La Voix du Nord Outreau 3: La colère d’Eric Dupond-Moretti

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La lettre envoyée la semaine dernière par une association d’aide aux victimes au procureur général de Douai a réveillé une procédure vieille de presque dix ans. La justice laissait tranquillement végéter le renvoi devant les assises des mineurs du jeune Daniel Legrand. Des accusations avaient en effet été portées contre lui à des dates où il était encore mineur. Mais après l’écroulement du dossier complet, aux procès de Saint-Omer puis Paris, cette procédure annexe paraissait anachronique. Il faut croire que tout le monde ne l’entendait pas ainsi. Me Eric Dupond-Moretti, l’un des deux avocats du jeune Daniel Legrand est ulcéré.

Lors du procès en appel de cette affaire, fin 2005 à Paris, Eric Dupond-Moretti était aux côtés de Julien Delarue à la défense de Daniel Legrand, dont le père (récemment décédé) avait été acquitté l’année précédente à Saint-Omer. Le jeune homme avait été le premier à s’exprimer sur les faits qu’on lui reprochait encore, et certainement le premier à convaincre la cour de son innocence.

Le nouveau procès annoncé mercredi par le parquet général de Douai exaspère l’avocat lillois : « Après la fin du procès de Paris, nous avions été reçus par le procureur général de l’époque, qui nous avait indiqué qu’il n’y aurait plus de suite. Que c’en était terminé et que notre client pouvait désormais tenter d’oublier. Manifestement, ce magistrat et son successeur n’ont pas communiqué ! » Ce qui est gênant, en effet, puisque le parquet est réputé indivisible. En tout cas, Me Dupond-Moretti le répète : « Ce magistrat (en réalité M. Jean-Amédée Lathoud, qui occupait alors les fonctions de procureur général près la cour d’appel de Douai) sera le premier témoin que nous ferons citer. Et il y en aura bien d’autres ! »

Car il le dit tout net : « Ils veulent un procès, ils vont l’avoir ! Et pas un procès en catimini, en deux ou trois jours. Ce procès durera un mois, parce que nous ferons citer toutes les personnes acquittées, tous les magistrats concernés, nous ferons citer toutes ces personnes qui viennent aujourd’hui dire leur vérité et qui ne connaissent rien au dossier. Ceux qui n’étaient ni à Saint-Omer, ni à Paris, et qui refont l’histoire judiciaire. Toutes les ombres révisionnistes qui voudraient que la vérité n’ait jamais existé. »

Quand il dit « nous », il englobe « tous les avocats qui étaient aux deux procès de cette affaire ». Il en est certain : « Julien Delarue et moi sommes déjà prêts, mais je n’ai aucun doute sur le fait que nous confrères répondront à notre appel ! » Contacté quelques minutes plus tard, Frank Berton n’hésite pas un instant : « J’en serai, sans aucun doute. Et pour la même raison que mes confrères : au nom de la justice. »

Comme Julien Delarue, Eric Dupond-Moretti pense aussi à son client : « Voilà un garçon qui a été accusé à tort et à qui on renvoit les mêmes accusations aujourd’hui. Des accusations de Myriam Badaoui, d’ailleurs. Et pas des enfants ! Aucun des enfants victimes ne le mettait en cause. Daniel Legrand a eu les pires difficultés à vivre avec cette histoire, il a eu d’énormes problèmes psychologiques, il est même un temps tombé dans la drogue. Aujourd’hui, il s’en sort doucement, il a fondé une famille et ce qu’il lui faut, c’est un peu de sérénité et on le remet sur le bûcher infernal de la justice. Ces associations n’ont que faire de lui, en réalité !… »

Pour l’avocat comme pour beaucoup d’autres personnes, ce sont un tas de choses qui remontent à la surface : « J’ai encore en tête le discours du Premier président de la cour d’appel de Douai, à l’époque. Il disait : « Nous avons tous Outreau chevillé au corps. » Tu parles ! On voit bien ce qu’ils en ont fait de leurs principes… »

Remonté comme il sait l’être parfois, Eric Dupond-Moretti se sait épaulé par d’autres hommes en colère : « Nous allons montrer à la France entière que tous ces gens ont oublié les travaux de la commission parlementaire qui avait fait l’unanimité. C’est une honte. Honte à ceux qui ont fait ça ! »

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