TF1 / AFP Violences sexuelles pendant l’enfance : une étude donne l’alerte

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Une vaste enquête sur l’impact à l’âge adulte des violences sexuelles subies dans l’enfance a été menée conjointement par l’Unicef des psychiatres et psychothérapeutes. L’étude montre de lourdes carences dans la prise en charge des victimes qui sont souvent atteintes de graves troubles psycho-traumatiques.

Les conséquences sont alarmantes : un enfant sur deux victime de violences sexuelles tente de se suicider et beaucoup d’entre eux auront de graves troubles psycho-traumatiques. Auteure d’une vaste enquête sur l’impact à l’âge adulte des violences sexuelles subies dans l’enfance menée conjointement avec l’UNICEF, des psychiatres et psychothérapeutes, le Dr Muriel Salmona lance un appel aux pouvoirs publics : « ce scandale doit cesser, il faut briser la loi du silence » déclare-t-elle en précisant que les victimes doivent être protégées et prises en charge.

« Ce scandale de santé publique doit cesser. Il faut que les pouvoirs publics prennent conscience des carences de la prise en charge de ces victimes par la protection de l’enfance, l’institution judiciaire et le corps médical », assure cette psychiatre et psychothérapeute, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie.

Quand les statistiques oublient les violences sexuelles sur les mineurs…

En France, une femme sur cinq et un homme sur quatorze déclarent avoir subi des violences sexuelles. Les enfants sont les principales victimes: 81% ont subi ces agressions avant l’âge de 18 ans, dont 51% avant 11 ans et 21% avant 6 ans « Plus la victime est jeune au moment des faits, plus les conséquences sont lourdes ». Dans plus de la moitié des cas, l’agresseur était un membre de la famille. Il faut savoir que les statistiques de l’Observatoire des violences faites aux femmes ne prennent pas en compte les violences sexuelles dont sont victimes les mineurs, « alors qu’il s’agit de la frange de la population la plus touchée », relève le Dr Salmona.

Cette enquête conduite de mars à septembre « est une grande première: 1.214 victimes, dont 95% de femmes, ont accepté d’y répondre. Nous avons nous-mêmes été impressionnés par le nombre de répondants à notre questionnaire, preuve que les victimes avaient un grand besoin de témoigner », ajoute le Dr Salmona, auteure en 2013 du « Livre noir des violences sexuelles ».

C’est pourquoi « il est important d’informer le public, de former les professionnels de santé, dont les médecins généralistes qui sont en première ligne, afin qu’ils sachent reconnaître les symptômes des violences sexuelles de l’enfance et les prendre en charge. Nous avons des outils de plus en plus performants pour dépister ces traumatismes ». « Des décisions politiques sont indispensables. Il faudrait que, par décret, les pouvoirs publics créent des centres de soins spécifiques dans chaque bassin de 200.000 habitants », recommande-t-elle. »Nous voulons aussi redonner espoir aux victimes. Bien soignées, elles peuvent s’en sortir et les violences sexuelles qu’elles subissent souvent à l’âge adulte du fait de leur vulnérabilité ne se répèteront pas ».

Des violences sexuelles souvent ignorées par les victimes elles-mêmes

« Les ados qui partent en vrille, les IVG de mineures, les tentatives de suicide de jeunes s’expliquent dans bien des cas par ces violences sexuelles qui restent ignorées. Et d’année en année, le nombre de plaintes ne bouge pas, celui des condamnations non plus », affirme-t-elle. Depuis la ratification par la France en 2014 de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, « on impose des protocoles pour la protection des victimes. C’est un progrès », reconnaît la psychiatre.

Autre combat à mener, selon elle, l’allongement du délai de prescription des viols de mineurs, aujourd’hui de 20 ans après la majorité. Beaucoup ne portent plainte que très longtemps après les faits, surtout quand ils sont commis dans le cadre familial. « Culpabilisées, menacées, les victimes considèrent souvent ne pas en avoir le droit. De plus, beaucoup souffrent d’amnésies traumatiques qui peuvent durer des années », remarque le Dr Salmona, espérant que cette enquête « contribuera à améliorer la situation ».

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