Le Figaro 16 enseignants révoqués en 2014, les relations Éducation-Justice en question

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L’affaire impliquant le directeur d’école de Villefontaine a permis la révélation de certains chiffres et pointé plusieurs dysfonctionnements entre l’Éducation nationale et la Justice. Le Figaro fait le point en quelques questions.

•Combien d’enseignants ont été révoqués pour des faits de pédophilie l’an dernier?

Après avoir évoqué de façon laconique 4 ou 5 signalements depuis l’affaire de Villefontaine, la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud Belkacem a pour la première fois communiqué le nombre d’enseignants révoqués de l’Education nationale après avoir été condamnés pour des agissements pédophiles ou pour détention d’images pédopornographiques. En 2014, 16 personnes l’ont été. «Attention à ne pas jeter l’opprobre sur l’ensemble du personnel», prévient Najat Vallaud Belkacem, rappelant que l’Education nationale compte environ un million de fonctionnaires, dont 840.000 enseignants.

• Quelle est la procédure habituelle quand un enseignant est condamné pour des agissements pédophiles ou détention d’images pédopornographiques?

Quand le système fonctionne, une personne ayant fait l’objet d’une condamnation pour de tels fait ne peut pas continuer à travailler auprès d’enfants. Lors de la phase de l’instruction, si les faits supposés ont eu lieu au sein de l’école, l’enseignant est d’abord suspendu. C’est ainsi le cas en Moselle, où un enseignant de 60 ans d’un collège de Marly a été placé en garde à vue pour des «propositions déplacées» à une élève de 14 ans.Si les faits ont eu lieu en dehors de l’école, les enquêteurs n’ont pas l’obligation de prévenir l’Éducation nationale tant que le procès n’a pas lieu.

Une fois que le tribunal a jugé l’affaire, les services de la Justice ont l’obligation de signaler à ceux de l’Éducation toute condamnation d’un membre de l’Éducation nationale pour des faits de pédophilie ou de pédopornographie. Cette obligation est définie par une circulaire parue en 2001 qui demande au parquet de transmettre à toutes les administrations et organismes publics les informations concernant la condamnation de leurs personnels. Le procureur doit donc en principe prévenir le rectorat qui décide alors de la révocation. Or, cette circulaire n’est pas toujours appliquée et l’information n’est pas toujours transmise aux recteurs des enseignants concernés comme l’ont montré les affaires de Villefontaine et de Rennes. «Le problème de non transmission par la justice à l’Éducation nationale de condamnations prononcées est malheureusement plus fréquent que ce que nous imaginions» a ainsi reconnu ce mercredi Najat Vallaud-Belkacem.

•Comment un personnel de l’éducation condamné, comme à Villefontaine et à Rennes, peut-il continuer à enseigner?

Pour le cas de Rennes, nous disposons à ce stade d’aucune information. Ce professeur de sport dans un collège d’Orgères, près de Rennes, avait été condamné en 2006 «pour détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique». Il est en outre mis en examen pour agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans «dans le contexte familial». Il n’a pas encore été jugé dans cette affaire-ci et vient seulement d’être suspendu de l’Education nationale. Le ministère étudie actuellement 4 à 5 autres cas de dysfonctionnements qui lui ont été remontés du terrain.

Pour le cas de Villefontaine, dont le directeur est écroué depuis une semaine pour accusation de viols aggravés sur plusieurs de ses élèves de CP, plusieurs pistes sont envisageables. Il faut savoir tout d’abord que pour enseigner, l’Education nationale demande à consulter l’extrait B de votre casier. Or, sur ce document, les condamnations avec sursis sont effacées une fois que vous les avez purgées. Or Romain F. a été condamné pour détention d’images pédophiles en 2008. Il a été ensuite été en arrêt maladie pendant plus de deux ans après le décès de son fils. A son retour au sein de l’institution en 2011, même si le rectorat avait consulté son casier, la condamnation n’y était plus inscrite sur ce bulletin précis. Dans les faits, les casiers judiciaires des fonctionnaires sont examinés à leur embauche, mais rarement en cours de carrière. Reste à savoir pourquoi le procureur n’a pas alerté immédiatement le rectorat de cette condamnation en 2008.

•Qu’est-ce que l’affaire de Villefontaine devrait changer au niveau de l’Éducation nationale?

Une enquête administrative conjointe a été ouverte par le ministère de la Justice et de l’Education nationale pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise. Les conclusions de cette enquête seront rendues le 30 avril. Dès la semaine prochaine, se tiendra une réunion entre procureurs généraux et recteurs, organisée sous la tutelle des deux ministres. Il s’agira notamment de s’interroger sur la mise en place d’un contrôle systématique de l’intégralité du casier judiciaire du personnel éducatif de manière régulière, tous les ans par exemple. Najat Vallaud-Belkacem et la garde des Sceaux Christiane Taubira n’ont pas exclu de légiférer sur la question.

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