Le Figaro Le marché du sang humain vient d’être ouvert… à la concurrence

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Titre d’origine: « Pourquoi le don de sang pourrait ne plus être gratuit en France »

À partir de ce lundi, l’Établissement français du sang n’est plus en situation de monopole. L’ouverture à la concurrence modifiera le modèle économique de cet établissement public et les volontaires pourraient être rémunérés, une hypothèse que les syndicats craignent.

Le modèle éthique français du don de sang vit peut-être ses dernières heures. La fin du monopole de l’Établissement français du sang (EFS) entre en effet en vigueur ce lundi. La fin de ce modèle économique pourrait signifier la fin de la gratuité des dons du sang. C’est déjà le cas en Allemagne, en Chine ou aux États-Unis où les volontaires sont rémunérés autour de 50 euros par le groupe suisse Octopharma.

De fait, en juillet dernier, l’EFS a perdu l’exclusivité de la commercialisation du plasma «SD», l’un des trois plasmas thérapeutiques qu’il produit. Le conseil d’État a tranché en faveur du laboratoire suisse Octapharma, qui souhaitait obtenir en France une autorisation de mise sur le marché pour son produit «Octaplas», un «plasma SD». Depuis ce lundi, la concurrence est ainsi habilitée à vendre ce composant liquide du sang riche en protéines. Ainsi, les hôpitaux devront entrer dans une logique d’appel d’offres pour se fournir du plasma thérapeutique alors que jusqu’à présent seul l’EFS était habilité à leur fournir.

Créé en 1998 en réaction au scandale du sang contaminé, l’EFS, établissement public administratif, possédait en effet jusqu’à présent le monopole de la collecte du sang, du plasma et des plaquettes et de la commercialisation des produits sanguins peu transformés et à la durée de conservation courte. Certains, comme Serge Dominique, délégué central FO, s’inquiètent pour le «modèle économique de l’EFS» si la brèche décidée par le Conseil d’État venait à être élargie à d’autres prestations, tel le prélèvement de plasma.

Un marché mondial évalué à quelque 12 milliards d’euros

Par ailleurs, après cette décision, l’Igas et l’IGF ont engagé un audit de la filière du plasma en France. Les syndicats craignent que cette étude débouche sur une remise en cause du modèle français, fondé sur le don gratuit. Selon les syndicats CGT, CFDT, CFE-CGC et FO, ses auteurs proposeraient en effet de casser le monopole de la collecte et de permettre à une autre structure publique de prélever le plasma des donneurs. En fin de semaine dernière, quatre syndicats de l’Établissement français du sang (EFS) ont fait grève et se sont mobilisés pour «obtenir des réponses et des engagements pour l’avenir de l’EFS et des emplois». Ils craignent en outre la suppression de «500 à 1200 emplois».

De fait, le don gratuit coûte paradoxalement plus cher que le don rémunéré, pratiqué dans plus de 70 pays, selon l’OMS. Avec des bénévoles, la collecte est en effet plus difficile à organiser, elle nécessite des campagnes de communication et d’organisation: elle est donc plus coûteuse. Le prix d’une poche de plasma varierait même du simple au double. L’Hexagone est donc moins compétitif pour la vente des produits dérivés du sang que les pays où le don est rémunéré.

Dans un marché mondial évalué à quelque 12 milliards d’euros, la concurrence continuera à gagner des parts de marché en France. Déjà 40 % des médicaments dérivés du sang achetés par les hôpitaux français sont composés de sang de donneurs rémunérés, selon les estimations du député PS de l’Isère Olivier Véran, dans un rapport de 2013.

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