Deux ans de prison à peine pour avoir été l’amant de ses filles. Et pour cause : l’inceste n’est pas inscrit dans le code pénal.
C’est l’histoire d’un huis clos insensé : un huis clos domestique, d’abord, une jolie maison de l’Oise où deux sœurs ont eu des relations sexuelles avec leur père durant toute leur adolescence ; un huis clos judiciaire, ensuite, trois jours d’un incroyable procès dont le père incestueux est ressorti libre. Le 16 novembre, la cour d’assises d’appel de la Somme a condamné ce quinquagénaire, cadre dans une entreprise, à deux ans de prison ferme pour viol aggravé sur ses filles – son temps effectué en détention provisoire.
Il ne retournera donc pas en prison. Un verdict plus clément qu’en première instance, car l’accusé a bénéficié d’une défense imparable, inimaginable : celle de ses filles, Isabelle, 31 ans aujourd’hui, et Sylvie, 29 ans (1).
«C’était de l’amour consenti», ont clamé ces deux victimes à contre-emploi. A l’audience, l’aînée s’est dite «amoureuse» de son père avec qui elle a eu un enfant. A leur fils de 10 ans, le «couple» explique que papa est aussi son papy. Le père-amant peut réintégrer son vrai-faux foyer. Fin de l’histoire ?
Après tout, l’inceste en tant que tel n’est pas interdit en France – seul l’est le mariage entre ascendant/descendant ou frère et sœur, et le rapport sexuel imposé. Pourtant, le verdict laisse un goût d’inachevé. Deux ans, c’est donc la peine ferme pour un père qui a infligé des relations sexuelles, deux fois par semaine, à sa cadette. Qui l’a mise enceinte à trois reprises (deux IVG et une fausse couche). Ce sont les confidences de Sylvie, à 19 ans, à une voisine qui ont déclenché l’enquête. L’aînée, pour sa part, dira qu’elle était réticente, avant d’être consentante.
C’est toute l’ambiguïté de la loi qu’illustre le verdict de la Somme, une aberration que dénonce Isabelle Aubry (2), fondatrice de l’Association internationale des victimes de l’inceste : «L’inceste entre adultes consentants n’est pas interdit en France, un père et sa fille peuvent se reproduire à partir du moment où ils ne se marient pas. C’est d’une hypocrisie totale !»
Comme Hélène Legrand, la présidente de SOS Inceste pour revivre, qui trouve ce procès «terriblement dérangeant» : «L’inceste consenti, heureux, ça n’existe pas, tant l’emprise d’un père est forte. Certaines victimes se protègent de cette façon-là, c’est plus facile de se dire qu’on est d’accord, que ça nous plaît plutôt que de s’effondrer.»
Leur combat commun : l’inscription du mot «inceste» dans le code pénal pour briser l’ultime tabou.
1) Les prénoms ont été modifiés.
2) Auteur de La première fois, j’avais six ans… (Pocket).
*Cet article a été publié dans le numéro 814 du magazine Marianne paru le 24 novembre 2012.
Source: http://www.marianne.net/L-inceste-le-crime-qui-n-existait-pas_a224620.html
Trouvé sur:http://www.egaliteetreconciliation.fr/L-inceste-le-crime-qui-n-existait-pas-20791.html