Huffington Post Anders Kompass « ne peut pas être considéré » comme « un lanceur d’alerte », indique l’ONU après la divulgation d’un rapport sur l’armée française en Centrafrique

CENTRAFRIQUE – Inconnu du grand public, le directeur des opérations de terrain au Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme, Anders Kompass, serait à l’origine de la révélation d’un scandale qui pourrait ébranler l’armée française.

Selon les révélations du Guardian, confirmées par un communiqué de l’ONU qui ne cite toutefois jamais le nom de Anders Kompass, le cadre aurait remis en juillet 2014 aux autorités françaises un document de travail confidentiel de l’Organisation. Ce rapport que le Guardian a pu consulter révèle des « accusations graves d’exploitation sexuelle et d’abus commis sur des enfants par des militaires français » durant le déploiement de l’opération Sangaris entre décembre 2013 et juin 2014.

Pour avoir transmis ce dossier brûlant à la justice française, Anders Kompass a été sanctionné par son employeur.

L’ONU lui refuse le statut de « lanceur d’alerte »

Le responsable de la fuite a été placé « en congé administratif avec plein salaire », a expliqué mercredi le porte-parole adjoint de l’ONU, en attendant les conclusions de l’enquête interne sur « ce grave manquement aux procédures » en vigueur.

Un source à l’ONU citée par l’AFP sous couvert de l’anonymat indique aussi que le responsable sanctionné, avait fait fuiter le rapport une semaine seulement après qu’il ait été fourni par les enquêteurs et que son action ne pouvait donc pas s’expliquer par une frustration devant un manque de réactivité de l’ONU.

 

« Une telle conduite ne peut pas être considérée comme celle d’un lanceur d’alerte »

 

Le porte-parole de l’organisation a aussi indiqué que le rapport transmis officieusement à Paris par ce responsable, sans en référer à sa hiérarchie, n’était pas expurgé des noms des victimes, témoins et enquêteurs, ce qui pouvait « mettre en danger » ceux-ci. « Notre conclusion préliminaire est qu’une telle conduite ne peut pas être considérée comme celle d’un lanceur d’alerte », a souligné le porte-parole.

Les internautes s’interrogent

Le sort qui a été réservé à Anders Kompass laisse perplexe les internautes. Depuis la publication des révélations du Guardian, de nombreux messages de soutien à ce cadre onusien sont postés sur Twitter.

Le hashtag #shame (« honte » en anglais) accompagne souvent les tweets qui contestent la décision de l’ONU. De là à voir en Anders Kompass un nouveau lanceur d’alerte -comparable à Edouard Snowden- il n’y a qu’un pas que certains internautes, dont des journalistes anglo-saxons, n’hésitent pas à franchir. Ci-dessous, le tweet d’une journaliste britannique accompagné du hashtag #whistleblower (« lanceur d’alerte »).

En France, le site d’informations Arrêt sur Image qualifie aussi Anders Kompass de « lanceur d’alerte ».

Seul Anders Kompass a été mis à pied

Interrogée par le Guardian, Bea Edwards, directrice de l’association Government Accountability Project, qui s’est donnée pour mission de « protéger les lanceurs d’alerte », estime en revanche que le cas d’Anders Kompass n’est pas un cas isolé au sein de l’institution onusienne.

« Nous avons défendu de nombreux lanceurs d’alerte dans le système des Nations Unies ces dernières années, et en général, plus grave est la divulgation, plus féroces sont les représailles », explique-t-elle. « Malgré les discours officiels, il y a très peu d’engagement pour protéger les lanceurs d’alertes au sein de l’ONU » poursuit la militante ajoutant que la direction a « une forte tendance à politiser toutes les questions, peu importe l’urgence ».

Selon le Guardian, le fonctionnaire suédois ne peut avoir agi sans l’aval plus ou moins consenti de l’un de ses supérieurs. Or, pour l’heure, seul Anders Kompass a été mis à pied. Une sanction que les nations unies justifient ce mercredi 29 avril par « une violation grave du protocole ». Une explication curieuse au regard du destinataire dudit rapport: les autorités françaises. La justice française a de son côté ouvert une enquête préliminaire sur cette affaire.

Qui est Anders Kompass ?

Peu d’informations sur le cadre suspendu circulent pour l’heure. Suédois, l’homme a une vie numérique quasiment inexistante et seuls quelques rapports de l’ONU mentionnent son nom et ses fonctions.

Avant de s’installer à Genève (là où est installé le siège du Haut-Commissariat aux droits de l’homme), Anders Kompass a notamment officié pour l’OHCHR en Amérique du Sud et Amérique centrale, notamment en Colombie et au Guatemala. Plus récemment, en avril 2014, il présidait une table ronde consacrée aux « droits inaliénable du peuple palestinien ».

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