Le Parisien Dix ans après la disparition d’Estelle Mouzin, son père relance la piste Fourniret et lance un appel aux témoignages

Titre d’origine: « Disparition d’Estelle Mouzin : dix ans après, son père témoigne »

Eric Mouzin, le père d’Estelle, disparue il y a dix ans, n’a jamais abandonné son combat. Il nous parle ici de sa volonté que l’enquête se poursuive autour du tueur Michel Fourniret.

Dix ans déjà. C’était au soir du 9 janvier 2003, une journée glaciale, quelque part entre l’école primaire de Conches-sur-Gondoire et son domicile de l’allée du Rond-de-Cerf, à Guermantes en Seine-et-Marne. Estelle Mouzin, 9 ans, disparaissait sur un trajet d’à peine un kilomètre, juste après avoir quitté l’étude à 18 heures. Depuis, son père, Eric Mouzin, mène un implacable combat pour connaître la vérité.

Cinq juges d’instruction et trois procureurs se sont succédé sur ce dossier. En vain. Estelle n’a jamais réapparu. Quelques jours avant la marche blanche qui aura lieu à Guermantes samedi, Eric Mouzin, un homme pudique, parfois austère mais toujours mobilisé, livre ici un témoignage émouvant sur cette tragédie.

Dix ans sans Estelle…
ÉRIC MOUZIN. C’est passé si vite et si lentement à la fois. Quand je me dis que cela fait déjà dix ans, ça me paraît invraisemblable. Le temps de la justice est incroyablement long. J’en veux pour exemple les expertises génétiques sur des scellés Fourniret saisis en Belgique, que nous avons demandées en mai 2010 et qui n’ont été accordées qu’en 2011 après un devis, et dont nous aurons les résultats au début 2013. C’est bien trop long. Et il y a aussi ces coups d’accélérateur lorsqu’on apprend qu’il y a une garde à vue ou une nouvelle étape.

Estelle aurait 19 ans aujourd’hui, vous arrive-t-il de l’imaginer ?
Non. Lorsque la photo d’Estelle vieillie a été publiée en 2010, ce fut troublant et très déstabilisant pour moi. Je ne peux imaginer ma fille qui a disparu et la voir là sur cette image fabriquée. Ça n’a pas été facile. Mais chaque fois que je découvre un nouveau pays, une ville, un paysage, je me dis : « Ah, si elle pouvait être là! J’aurais envie de partager cette émotion avec elle. » Le manque d’Estelle est toujours présent.

Vous venez de rencontrer le cinquième juge en charge de votre dossier…
Oui, c’est le cinquième. Je voulais savoir comment il envisageait le futur proche des investigations et les modalités de nos relations. Il va apporter un regard neuf sur cette enquête. Ce magistrat a d’ailleurs demandé à travailler en doublette avec un autre juge, c’est un avantage. Il n’y a rien de pire qu’un juge isolé sur ce type de dossier. A mon sens, il serait utile pour les dossiers de ce type que des juges-conseils plus expérimentés apportent leur savoir-faire à leurs collègues. Cela permettrait de développer des pratiques communes sur ces enquêtes de disparition d’enfants. Mais je ne remets pas en cause la compétence des magistrats qui ont connu ce dossier.

Qu’avez-vous l’intention de demander à cette nouvelle équipe de magistrats ?
Très clairement, concernant la piste du tueur en série Michel Fourniret, je suis partagé. Mais son alibi du coup de téléphone passé ce soir-là précisément, depuis la Belgique, à son fils en France pour lui souhaiter son anniversaire, c’est trop beau pour être vrai. Il nous faudrait apporter des preuves qu’il a pu construire cet alibi. Lorsque nous disposerons d’éléments très précis, nous ferons une demande auprès des autorités judiciaires belges. Il ne faut pas décrédibiliser cette piste et, sur ce coup de fil, des questions doivent être posées. C’est à l’ordre du jour.

Mais la piste Fourniret a été exclue par les enquêteurs en janvier 2007, pourquoi y revenir ?
Michel Fourniret a été condamné et il n’intéresse plus personne. Quand on évoque son nom, il y a comme un blocage. Qui va aujourd’hui affronter un tel personnage? Pour l’appréhender, il faut des enquêteurs préparés qui maîtrisent parfaitement le sujet. Ceux qui l’ont rencontré n’ont pas eu suffisamment de temps pour connaître son dossier dans les moindres recoins. Peut-être y a-t-il un manque de moyens en psychologues ou psychiatres pour décoder et interpréter les actes et les paroles de Michel Fourniret. Il faut savoir décrypter chez lui ce qu’il dit ou ne dit pas. Mais il ne s’agit pas non plus de lui faire porter le chapeau pour tous les maux de la terre.

Quel bilan faites-vous sur ces dix ans d’enquête ?
Il m’est difficile d’avoir un œil objectif sur la façon dont l’enquête a été menée. Les enquêteurs n’ont pas donné le mode d’emploi de leurs investigations. J’ai l’impression parfois que, dans cette enquête, on a fait du procès-verbal pour du procès-verbal. On ne sait pas pourquoi untel a été interrogé plus qu’un autre. Je comprends en revanche qu’une telle enquête déstabilise les services de police car ils sont confrontés depuis le début à l’absence d’éléments matériels. C’est la pire des situations. Et, face à cela, quelle était la méthode à mettre en place? Je ne sais pas s’il y avait une procédure particulière qui aurait pu s’appliquer à cette affaire. Je ne les accable pas.

Comment faites-vous pour vivre au quotidien ?
Il faut laisser place à la vie et laisser le désespoir au bord de la route. Ma devise est d’être dans l’action et surtout pas dans la victimisation. Il faut faire des propositions grâce à l’association Estelle, montée avec des proches et des amis, en participant à la vie de la cité. Je profite de la vie et je fais des projets. La sœur et le frère aînés d’Estelle ont adopté la même position que moi. Je les tiens au courant de tout ce qui se passe dans ce dossier.

VIDEO. Disparition d’Estelle Mouzin : le père lance un appel aux témoignages:

VIDEO. Disparition d’Estelle Mouzin : le père relance la piste Fourniret:

 

 

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