Trois ans après le meurtre sordide d’enfants albinos au Swaziland, les parents s’inquiètent à nouveau car les élections approchent dans ce petit royaume d’Afrique australe et la période est propice à des rituels de magie noire dont les albinos sont des victimes désignées.
Bien que le scrutin parlementaire prévu en septembre-octobre ait peu de chances de bouleverser la donne politique dans cette monarchie où le multipartisme est de toute façon interdit, le risque est pris très au sérieux. Le pays est entré en période électorale mi-mai.
« Les autorités doivent s’assurer que notre sécurité est garantie », a demandé la semaine dernière Skhumbuzo Mndvoti, un leader albinos, menaçant de ne pas prendre part au vote et enjoignant « les adultes albinos comme les parents d’enfants albinos de veiller sur eux avec une vigilance particulière en cette période électorale ».
« Les enfants (albinos) doivent marcher en groupe lorsqu’ils sont sur le chemin de l’école et il ne faut pas les laisser seuls à la maison. Quant aux adultes, il doivent éviter de se déplacer le soir dans la mesure où de nombreux meurtres rituels ont lieu de nuit », a-t-il dit à l’AFP.
M. Mndvoti sait de quoi il parle. Il est originaire de la commune de Nhlangano dans le sud du pays, théâtre du meurtre avec mutilation de plusieurs enfants albinos, dont une fillette de 11 ans retrouvée décapitée en 2010. L’affaire avait semé l’horreur et la panique.
Une autre meurtre d’une fillette albinos aurait eu pour origine un complot familial dont le grand-père a été l’artisan en insistant pour que sa petite-fille se rende en un lieu donné dont elle n’est jamais revenue.
Une autre fillette a été kidnappée par des inconnus alors que sa mère l’avait laissée jouer avec des camarades pour aller puiser de l’eau.
Les pratiques de sorcellerie, appelée « muti », sont encore répandues dans toute l’Afrique australe et recourent à des membres du corps découpés pour en faire des amulettes porte-bonheurs.
Des croyances prêtent aux organes des albinos des pouvoirs surnaturels qui rendent plus riches ou chanceux.
Dans un pays où la médecine traditionnelle informelle a pleinement droit de cité et participe au système de santé à côté des soins classiques, les gens ont vite fait de s’y perdre et de confondre sorcellerie et médecine traditionnelle, selon M. Mndvoti.
Une nouvelle législation vient d’être d’ailleurs promulguée pour clarifier la frontière entre les deux alors que jusqu’à une date récente, les textes datant de la période coloniale britannique, notamment la loi de 1901 sur la sorcellerie, ne faisait aucune différence.
« On naît sorcier alors qu’un médecin traditionnel suit une formation intensive pour soigner les gens avec des moyens traditionnels », insiste pourtant Nhlavana Maseko, président des praticiens traditionnels swazis.
Il est difficile de connaître l’importance de la communauté albinos dans ce petit pays d’1,1 million d’habitants mais de futurs candidats à la députation comme Nhlangano Kunene reconnaissent que les craintes sont fondées.
Crimes rituels pour favoriser des candidats
Les aspirants politiciens sont les premiers sur la liste des suspects susceptibles de commettre des crimes rituels, estime-t-il, tout en espérant que « cela ne se produira pas cette fois-ci ».
« En tant que chrétiens, nous prions pour qu’il n’y ait aucun meurtre rituel ou que quiconque utilisant des bouts de corps humains pour essayer de gagner les élections ne puisse siéger », a-t-il ajouté.
Les albinos souffrent d’une maladie génétique caractérisée par une absence de pigmentation de la peau, des poils, des cheveux et des yeux.
Ils sont l’objet de discriminations dans de nombreuses régions d’Afrique ou de superstitions.
En Afrique du Sud dans la partie zoulou du pays, voisine du Swaziland, « il était courant encore dans la dernière décennie de croire que les enfants albinos étaient victimes d’une malédiction, et le témoignage d’une faute commise par leurs ancêtres », explique Braam Mouton, le principal d’une école d’handicapés à Hillcrest accueillant de nombreux petits enfants albinos mal-voyants.
« On a fait campagne pour expliquer à la population des campagnes qu’il s’agissait d’une maladie, et pas d’un péché », dit-il à l’AFP.
Source: http://www.jeuneafrique.com/actu/20130529T082759Z20130529T082755Z/