurs livres d’enquêtes et consacré divers ouvrages à la pédocriminalité. Il est l’auteur au Cherche midi, en compagnie de Laurence Beneux, de Le Livre de la Honte. Il publie en 2008 Enquête sur une société qui consomme des enfants, avec Homayra Seillier. Il a apporté son concours à la rédaction du livre de Chérif Delay, Je suis debout : L’aîné des enfants d’Outreau sort du silence. En 2013, il est l’auteur d’un documentaire sur l’affaire d’Outreau intitulé Outreau, l’Autre vérité.

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