Un rapport sur l’hypersexualisation des petites filles a été rendu ce lundi à Chantal Jouanno. Stéphane Clerget, pédopsychiatre et auteur de Réussir à l’école, une question d’amour, revient sur ce phénomène.
Un rapport relance ce lundi le débat sur l’hypersexualisation des fillettes. Pensez-vous que ce phénomène puisse prendre autant d’ampleur chez nous qu’aux Etats-Unis?
Il reste pour l’instant assez limité en France, mais il est nécessaire de faire de la prévention très tôt afin qu’il ne prenne pas autant d’ampleur que sur le continent américain. L’hypersexualisation n’est pas seulement une mode, elle peut avoir des conséquences négatives sur le développement des enfants. Ce phénomène laisse entendre que seule la séduction est importante alors que l’apprentissage est ailleurs. Entre 6 et 12 ans, les petites filles doivent concentrer leur énergie sur les capacités scolaires ou artistiques, par exemple, et non uniquement sur les qualités physiques. A long terme, cela peut créer un surinvestissement de la part de l’enfant dans l’attitude et l’érotisme, au détriment d’autres domaines. Cela se traduit parfois par de graves problèmes d’insatisfaction lors de l’adolescence, ou des troubles du comportement alimentaire. Il faut que les parents comprennent que cela n’a rien d’anodin et que les conséquences peuvent être graves.
Qui est responsable?
La télévision et les magazines jouent un rôle important. Ils calquent des images de femmes sur des petites filles. Mais ce que l’on voit dans les médias est souvent le reflet de ce que désirent les parents. Beaucoup de mères imaginent que leur fillette de huit ans est en avance sur son âge et pensent qu’il est normal qu’elles s’habillent comme des femmes. Il est important que la beauté d’un enfant soit valorisée, mais pas au détriment de ses autres qualités intellectuelles. On remarque également que ces mères ont souvent une relation fusionnelle avec leur fille et jouent à la poupée en inscrivant leurs enfants aux concours de mini-miss.
Faut-il pour autant interdire ces concours, comme le préconise le rapport?
Ces concours sont totalement négatifs, parce que le rapport bénéfice-risque est très défavorable. Contrairement aux récompenses scolaires, où l’on essaie de féliciter le maximum d’élèves, lors de ces concours, il n’y a qu’une seule élue. Cela créé une déception énorme chez les perdantes, qui peuvent développer des complexes sur leur apparence. De plus, ces compétitions sont basées sur des critères totalement subjectifs. On ne peut pas juger des fillettes uniquement sur leur physique, au risque d’engendrer des problèmes comportementaux importants lors de l’adolescence. D’autant que le regard des adultes qui jugent des fillettes n’est pas sain. Si ces concours étaient organisés par des hommes, on crierait à la perversité, voire à la pédophilie.
Coquetterie, femme-enfant… Où est la frontière?
Il y a une différence entre faire preuve de coquetterie, ce qui est normal pour une petite fille, et lui faire porter des soutiens-gorges ampliformes. Qu’une enfant accorde de l’importance à son apparence n’est pas un problème. Mais il est important que les parents placent les limites à ne pas dépasser. Il ne faut pas que les mères entretiennent les fantasmes de féminité des fillettes en les encourageant à la coquetterie.
Source: http://www.lexpress.fr/actualite/societe/mini-miss-le-regard-des-adultes-qui-jugent-des-fillettes-n-est-pas-sain_1089855.html